Au cours des dernières décennies, de nombreuses recherches ont été effectuées sur le leadership. Quelles sont les caractéristiques qui font qu’on attribue à un individu les qualités d’un meneur? Ce sujet fascine, mais est loin d’avoir livré tous ses secrets.

Au fil du temps, bien des théories sur le leadership se sont succédé, évoluant selon les époques, les contextes sociaux, historiques, culturels ou économiques. Ce concept changeant peut faire en sorte qu’un leader porté aux nues à une certaine période peut être rejeté quelques années plus tard. On n’a qu’à penser à Winston Churchill, premier ministre britannique qui avait atteint le sommet de sa popularité durant la Deuxième Guerre mondiale, mais qui fut de plus en plus contesté une fois la paix revenue.

Ce n’est pas tout : avant même de discuter des qualités que devrait détenir un leader, ne devrait-on pas plutôt regarder par l’autre bout de la lorgnette et se placer du côté de ceux qui lui accordent cette légitimité?

« Les gens nous donnent le leadership parce qu’ils acceptent de nous suivre. Cela constitue un lien plus puissant, mais aussi plus fragile », remarque Éric Brunelle, professeur titulaire au Département de management de HEC Montréal. Pour mieux comprendre cette dynamique, voici un bref aperçu des leaders d’hier et d’aujourd’hui.

Série Les Leaders

Une nécessaire évolution

 « Ce qu’on attend des leaders a beaucoup changé », confirme Cyrille Sardais, professeur titulaire au Département de management de HEC Montréal et titulaire de la Chaire de leadership Pierre-Péladeau. Il distingue ainsi trois grandes périodes. La première, de 1945 à 1970 environ, met de l’avant un leader qui s’appuie sur la hiérarchie, la compétence, le respect des règles et de la raison. « Le gourou de l’époque, Peter Drucker, prônait que ce qui comptait était de pouvoir constituer des organisations susceptibles de faire faire des choses extraordinaires à des gens ordinaires. La preuve, on a envoyé l’Homme sur la lune!», poursuit-il.

Par la suite, plusieurs événements ont ébranlé les bases de ce modèle : choc pétrolier, crise économique, retrait du Vietnam, etc. Peu à peu, le leader transformationnel et inspirant émerge, une approche qui deviendra la norme dans les années 1990 et 2000. Il s’agit de leaders charismatiques, qui sont touchés par la grâce et qui peuvent accomplir des miracles. Steve Jobs, le défunt cofondateur d’Apple, en est un bon exemple et, plus près de chez nous, Guy Laliberté.

Mais là encore, les crises successives – 2001 et 2008 – vont changer la donne.  « On s’est rendu compte que derrière les discours et certains chefs d’entreprise qui faisaient la une des magazines, celui d’Enron par exemple, il n’y avait que du vent ou des escrocs », illustre Cyrille Sardais. On troque donc ce type de leadership pour un autre, plus authentique et transparent. Un leader au service du groupe et qui incarne les valeurs de celui-ci.

« Aujourd’hui, nous sommes davantage dans une logique de servant leadership. On cherche des individus qui ont une morale et représentent un idéal auquel on adhère, que ce soit sur le plan éthique, environnemental, etc. », indique Éric Brunelle.

Mais il n’y a pas que des meneurs positifs, ils peuvent aussi prendre les traits de leaders destructeurs, note Luc Brunet, professeur associé au Département de psychologie de l’Université de Montréal, qui a réalisé plusieurs recherches à ce sujet. Qu’ils soient tyranniques, machiavéliques, narcissiques, toxiques ou plutôt de type laisser-faire, ils sont à l’œuvre dans toutes sortes d’organisations, s’attaquant aux structures mêmes de celles-ci ou encore aux personnes qui les composent.

La légitimité dans le regard des autres

 Quelles que soient les qualités possédées par les leaders – positifs ceux-là –, le plus important est qu’elles trouvent un écho dans les personnes qui les suivent, estime Éric Brunelle. D’ailleurs, un leader peut s’appuyer sur plusieurs sortes de légitimité. « Leur valeur relative évolue au cours du temps, en fonction des époques et des cultures. Mais elles forment des strates; ainsi, une nouvelle forme de légitimité s’ajoute plus qu’elle ne remplace la forme précédente », indique Cyrille Sardais.

Dans ces conditions, pourquoi s’attarder à la typologie du leadership, puisqu’on en recense plusieurs : transformationnel, authentique, collaboratif, coach, transparent, inspirant ou conscient? Parce que cette connaissance devrait faire partie du coffre à outils des gestionnaires et des dirigeants. En ce sens, ils ont tout intérêt à savoir de quoi ils tirent leur pouvoir d’influence afin de le préserver, et même de le renforcer. Car comme l’écrivait l’économiste et sociologue allemand Max Weber, la légitimité repose toujours sur une croyance, et celle-ci n’existe que dans le regard des autres. Par conséquent, il faut veiller à ne pas l’altérer ni à agir en contradiction avec elle. À bon entendeur…