« Les inégalités tirent la croissance vers le bas », disent le FMI et sa présidente, Christine Lagarde.

C'est en substance ce qu'a affirmé la présidente du Fonds monétaire international (FMI), la Française Christine Lagarde, dans une allocution livrée à Bruxelles la semaine dernière. Voilà qui a de quoi surprendre quelque peu, l'organisation ayant été, par le passé, l'objet de vives critiques de la part des pays en voie de développement.

Le pavé dans la mare vient essentiellement du fait que pendant de nombreuses décennies, les économistes ont, à l'égard de l'épineux problème des inégalités économiques et sociales, fait leur la théorie dite du « ruissellement » (trickle down), voulant que l'enrichissement des mieux nantis favoriserait la croissance économique, ce qui finirait in fine par bénéficier aux moins bien nantis. Le dernier rapport du FMI ce sujet, intitulé Causes and Consequences of Income Inequality: A Global Perspective, remet en effet ce dogme en question, et les conclusions tirées par les auteurs viennent bousculer bien des idées reçues à ce sujet.

De fait, ces derniers affirment que la croissance économique est essentiellement le fait des classes pauvres et des classes moyennes. Leur étude démontre en effet que lorsque la part des revenus des 20% les plus riches augmente, le produit intérieur brut (PIB) tend à stagner, ou même à diminuer légèrement, selon les chercheurs. À l'’inverse, lorsque le revenu des 20% les moins nantis s'élève, le PIB s’élève également. « Nos études montrent que, contrairement aux idées reçues, les bienfaits d'’une hausse du revenu viennent d’'en bas et non d'’en haut », dit en substance Madame Lagarde. Qu'est ce qui peut expliquer une telle chose? Pour Christine Lagarde, ancienne ministre française de l'Économie, des Finances et de l'Industrie (2007-2011), il faut davantage porter le regard vers les dépenses des membres des classes les mieux nanties: ceux-ci dépenseraient une proportion moindre de leurs revenus, ce qui nuirait à la demande globale et mettrait en péril la croissance économique. Au demeurant, et comme le fait remarquer le quotidien Le Monde (lire «Les inégalités de revenus nuisent à la croissance »), les conclusions de la présente étude se rapprochent grandement de celles publiées en mai dernier par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans son rapport intitulé In It Together: Why Less Inequality Benefits All, et qui établit que « (...) l'’augmentation des inégalités entre 1985 et 2005 a coûté en moyenne près de 4,7 points de croissance cumulée dans les pays avancés, moins du fait de l'’envolée des revenus des plus riches que du sort réservé aux 40% les plus défavorisés. »

Phénomène intéressant noté par la présidente Lagarde: si l'inégalité entre les pays tend à se réduire, comme le démontre la montée des pays du BRICS par exemple, l'inégalité à l'intérieur des pays, quant à elle, continue de s'accroître. Il s'agit donc là d'un immense défi pour tous les pays, dans la mesure où la croissance économique demeure encore fragile à l'heure actuelle, et le demeurera dans un futur rapproché. Que doit-on faire, en conclusion, afin de réduire ces inégalités? Christine Lagarde énonce à ce propos quatre orientations larges à adopter par chaque économie:

  • Atteindre une stabilité macroéconomique par la maîtrise de la politique monétaire, de l'équilibre budgétaire, de la dette publique, et également par la lutte à la corruption sous toutes ses formes;
  • Une lutte « prudente » aux inégalités qui ne bridera pas, par des politiques trop progressistes, l'esprit d'entrepreneuriat;
  • Ajuster les politiques budgétaires aux facteurs d'inégalité dans chaque contrée;
  • Mettre de l'avant des réformes intelligentes en matière d'éducation, de santé, de travail, d'infrastructures et d’inclusion financière.

Ces orientations souhaitées par Christine Lagarde et le FMI sont peut-être des vœoeux pieux, mais il n'en demeure pas moins que le simple fait d'aborder de front la question des inégalités économiques et sociales pour des organismes tels que le FMI et l'OCDE constitue en soi une petite révolution. Serait-ce le début d'un temps nouveau? Qu'en pensez-vous?