Les limites du leadership authentique
2025-03-25

French
https://www.revuegestion.ca/les-limites-du-leadership-authentique
2025-04-02
Les limites du leadership authentique
Leadership , Communication

L’authenticité est devenue une qualité recherchée chez les leaders. Mais un excès de transparence peut-il conduire à une perte de crédibilité? Voici les limites à respecter.
Depuis quelques années, l’authenticité a gagné du galon chez les gestionnaires. Qu’est-ce qui caractérise ce leader? «Il a une conscience claire et impartiale de lui-même, il est transparent tout en sachant faire preuve de retenue. Il agit également en cohérence avec ses valeurs», explique Estelle Morin, psychologue et professeure titulaire au Département de management de HEC Montréal.
Garder une certaine retenue
Les retombées de ce style de leadership sont non seulement positives pour le gestionnaire lui-même – car l’authenticité constitue un ingrédient important de son bien-être psychologique et de sa résilience –, mais aussi pour la motivation de ses équipes. «Parce qu’il inspire confiance, les gens ont tendance à le suivre», fait valoir Estelle Morin. D’ailleurs, le leader authentique n’aura pas besoin d’avoir recours à l’autorité, car il réussit à influencer les autres plutôt qu’avoir à leur imposer sa volonté.
Catherine Privé, CRHA et associée au sein de la firme Alia Conseil, abonde dans le même sens. «Un leader authentique est sur son ‘’X’’, il agit en cohérence avec ses valeurs et a un impact positif. Par conséquent, les employés auront tendance à s’engager davantage auprès de lui», précise-t-elle.
Si la transparence est l’une des composantes de l’authenticité, il n’en reste pas moins que toute vérité n’est pas bonne à dire. «On peut s’exprimer de façon très ouverte sans pour autant manquer de discernement. On doit savoir contrôler ses impulsions, garder ses opinions pour soi-même, filtrer et configurer adéquatement le message que l’on transmet à ses équipes», recommande Estelle Morin.
En ce sens, il sera parfois préférable de ne pas tout révéler. «Si la haute direction nous a transmis des informations préoccupantes sur l’état des affaires de l’entreprise par exemple, cela pourrait démobiliser les employés. Il est préférable d’adapter le propos, de retravailler le message pour qu’il soit constructif et non pas inquiétant», illustre Catherine Privé.
Vulnérable, mais pas trop
Si la transparence est essentielle, elle doit toutefois être mesurée. En effet, faire preuve d’authenticité ne veut pas dire se comporter en ami. «Il faut établir des nuances et ne pas trop exposer ses émotions devant ses employés. Il y a un risque à trop se dévoiler, une certaine distance est de mise pour conserver sa crédibilité», ajoute Catherine Privé.
François-Daniel Migeon, fondateur et président du cabinet Thomas More Partners et auteur de l’ouvrage Leader authentique, soutient pour sa part qu’une transparence excessive peut générer des conséquences négatives. «Lorsqu’un leader recherche un soutien affectif auprès des autres, alors il cesse d’être un appui pour l’organisation. En revanche, il pourrait afficher une certaine vulnérabilité, par exemple en osant partager ses limites et ses angles morts, et malgré tout générer un solide engagement de la part de ses équipes», mentionne-t-il.
Une bonne pratique consiste à mettre en place un trio d’ancrage constitué de trois gestionnaires, incluant par exemple le directeur des ressources humaines, afin de créer un espace dans lequel le leader exposera et exprimera ses doutes librement. «Il pourra sortir de sa zone de confort, faire part de ses limites et de ses angles morts. De son côté, le trio d’ancrage demeurera attentif pour éviter que le leader ne fasse preuve d’aveuglement par rapport à ses propres biais ou faiblesses», illustre François-Daniel Migeon. Bien connaître ses forces, mais aussi ses points de fragilité est toutefois essentiel pour que cet exercice porte fruit.
Une autre technique efficace pour aider le leader à demeurer ancré dans l’authenticité est d’instaurer une routine de retour sur les événements. «Il s’agit de revenir sur les rencontres de la journée, de se demander comment on les a vécues, et de quelle façon la meilleure version de nous-mêmes aurait géré la situation», explique François-Daniel Migeon, qui précise que c’est aussi une façon de prendre soin de soi.
Le leadership en temps de crise
Si l’organisation traverse des turbulences, alors il faudra revoir son approche. «Lorsque l’entreprise connaît une période de crise, pour réussir à maintenir le cap, elle aura besoin d’un leader transformationnel», observe Catherine Privé. Elle cite en exemple son entreprise, Alia Conseil, qui adopte habituellement une forme de leadership partagé. Lors de la pandémie, les événements l’ont incitée à adopter une posture différente. «Compte tenu des conditions dans lesquelles nous évoluions, j’ai jugé qu’il était préférable d’avoir les deux mains sur le volant. Dans ce type de situation, le leader doit aussi éviter de trop se dévoiler : si la situation l’inquiète, il faut garder ses peurs et ses émotions pour soi afin de ne pas démobiliser les membres de l’équipe», conseille-t-elle.
Mais cela ne veut pas dire pour autant que l’on cesse d’être authentique. Car, même s’il faut se montrer plus directif, il est possible de demeurer fidèle et aligné sur ses valeurs.
Leadership , Communication