La créativité a une influence positive sur l’intérêt et la confiance des consommateurs à l’égard d’une marque. Dans cette optique, des organisations à la recherche d’avenues innovantes se tournent vers les jeux vidéo publicitaires. Cette tendance représente-t-elle une stratégie gagnante ?

Le lien entre les marques et les jeux est un phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur. Le jeu permet de diversifier les formats publicitaires. En outre, il est possible de savoir si les joueurs ont effectué un achat en boutique après avoir cliqué sur la publicité d’un jeu. Ainsi, le gestionnaire de marque peut immédiatement mesurer le retour sur investissement de son jeu.

Qui sont les joueurs ?

Les jeux vidéo ne sont pas destinés uniquement aux enfants et aux adolescents. En 2015, 54 % de la population canadienne et 74 % des Français de 10 à 65 ans ont joué occasionnellement à des jeux vidéo, ce qui montre l’ampleur du phénomène. En outre, avec l’apparition des téléphones portables, ces jeux sont devenus omniprésents.

Un grand nombre de joueurs qui ont déboursé des sommes assez considérables pour avoir une console de jeu ne veulent absolument pas entendre parler de publicité. Cependant, certains joueurs sont prêts à faire des concessions si les jeux sont gratuits ou s’ils peuvent en tirer un certain bénéfice.

Ce qui importe dans la création d’un jeu de la part d’une marque, c’est que le consommateur y voie et y trouve son intérêt. La qualité du jeu est donc primordiale pour captiver cette audience.

Enjeux budgétaires

Une des barrières à l’utilisation du jeu vidéo par les marques est l’incohérence des budgets. Or, pour faire des jeux de qualité, il faut être prêt à investir.

Si le domaine des jeux vidéo est dominé par des géants comme Ubisoft, c’est pour une raison bien simple : afin de créer un jeu à succès qui va toucher un très vaste auditoire, les studios sont prêts à dépenser entre 70,5 millions $CA (50 millions d’euros) et 141 millions $CA (100 millions d’euros). Dans les faits, les entreprises qui se lancent dans le jeu vidéo publicitaire (advertgaming) n’y consacrent souvent que des budgets faméliques, soit de 28 200 $CA (20 000) à 70 100 $CA (50 000), ce qui ne permet pas de créer un jeu de qualité.

Selon Jean-Baptiste Fleury, responsable du studio de création de jeux mobiles de la société française Virtuos, pour concevoir un jeu, « les entreprises mettent de 50 000 à un million d’euros [de 70 100 à 1,41 million $CA] dans le meilleur des cas. Mais c’est plus souvent 50 000 qu’un million d’euros et, à 50 000, on a un jeu de qualité médiocre ».

Pertinence et qualité

La deuxième barrière correspond à la qualité et à la pertinence du jeu vidéo : il faut que les jeux conçus soient cohérents avec la marque tout en adoptant le discours ludique spécifique aux jeux vidéo. Avec l’advertgaming, le joueur est roi. C’est lui qui choisit d’interagir ou non avec la marque par le truchement du jeu de celle-ci.

La perception du consommateur

Le consommateur-joueur est très sceptique vis-à-vis de la publicité et reconnaît très facilement la finalité publicitaire du jeu. Les marques doivent donc faire preuve d’inventivité. Le consommateur est prêt à accepter la publicité s’il y voit une contrepartie : c’est pour cette raison que les marques proposent aux joueurs de regarder une vidéo publicitaire afin de progresser dans le jeu. À la fin de la publicité, le joueur va gagner une récompense qui lui permettra de continuer à jouer ou d’obtenir un avantage.

Deux questions à se poser

Par conséquent, avant de créer un jeu vidéo, le gestionnaire de marque doit se poser deux questions. Si une des réponses à ces questions est négative, il devra changer de stratégie.

Les moyens financiers sont-ils suffisants pour investir dans un jeu ?

Dans ce cas, le gestionnaire devra se demander ceci : quel est son budget marketing et, surtout, combien d’argent lui restera-t-il après avoir investi dans le marketing traditionnel et numérique ? Si la réponse à la deuxième question est de l’ordre de moins de 28 200 $ (ou 20 000), il vaudra mieux songer à autre chose.

Le jeu souhaité va-t-il capter l’attention de la clientèle cible ?

Tout d’abord, il est important de bien connaître sa cible afin d’en circonscrire les centres d’intérêt. Puis, si le jeu qu’on vous propose n’arrive pas à vous captiver et repose sur un scénario qui laisse à désirer, mieux vaut abandonner. Par ailleurs, vous ne parviendrez pas à toucher des joueurs très expérimentés avec un jeu peu élaboré, car ils vont vite s’ennuyer. Il est donc important que le niveau de difficulté du jeu corresponde à l’expérience de jeu de votre cible. Enfin, le sujet du jeu doit être inspirant et divertissant.

En conclusion, si le jeu vidéo est un support intéressant pour les marques, celles-ci doivent toutefois être conscientes de l’investissement nécessaire en ressources financières et humaines.

Les différents types de jeux publicitaires

FREEMIUMS

Il s’agit de jeux dont les options de base sont gratuites mais dont les options plus élaborées sont payantes. Un des jeux les plus connus de cette catégorie est Le Village des Schtroumpfs (illustration n° 1), lancé en même temps que le film Les Schtroumpfs et le village perdu. Dans ce jeu, on peut acheter du contenu additionnel avec de l’argent réel.

LES JEUX-CONCOURS

Le jeu de Burger King Angriest Game (2) est un exemple parfait de ce type de jeu. Le principe ? Récolter 20 jalapeños en moins de 20 secondes afin d’obtenir un coupon de réduction dans les restaurants Burger King. Avec 336 000 parties jouées, 130 883 coupons gagnés et un taux de clics moyen de 40,25 %, les résultats obtenus par ce jeu vidéo en seulement 14 jours ont démontré un véritable engouement de la part des consommateurs.

PUBLICITÉ DANS UN JEU GRATUIT

Il y a là deux possibilités : la première – la plus risquée – consiste à intégrer une publicité avant le jeu, à la façon de YouTube. On peut aussi insérer une publicité pendant le jeu, mais pour que cela fonctionne, il faut que le joueur gagne une récompense en retour. Souvent, il s’agit d’avoir accès à un niveau supérieur du jeu (une sorte de boni temporaire).

La deuxième option consiste à faire du placement de produit et d’inclure, comme au cinéma, ses produits dans un jeu.

C’est ce que Mercedes a fait dans Mario Kart 8 (3), dans lequel Mario utilise la Mercedes GLA.

SITES EXPÉRIENTIELS

Ce sont des sites sous forme de mini-jeux très simples dont le but consiste à offrir une expérience sympathique à l’internaute-joueur afin de favoriser sa conversion. Ces sites expérientiels renvoient au site de la marque lorsque le joueur a terminé sa partie. Ce type de site permet aux entreprises ayant des budgets réduits d’utiliser le jeu pour développer leur marque.

Un exemple de ce type de site est Street Pursuit (4), créé pour la marque Dim. Il s’agit d’un mini-jeu très simple et très rapide au bout duquel on reçoit un coupon de réduction.


Pour aller plus loin

Ignatieff, A., Danger : la fragmentation des marques face au multimédia, Bluffy (France), Éditions Kawa, 2017, 226 p.