Article publié dans l'édition Printemps 2022 de Gestion

Les troubles du déficit de l’attention ne touchent pas que les jeunes. Chez les adultes, un nouveau phénomène s’observe : le déficit d’attention organisationnel. Les nombreuses interruptions qui ponctuent le travail de vos employés en seraient la cause. Mais comment savoir si ce mal s’est infiltré au sein de votre équipe?

Depuis le début de la pandémie, les interruptions qui viennent gêner le travail des équipes ont considérablement augmenté[1]. Heureusement, comme gestionnaire, vous pouvez jouer un rôle concret dans l’amélioration de cette situation coûteuse en temps, en énergie et en productivité pour votre organisation et vous-même.

Un déficit de quoi, au juste?

S’il vous était jadis facile de pointer du doigt vos employés les plus perturbateurs, en perpétuelle discussion avec leurs collègues ou en train de constamment rôder autour de la machine à café, la situation est aujourd’hui plus complexe, en raison du télétravail instauré dans les organisations.

Il n’empêche que, dans les milieux de travail actuels, les interruptions sont légion[2] : les courriels dont on ne réussit pas à repousser la lecture, les messages instantanés qui créent des centaines de notifications par jour, etc. Au quotidien, ces interruptions peuvent se manifester sous différentes formes (voir le tableau ci-dessous).

Les types d’interruptions

Intrusion

Perturbation dans le rythme du travail, qui a pour résultat de détourner l’attention de l’employé de la tâche sur laquelle il est concentré. Provient d’une demande explicite d’une autre personne, comme un appel d’un collègue pour préciser une information.

Distraction

Interruption qui ne demande pas expressément au travailleur de rediriger son attention, mais qui peut malgré tout le conduire à arrêter la tâche qu’il est en train d’accomplir. La distraction prend la forme d’une tentation à laquelle l’employé devra résister (consultation des médias sociaux, par exemple).

Multitâche

Suspension momentanée du travail quand un employé tente de répondre à plusieurs demandes simultanément, allant d’une tâche à une autre (en répondant à des courriels pendant une vidéoconférence notamment.)

Surprise

Événement inattendu qui affecte la réalisation d’une tâche ou d’une activité (problème technique, attente d’une réponse à une question pour poursuivre le travail, etc.).

Source : Leroy, S., Schmidt, A., et Madjar, N., «Interruptions and task transitions: Understanding their characteristics, processes, and consequences», Academy of Management Annals, vol. 14, n° 2, juillet 2020, p. 661-694.

Comment mieux encadrer les intrusions?

Dans une économie du savoir valorisant la créativité, la gestion de l’attention est essentielle et doit se faire de manière intentionnelle. Améliorer notre aptitude à créer des listes de tâches et optimiser notre temps ne suffiront pas si notre attention part en vrille à tout moment. Une étude suggère d’ailleurs que le contexte dans lequel évoluent les organisations rend moins efficaces les approches traditionnelles de gestion du temps. Les auteurs démontrent plutôt les avantages d’une planification proactive face aux interruptions inévitables (contingent planning en anglais) pour renforcer l’engagement et la performance des travailleurs[3]. En suivant cette méthode, les employés seront par exemple invités à réserver des moments dans leur agenda pour répondre à leurs courriels ou à fermer la porte de leur bureau lorsqu’ils exécutent des tâches qui demandent plus de concentration.

Voici cinq actions à poser afin de mieux gérer les effets négatifs des interruptions de travail sur votre équipe :

  1. Rédigez des politiques de travail favorisant des séances de travail dépourvues d’interruptions (instaurez des matinées sans réunions, courriels ou appels téléphoniques).
  2. Donnez l’exemple en respectant cette nouvelle politique et en valorisant son application par les employés.
  3. Reconnaissez que tout ne peut pas être une priorité.
  4. Développez une conscience collective dans l’équipe sur les effets des interruptions.
  5. Faites évoluer votre philosophie ainsi que votre approche en matière de planification et de gestion du temps.

Dernier point : ne culpabilisez pas trop si vous avez l’impression que vos efforts pour diminuer les interruptions au sein de votre équipe n’ont pas toujours l’effet escompté. Les interruptions de travail pourraient aussi comporter certains avantages. À cet égard, des chercheurs[4] ont récemment conclu qu’elles pourraient même, en raison des interactions sociales qu’elles créent, avoir un effet bénéfique sur le degré de satisfaction des employés et, surtout, sur leur degré d’engagement. En bref, pour favoriser le bien-être de votre équipe et le succès de votre organisation, cessez d’interrompre votre équipe… sauf une fois de temps en temps!

Afin de déterminer dans quelle mesure les interruptions nuisent à la capacité d'attention de votre équipe, demandez aux membres de celle-ci de compléter notre questionnaire.


Notes

[1] Leroy, S., Schmidt, A. M., et Madjar, N., «Working from home during COVID-19: A study of the interruption landscape», Journal of Applied Psychology, vol. 106, n° 10, octobre 2021, p. 1448-1465.

[2] Puranik, H., Koopman, J., et Vough, H., «Excuse me, do you have a minute? An exploration of the dark and bright-side effects of daily work interruptions for employee well-being», Journal of Applied Psychology, vol. 106, n° 12, novembre 2020, p. 1867-1884.

[3] Parke, M. R., Weinhardt, J. M., Brodsky, A., Tangirala, S., et DeVoe, S. E., «When daily planning improves employee performance: The importance of planning type, engagement, and interruptions», Journal of Applied Psychology, vol. 103, n° 3, mars 2018, p. 300-312.

[4] Puranik, H., Koopman, J., et Vough, H., op. cit.