Les interruptions : des coûts discrets aux pertes évidentes
2024-05-24
French
https://www.revuegestion.ca/les-interruptions-des-couts-discrets-aux-pertes-evidentes
2024-05-13
Les interruptions : des coûts discrets aux pertes évidentes
Communication , Management
Un des grands avantages des outils de communication numérique est de favoriser le partage d'informations au sein des équipes de travail. Or, ce même avantage peut devenir un inconvénient lorsqu'il se traduit par une multiplication d'interruptions incessantes qui nuisent à la productivité des employés.
Des études révèlent que les travailleurs du savoir consultent leurs outils de communication toutes les 6 minutes. En moyenne, ils investissent 1 heure et 40 minutes chaque jour pour prendre et répondre à leurs courriels. Sur une année de 47 semaines, cela représente 11 semaines de 35 heures qui sont exclusivement consacrées à la gestion des courriels (les textos et les vidéoconférences sont en sus).
Évidemment, il serait tentant de multiplier ce nombre d’heures par le taux horaire des employés pour connaître le coût total des interruptions. Mais nous serions loin du compte.
Un calcul incomplet : ajoutons la productivité
Plusieurs études démontrent que nous sommes plus efficaces lorsque nous portons notre attention sur une seule tâche intellectuelle. En nous focalisant sur une tâche précise, notre cerveau peut entrer dans une zone de concentration profonde qui rend le travail plus facile et agréable à effectuer.
Dès lors qu’on subit une interruption qui porte sur un autre dossier que celui sur lequel nous travaillions, le cerveau sort de sa zone de concentration. Il a été démontré qu'il peut lui prendre jusqu’à 23 minutes avant de pouvoir y retourner. Donc, plus nous subissons d'interruptions, plus il nous est difficile d'entrer et de demeurer dans cette zone de concentration.
Aussi, le fait de changer fréquemment de dossier impose une charge cognitive importante. Autrement dit, la multiplication des interruptions concernant des sujets divers engendre de la fatigue intellectuelle, ce qui réduit encore davantage notre productivité. Pour couronner le tout, des changements de dossiers fréquents augmentent les risques d’erreurs et notre propension à procrastiner entre les tâches.
Bref, pour connaître le coût réel des interruptions, il faut minimalement prendre en compte la fatigue, l’augmentation des risques d’erreurs et la baisse de productivité. Et, malgré tout cela, le calcul demeure incomplet.
Ajoutons la santé mentale
Des études indiquent que nous surestimons nos capacités de production. Par exemple, si nous croyons pouvoir accomplir une tâche en quatre jours, il est fort probable qu’elle nécessitera cinq jours. Ce biais de planification découle d’une mauvaise estimation des contraintes externes qui peuvent nuire à notre productivité (maladies, problèmes techniques, interruptions, etc.).
Donc, si nous sous-estimons l’impact des interruptions sur nos capacités de production, elles risquent d’engendrer du stress et de la frustration lorsqu’on constatera qu’elles nous empêchent de performer à la hauteur de nos espérances. C’est d’autant plus vrai si nous avons communiqué nos objectifs "irréalistes" à nos supérieurs.
Pour rattraper ce temps "perdu", plusieurs personnes augmentent la cadence ou travaillent à l’extérieur des heures de bureau. Or, ces stratégies ne sont pas viables à long terme, puisqu’elles minent la santé physique et mentale des employés.
Et si on fermait les notifications?
Pour toutes ces raisons, il apparaît tentant de simplement désactiver les notifications. Or, cette stratégie repose sur une conception simpliste du travail en équipe et peut générer des résultats contre-productifs.
Des recherches démontrent en effet que de nombreuses personnes consultent encore davantage leurs outils de communication lorsqu’ils sont en sourdine. La raison est fort simple : elles savent que certains messages sont pertinents et parfois urgents. Elles ont donc peur de manquer une communication importante et d’en subir les conséquences.
Bref, il ne suffit pas de dire aux employés de cesser de prendre leurs messages pour résoudre le problème. Au contraire, renvoyer le fardeau de la gestion des interruptions sur leurs seules épaules risque de générer davantage de stress, de fatigue et de culpabilité.
Alors, que fait-on?
Il est vrai que la réduction des interruptions qui ne sont pas pertinentes à la réalisation de la tâche en cours favorise notre capacité de concentration et notre productivité. Mais cela ne veut pas dire qu’il faut les éliminer complètement.
De fait, des études montrent que les interruptions qui servent à transmettre de l’information utile pour le dossier en cours peuvent favoriser la productivité des employés. Plutôt que d’éliminer aveuglément l'ensemble des interruptions, il serait donc plus judicieux d’améliorer la qualité de nos communications.
Pour commencer, on peut limiter les interruptions inopportunes en s’assurant que les messages de différentes natures passent par des canaux différents. Par exemple, on peut réserver un canal à l'envoi d'informations utiles pour l'avancement des dossiers, un autre pour les urgences et un autre pour les messages secondaires. Lorsqu'ils auront besoin de se concentrer, les employés pourront donc mettre en sourdine les outils de communication qui servent à envoyer des messages secondaires.
Ensuite, il conviendrait de structurer la forme des messages. Par exemple, certaines personnes envoient de très longs courriels détaillés pour décrire un problème mineur. D’autres écrivent des messages expéditifs remplis d’ambiguïtés pour souligner une urgence. Les employés doivent donc fréquemment sortir de leur zone de concentration pour déterminer la pertinence des différents messages et leur niveau d'urgence; c’est d’autant plus vrai si ces communications passent par un seul et même canal. Afin de faciliter ce travail d’analyse, il est recommandé d’utiliser des canevas qui mettent en évidence les points centraux des messages : sujet, niveau d’urgence, délai de réponse attendu, etc.
Conclusion
Les interruptions ne sont pas mauvaises en soi. En fait, elles sont souvent utiles. Donc, avant de tenter de les éliminer complètement, il serait vraiment judicieux d’opter pour des stratégies qui permettent de conserver les interruptions utiles tout en réduisant celles qui le sont moins. Et cela passe d’abord et avant tout par l’amélioration de la qualité des modes de communication.
Communication , Management