L’amélioration continue peut générer beaucoup de valeur pour les organisations, tant sur le plan des opérations que de la gestion. En transformant la culture organisationnelle et l’expérience quotidienne des travailleurs, elle a aussi un impact sur les ressources humaines.

Au milieu des années 2000, iA Groupe financier (iA) connaissait une croissance fort intéressante. Ses dirigeants ont pourtant choisi ce moment pour confier le mandat d’explorer le Lean à Éric Bellavance, qui y occupe aujourd’hui le poste de leader, Centre d’excellence, Lean et Système de gestion. «Yvon Charest, qui dirigeait l’entreprise, voyait déjà se profiler le choc démographique, explique Éric Bellavance. Il savait que pour maintenir sa croissance, le groupe devait améliorer ses processus.»

En 2011, iA crée sa première équipe dédiée à l’amélioration continue. Elle s’affaire depuis à implanter et maintenir cette culture organisationnelle. «Nous avons commencé par des projets ponctuels d’amélioration des processus que nous avions identifiés comme plus problématiques, raconte Éric Bellavance. Nous analysions un processus dans une activité kaizen, trouvions des solutions et tentions de les implanter.»

Ces projets permettaient d’obtenir assez rapidement de gros gains, surtout en économie de temps et en réduction des erreurs, grâce à des refontes de processus ou des réorganisations d’équipes. L’entreprise atteint un plateau vers 2015, ce qui l’amène à migrer vers des techniques de résolution de problème à plus petite échelle. «Il s’agissait d’intégrer les principes Lean dans la manière dont les gens travaillaient ou géraient au quotidien, afin de maintenir un processus d’amélioration en continu plutôt que de réaliser des projets ponctuels», précise Éric Bellavance.

Il se réjouit de constater que la culture d’iA est devenue très Lean. «À partir d’un certain moment, les gains proviennent beaucoup du changement d’état d’esprit dans les équipes de travail et du passage d’une culture hiérarchique à une culture très transversale, affirme-t-il. Tout le monde est plus engagé envers son travail, les efforts sont mieux coordonnés et les employés contribuent à la hauteur de leur talent.»

Des gains majeurs

Stephane Dubreuil, vice-président des opérations et de la chaîne d’approvisionnement de SigmaPoint Technologies, un fabricant de pièces électroniques de Cornwall, a découvert le Lean lors d’un stage à l’usine GM de Boisbriand au début des années 2000. L’amélioration continue est vite devenue sa passion, qu’il applique dans ses fonctions actuelles.

Conformément à la philosophie des progrès par petits pas du kaizen, sa démarche part toujours d’un objectif bien précis. «Il faut le découper en petits morceaux et travailler au quotidien à atteindre la première cible, puis la seconde, etc.», résume-t-il. Il s’agit d’en faire plus avec moins, mais sans que l’opérateur se sente pressurisé. L’idée n’est donc pas d’alourdir la charge de travail des employés, mais plutôt d’éliminer les gaspillages de temps.

Selon lui, cela peut générer des gains énormes. À un certain moment, son entreprise a reçu une demande d’augmentation de volume d’un client pour des produits qu’elle fabriquait en trois quarts de travail. «Nous avons réussi à maintenir notre production habituelle avec deux quarts de travail et le même nombre d’opérateurs, ce qui a libéré le troisième quart pour répondre à l’augmentation de volume, raconte-t-il. On parle d’une hausse de productivité de 30 à 40%, obtenue en éliminant les gaspillages comme les microcoupures et avec très peu d’investissements.»

Un atout pour conserver sa main-d’œuvre

Les gains peuvent toucher plusieurs aspects de l’organisation, notamment les ressources humaines. «L’amélioration continue peut augmenter significativement la mobilisation et la rétention des travailleurs, en valorisant leurs connaissances et leur contribution, et en clarifiant l’impact de leur travail sur les objectifs de l’organisation», avance Sylvain Landry, professeur titulaire au Département de gestion des opérations et de la logistique de HEC Montréal.

La culture organisationnelle et l’expérience que vit le travailleur au quotidien deviennent ainsi des éléments centraux de la rétention des talents. «Si l’amélioration passe toujours par des projets de transformation menés par la direction, l’employé n’est qu’un exécutant, poursuit le professeur. L’amélioration continue porte ses fruits lorsqu’on tient compte des idées et des connaissances des employés qui effectuent les tâches au quotidien.»

L’amélioration continue représente aussi une approche essentielle pour permettre aux entreprises de naviguer dans la tempête, lorsque le contexte génère une série de problèmes complexes. C’était clairement le cas avec la pandémie, l’inflation, la hausse des taux d’intérêt, la guerre en Ukraine et les difficultés d’approvisionnement et de main-d’œuvre.

«Il n’y a pas de solutions définitives aux problèmes complexes, explique Sylvain Landry. Ils exigent de continuellement poser des gestes, prendre des petites décisions, évaluer leurs impacts, en tirer des apprentissages, s’ajuster, puis recommencer. L’amélioration continue appliquée par tous les membres de l’organisation représente justement une manière d’expérimenter, d’apprendre et de s’ajuster.»