Article publié dans l'édition été 2016 de Gestion

Le contexte actuel est propice à l’émergence de nouveaux lieux de travail auxquels le Web 2.0, la mobilité numérique et les pratiques collaboratives sont intimement reliés. Parmi ces nouveaux espaces, le coworking – ou espaces de travail collaboratif – se développe. Pour autant, la notion même de coworking et les activités pouvant y être exercées sont encore méconnues. Ainsi, à quoi servent ces bureaux à frais partagés ? Comment les mettre en place et quels résultats peut-on espérer obtenir ?

Hébergeant des télétravailleurs salariés ou indépendants pour des raisons à la fois économiques et sociales, les espaces de travail collaboratifs gagnent en popularité. Leur coût partagé est moindre que ce que débourserait un travailleur autonome qui louerait son propre local tandis qu’ils permettent également à celui-ci de briser l’isolement de son domicile et d’étoffer son réseau professionnel.


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De nos jours, les entreprises, tout comme les travailleurs autonomes, doivent accroître leur efficacité et leur productivité afin de s’adapter aux circonstances d’une concurrence de plus en plus féroce. Cette quête de performance les amène à repenser l’organisation de leur travail et à rechercher davantage de flexibilité. On trouve ce genre de philosophie de fonctionnement dans un espace de travail collaboratif, lequel est fondé sur l’entraide et sur le partage, non seulement financier (une entreprise loue des locaux à plusieurs travailleurs) mais surtout professionnel (promouvoir le réseautage, l’innovation, etc.). Peuvent alors s’en dégager deux perceptions différentes : soit une vision de nature plus immobilière, soit une vision fondée davantage sur des valeurs de collaboration, d’économie et de partage.

Créativité et flexibilité

Les créateurs des espaces de coworking sont pour la plupart des travailleurs autonomes exerçant eux-mêmes une activité professionnelle dans ces lieux. Ils se sont regroupés afin d’unir leurs efforts et leurs moyens pour trouver des locaux susceptibles de les accueillir. Un processus de communication autour de l’existence du lieu s’est donc enclenché, mais bien souvent, c’est surtout le bouche à oreille qui a suffi pour attirer d’autres travailleurs dans les locaux. L’initiative de la création de ces tiers-lieux est individuelle et soutenue par des fonds privés ou majoritairement privés. Certains de ces lieux se regroupent par catégorie de métiers possédant des liens de connexité les uns avec les autres. Que les créateurs de ces lieux souhaitent établir une logique professionnelle ou pas, on constate une surreprésentation des catégories de métiers et d’activités professionnelles issus des nouvelles technologies et du numérique (programmeurs, développeurs Web), de l’écriture et de la communication (rédacteurs, réviseurs, traducteurs, journalistes pigistes) ou de la création (designers, architectes, graphistes).

Les formules d’adhésion sont assez variées et se caractérisent par leur flexibilité. Il existe donc des forfaits de location de bureaux à l’heure, à la demi-journée, à la journée, à la semaine, au mois, au trimestre ou « à la carte », avec un tarif dégressif. Le temps de présence est aussi très variable, certains forfaits proposant des locations du lundi au vendredi ou seulement le week-end, selon un horaire traditionnel de bureau (de 8 h à 18 h) ou illimité (24 heures sur 24). Les prix varient selon la formule choisie et le bureau qu’on souhaite occuper : cubicule, bureau fermé, bureau à aire ouverte, bureau mobile ou bureau permanent qu’on conserve pendant toute la durée de la location. Au Québec, les coûts mensuels pour utiliser un bureau flottant à temps complet (cinq jours par semaine) vont de 250 à 400 $CA avant taxes. La différence de prix d’un lieu à l’autre dépend aussi de la nature des forfaits offerts.

Les forfaits traditionnels offrent tous, au minimum, un bureau doté de tout l’équipement nécessaire (photocopieuse, imprimante, téléphone, accès Internet à haute ou très haute vitesse, salles de réunion et de visioconférence). La plupart du temps, le coworker apporte son propre ordinateur. Ces lieux de travail offrent aussi des espaces de convivialité comme une salle de repos et une cuisinette avec une machine à café, propices aux rencontres et aux échanges. Certains offrent des forfaits supplémentaires, des services permanents ou occasionnels, par exemple un animateur ou un agent de secrétariat, moyennant un supplément tarifaire.

Les espaces de travail collaboratif commencent à s’établir dans les périphéries situées à proximité de grandes villes, ce qui aurait pour effet de réduire les embouteillages et les temps de déplacement d’un bon nombre de travailleurs.

Des lieux de partage et d’échanges

Certains espaces de travail collaboratif ont été instaurés avec la volonté de créer une communauté d’appartenance. Les utilisateurs de ces lieux souhaitent travailler à un endroit où ils pourront échanger et collaborer avec les autres coworkers. Dans certains de ces lieux, ils se regroupent parce qu’ils partagent des valeurs communes. En région parisienne par exemple, La Mutinerie réunit des « mutins » autour de valeurs communes reliées à la liberté d’entreprendre et à l’intime conviction qu’il ne faut rien s’interdire, car tout est possible. C’est également le cas des espaces Scop à Lyon, où les coworkers possèdent une vision alternative de leur activité professionnelle favorable à la réduction des inégalités ou à la protection de l’environnement. Ainsi, on trouve dans ce lieu un architecte spécialisé dans l’habitat participatif, un juriste en droit des sociétés spécialisé dans les entreprises coopératives, une association sur les écomusées et une banque éthique.


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Les espaces de travail collaboratif créent naturellement un réseau où chacun possède son activité et où, en cas de besoin, il sera possible de recourir aux compétences, à l’expérience, voire au réseau de ces travailleurs. Ainsi, au sein de l’espace Remix Coworking à Paris, ces échanges ont permis à deux attachés de presse de travailler sur certains projets communs relatifs à l’organisation d’événements autour du « savoir-vivre ». Deux organisateurs d’événements se sont aussi associés afin de créer une agence événementielle responsable de l’organisation de manifestations autour du mentorat et du bien-être au travail. En somme, ces deux espaces de travail, tout comme d’autres lieux similaires, favorisent l’entraide et les élans de solidarité. Ils permettent aux coworkers de bénéficier des expériences et des réseaux des autres. Ce mode de fonctionnement suscite un sentiment d’appartenance à un même lieu, un désir de partage, un climat de confiance et une synergie ambiante.

Enfin, les espaces de coworking ont aussi comme vocation d’être des lieux de vie et d’animation. La plupart des espaces de travail collaboratif organisent régulièrement, sous des formes multiples, des rencontres et des activités au profit des utilisateurs des lieux ou encore des manifestations autour d’une thématique précise. Ainsi, La Gare, à Montréal, a pour vocation d’inspirer ses membres et de les aider à se créer un réseau grâce à l’organisation d’événements comme le Startup Weekend (simulation d’entrepreneuriat de 48 heures), les Creative Mornings (série de conférences matinales) et le Défi Start-Up 7 (lancement d’une entreprise en une semaine avec 700 $). Plus de 5 000 personnes ont participé à des événements à La Gare au cours des six derniers mois. Cela permet d’animer le lieu et d’en faire la promotion pour donner envie à d’autres travailleurs de s’y installer pour le bien de leur activité. Le but consiste aussi à faciliter les rencontres entre les travailleurs qui utilisent ces lieux tout en renforçant le sentiment qu’on appartient à un même lieu de vie et à une même famille professionnelle, au sens géographique du terme.