Aurions-nous eu tort d'abattre les cloisons de nos espaces de travail?

Ils sont à la mode et franchement in... Mais peut-être ne sont-ils pas aussi cool qu'on veut bien le croire! Les espaces de travail à aire ouverte sont une tendance lourde, notamment portée par les entreprises du numérique. Ces espaces de travail sont même intégrés au sein de l'argumentaire de ces entreprises et organisations afin d'attirer de potentiels employés, principalement des membres des nouvelles générations. Une statistique pour vous démontrer l'ampleur de la tendance? Tel que rapporté par la journaliste Lindsey Kaufman dans le Washington Post (lire son article « Google got it wrong. The open-office trend is destroying the workplace. »), environ 70% des espaces de travail aux États-Unis seraient à aire ouverte ou avec partitions basses. Et les têtes d'affiche de nos organisations modernes, celles vers qui les regards d'admiration sont tournés, sont sans doute les plus ardentes défenseures de ce mode d'organisation de l'espace de travail. Comme nous le rapportions il y a quelques semaines, Facebook est en voie de terminer la construction de son nouveau siège social, qui inclura le plus grand espace à aire ouverte au monde, et où près de 3 000 personnes travailleront quotidiennement!


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Le discours officiel des apologistes de l'espace ouvert met de l'avant une série d'avantages à une telle disposition: collaboration accrue, accroissement de la créativité, sentiment de liberté, meilleure communication entre les employés, attachement plus grand au lieu de travail et aux collègues, impression de transparence et d'honnêteté, etc. Mais qu'en est-il réellement?

Le temps aidant, certaines études sur le sujet commencent toutefois à renvoyer un portait un peu moins idyllique de la situation. De fait, plusieurs maux que l'on tentait de combattre seraient en fait aggravés par la disposition ouverte de l'espace dans nos bureaux.

  • Les espaces ouverts rendront les gens plus productifs. Vraiment? Dans une méta-analyse¹ portant sur les effets des aires ouvertes sur les travailleurs, des chercheurs ont conclu que ces dernières avaient une incidence négative sur le temps d'attention, la productivité, la créativité et le niveau de satisfaction des individus au travail. Par ailleurs, les espaces ouverts réduisent évidemment l'intimité des individus et le contrôle sur leur environnement, deux éléments qui ont été scientifiquement reconnus comme facteurs contribuant à l'accroissement de la productivité, de la satisfaction au travail et de la cohésion d'équipe.
  • Les espaces ouverts réduiront l'absentéisme, parce que les gens seront heureux d'y venir travailler. Peut-être, mais ils risquent aussi de s'absenter plus souvent pour cause de maladie! De fait, une étude scandinave² a démontré que les personnes travaillant dans un bureau partagé à deux prenaient 50% plus de congés de maladie que celles occupant un bureau seul. Ce pourcentage passe à 62% pour les personnes travaillant dans une aire ouverte. Les microbes voyagent mieux dans un espace ouvert!
  • Les espaces ouverts feront en sorte de produire un travail de qualité. À revoir! Le bruit ambiant et les conversations non pertinentes ont un effet à la baisse sur la performance cognitive des individus³, les empêchant même d'effectuer des opérations mathématiques simples.4

Effet de mode ou phénomène durable? Les bureaux à aire ouverte marqueraient-ils l'extrémité d'un continuum, où le bureau fermé et opaque constituait l'autre extrémité? Un compromis entre ces deux formules d'aménagement spatial de nos lieux de travail serait-il la voie à suivre?


¹ Davis, M. C., Leach, D. J. and Clegg, C. W. (2011). « The Physical Environment of the Office: Contemporary and Emerging Issues », in International Review of Industrial and Organizational Psychology, 2011, volume 26 (eds G. P. Hodgkinson and J. K. Ford), John Wiley & Sons, Ltd, Chichester, UK.

² Pejtersen, Jan H., et al. (2011). « Sickness absence associated with shared and open-plan offices - a national cross sectional questionnaire survey.» Scandinavian journal of work, environment & health, pp. 376-382.

³ Smith-Jackson, T. L., & Klein, K. W. (2009). « Open-plan offices: Task performance and mental workload ». Journal of Environmental Psychology, 29(2), pp. 279-289.

Perham, N., Hodgetts, H., & Banbury, S. (2013). « Mental arithmetic and non-speech office noise: An exploration of interference-by-content» . Noise and Health, 15(62), 73.