Les premiers grands plans de transformation numérique ont moins de 10 ans. Ce qui veut dire deux choses : primo, que nous avons dépassé la période initiale de l’expérimentation, celle où se multiplient les erreurs et les détours; secundo, que déjà ces années de balbutiements nous permettent de tirer quelques leçons essentielles pour la bonne poursuite des choses. Dans quel contexte ces plans de transformation ont-ils été mis en œuvre chez les grandes entreprises il y a six, huit ou même dix ans et ce, tout particulièrement en Europe où l’on observe une avance par rapport aux entreprises canadiennes ?

Si les déclencheurs sont variables, certaines observations ne trompent pas. Par exemple, le fait que plus l’entreprise jouit d’une situation de quasi-monopole, moins elle sent l’urgence de se moderniser même si tout bouge autour d’elle. C’est le cas des secteurs réglementés comme les laboratoires pharmaceutiques. Et qu’à l’inverse, les grands acteurs historiques fragilisés par la compétition des startups, légèrement ou sévèrement, ont rapidement senti le vent tourner et se sont mis à la tâche. On pense ici aux chaînes d’hôtels que les booking.com de ce monde sont venus déranger.

Que ce soit par vision ou par obligation, beaucoup d’expériences de grande envergure ont été réalisées et permettent de dégager un certain nombre de leçons dont doivent tenir compte même les organisations de moindre taille.

Leçon No 1 : la transformation numérique n’est pas un projet appartenant aux fonctions TI

L’erreur la plus répandue fut sans doute de considérer que l’entrée dans le monde numérique est essentiellement une affaire d’informatique. Il suffirait d’actualiser son parc informatique et logiciel et de mettre les TI à l’œuvre pour que l’organisation soit modernisée.

Or, cette transformation est beaucoup plus qu’une mise à jour technologique : c’est un changement de paradigme qui doit d’abord se faire au sommet de l’organisation, dans la sphère de la gouvernance. Une gouvernance qui doit donc être forte, décidée et personnellement engagée dans le projet. Les mentalités et les façons de faire doivent également évoluer. Nous avions d’ailleurs déjà écrit plusieurs blogues précédemment sur ce sujet.


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Leçon No 2 : c’est aussi un changement de culture d’entreprise

La transformation numérique impose un changement de culture au sein même de l’organisation. Un changement de très grande importance, d’ailleurs, puisqu’il s’agit de penser autrement et de faire autrement.

Nous observons la chose suivante : les organisations qui ont réussi leur transformation ont fait évoluer les compétences de gestion et les modes de collaboration de l’équipe, elles ont misé sur l’intelligence collective et créé des écosystèmes pluridisciplinaires, elles ont fait en sorte que le marketing et les TI travaillent ensemble et elles ont prévu des mécanismes de formation et d’accompagnement de leurs ressources internes.

À l’inverse, les expériences les moins reluisantes ont négligé l’intégration de compétences opérationnelles, pourtant essentielles à ce que l’exécution numérique soit à la hauteur de la planification numérique.


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Leçon No 3 : l’entreprise ne peut changer si ses leaders ne changent pas

Nous l’avons évoqué plus haut : une transformation numérique est d’abord et avant tout un changement de paradigme. Pour la mener à bien, les leaders d’aujourd’hui doivent eux-mêmes évoluer. Non pas qu’ils soient aveugles ou insouciants. Au contraire, ils sont de plus en plus nombreux à constater l’envergure des transformations qui s’opèrent dans la société tout entière et l’urgence de faire évoluer leur entreprise. Mais s’ils ne passent pas de spectateur du changement à acteur du changement, leur entreprise évoluera en mode réaction plutôt qu’en mode action.


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Leçon No 4 : une transformation numérique se planifie et se pilote

Exit l’improvisation : comme tout projet d’envergure (développement d’un nouveau produit, implantation d’un réseau de distribution, exportation…), la transformation numérique est un projet majeur, qui nécessite qu’on lui consacre des énergies, des efforts, et qui se planifie autour d’une solide stratégie. Une stratégie basée sur la définition d’objectifs qui dépassent les aspects technologiques : c’est tout le modèle d’affaire de l’organisation qui doit être interrogé.

Négliger cet aspect comporte un risque immense, celui d’avoir investi temps et argent dans le développement d’une offre « à côté » de la demande. L’ingrédient de base d’une stratégie gagnante est la vision, celui d’une implantation gagnante est la planification. Comme toute bonne planification, celle-ci doit répondre à la problématique des ressources. La transformation digitale réclame des investissements, des recrutements et de la disponibilité. La question du financement doit donc être abordée très rapidement.

Et maintenant ?

Les dix dernières années nous ont beaucoup appris sur les conditions de succès des transformations numériques. Que nous apprendrons les dix prochaines? Bien malin qui saurait le dire.

Chose certaine, la composante essentielle du succès restera l’ouverture, c’est-à-dire l’acceptation du fait que les entreprises sont aujourd’hui sur les rails du changement continu et que les plus performantes seront celles dont les dirigeants seront assis dans le wagon de tête… et même dans la locomotive.