Les Canadiens de Montréal, en désavantage concurrentiel?
2016-10-13

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2023-10-02
Les Canadiens de Montréal, en désavantage concurrentiel?

Le professeur Jean-Pierre Dupuis pose des questions pertinentes sur le devenir du club mythique
Difficile de trouver plus grand amateur et plus grand connaisseur de hockey à HEC Montréal que Jean-Pierre Dupuis, professeur titulaire au Département de management. Luniversitaire, spécialiste des questions de gestion interculturelle dans les organisations, est un véritable puits de savoir en matière de hockey professionnel, et bien malin celui qui saura le prendre en défaut à propos de son club, les Canadiens de Montréal, quil suit depuis sa tendre enfance. Passionné, le prof Dupuis? Certainement! Et cest justement cette passion qui la amené à rédiger ce véritable cri du coeur quest Où sont les joueurs francophones du Tricolore?, un essai qui, comme le titre le laisse deviner, pose avec acuité la question de la tradition francophone au sein du club maintenant centenaire. À quelques heures de louverture de la nouvelle saison des Canadiens, Gestion la rencontré afin de discuter de cette question dintérêt national!
Les Canadiens, victime de la mondialisation?
Le profil culturel des joueurs de la Ligue nationale de hockey (LNH) a bien changé depuis quelques décennies. Jadis, ils étaient Canadiens ou Américains; aujourdhui, ils sont certes toujours Canadiens et Américains, mais aussi Scandinaves, Russes, Allemands, Suisses, Tchèques, Slovaques et autres. Par la force des choses, létat-major des Canadiens a donc été amené à jeter son dévolu sur des joueurs provenant de tous les horizons, délaissant de plus en plus les joueurs issus du Québec, sur lesquels le club a bâti sa légende au fil des décennies. Cest un fait que Jean-Pierre Dupuis démontre bien, chiffres à lappui, dans son essai.
Peu importe les motivations derrière les choix de joueurs faits par la direction du club, que ce soit par lentremise du repêchage ou dune transaction, les Francophones sont aujourdhui une minorité dans lalignement des Canadiens. Il sagit là dune importante contradiction que relève lauteur, car dun point de vue strictement économique, cela pourrait se retourner contre la Sainte Flanelle : « Le problème, affirme le prof Dupuis, cest que léquipe bâtit son marketing sur la tradition et sur lhéritage des joueurs francophones, alors que la réalité est toute autre dans le vestiaire. Les Canadiens sont conscients quune partie de leur force repose sur cette tradition, et ils lexploitent bien. Mais en ne repêchant pas de joueurs francophones et en nayant pas plus de joueurs francophones, ils sont en train de créer une rupture avec cette tradition. Et en termes de positionnement sur le marché, si jamais il devait y avoir une équipe de hockey professionnelle à Québec, ils auront de sérieux problèmes. » La position monopolistique du club dans le marché québécois, certes lun des plus attachés au hockey, ne génère pas beaucoup dincitatifs au changement
La fameuse « chimie »
Observateur attentif, de par ses intérêts de recherche, des interactions entre les membres dune organisation donnée, Jean-Pierre Dupuis tire également de son étude exhaustive des conclusions intéressantes quant à la gestion dune équipe et à la création dun esprit de corps au sein de cette dernière. Cette chimie tant souhaitée, cest au sein de la culture de lorganisation quelle se matérialise et à ce titre, affirme le prof Dupuis, il y a une fois de plus une incohérence majeure au sein du grand club : « Quand tu développes une culture dentreprise, il ne doit pas y avoir de contradictions entre le discours des dirigeants et les opérations. » La présence dun noyau de bons joueurs est primordiale. Mais ce noyau, si lon se fie à léventuel alignement qui sautera ce soir sur la glace du KeyBank Center, le repaire des Sabres de Buffalo, sera essentiellement anglophone. Sans doute est-ce le reflet de la réalité du hockey professionnel du XXIe siècle. Mais en faisant le choix, conscient ou inconscient, de ne pas tabler sur un coeur francophone, léquipe perd une merveilleuse occasion de se doter dun élément distinctif (oserions-nous parler davantage concurrentiel?) au sein du circuit, et dainsi créer un attachement supplémentaire des hommes daffaires sur patins à léquipe : « Pour moi, cest un atout supplémentaire que léquipe se donne pour gagner, que de sappuyer sur des joueurs locaux, créant ainsi une dynamique qui fait en sorte que ces derniers pourront se surpasser. » Cest toute la différence entre des joueurs (ou des employés) motivés, et des joueurs mobilisés, qui sont prêts à tout donner pour lorganisation et la communauté qui les soutient.
La dernière conquête de la coupe Stanley, lobjectif ultime du hockey professionnel, par les Canadiens de Montréal remonte à 1993, une traversée du désert de presquun quart de siècle! Certes, dun point de vue strictement financier, les Canadiens de Montréal sont lun des clubs les plus riches du circuit Bettman. Est-ce à dire que les Canadiens pourraient être davantage profitables et victorieux avec davantage de joueurs francophones? Jean-Pierre Dupuis, quant à lui, est convaincu de la chose. Et dici à ce que la question soit définitivement tranchée, le prof Dupuis prédit que le CH sera quand même des séries éliminatoires au printemps prochain! Lexpert a parlé!