Après avoir remplacé une partie de sa production par des pièces de plastique végétal, le géant LEGO s’engageait l’année dernière à remplacer tous ses produits par du matériel durable d’ici 2030. L’objectif est-il réaliste ? Le gain environnemental probant ? Analyse rapide.

Mars 2018. Le leader danois du jouet de construction annonce que ses pièces botaniques – les petits sapins, arbustes ou feuilles d’arbre – seront désormais faites de polyéthylène biologique, dérivé de la canne à sucre. Les pièces végétales excluront donc tout plastique ABS – le principal constituant LEGO –, qui est issu de dérivés du pétrole et dont l’empreinte carbone est beaucoup plus lourde que celle du plastique biosourcé.

Si ce changement concerne moins de 2 % de la production, le groupe promeut dans la foulée son engagement à long terme : le remplacement de l’ensemble de sa production par du matériel durable d’ici 2030 et celui de ses emballages par des matières recyclées d’ici 2025.

Reste à savoir ce que signifie le terme « matériel durable » pour l’entreprise. Sur son site, elle stipule que cet aspect sera recherché à toutes les étapes de la chaîne de production : des procédés chimiques aux sources d’alimentation énergétique de la chaîne, en passant par la réduction des déchets. Au bout du compte, ce matériel devra garantir au groupe une empreinte carbone plus faible que celle qui découle aujourd’hui de l’utilisation du plastique ABS.


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Le mieux, ennemi du bien ?

Or, malgré son coût en matière de gaz à effet de serre, ce plastique possède un avantage sur le plan environnemental, selon Dominique Maxime, analyste à Polytechnique Montréal. « L’ABS est un produit dont l’impact sur l’environnement équivaut à deux fois celui du polyéthylène […] mais il est extrêmement solide et donc durable. Les briques LEGO, on les garde toute la vie, on peut même les redonner à ses enfants. Il y a quelque chose de vertueux là-dedans », estime le chercheur, qui souligne que la recherche de meilleurs standards environnementaux peut s’avérer contre-productive si elle se fait au détriment de la qualité des produits.

LEGO en quelques chiffres


L’entreprise se dit consciente de l’enjeu lié à la solidité de ses pièces. « Les briques LEGO sont très différentes des éléments botaniques, elles ne seront donc sûrement pas faites avec la même sorte de plastique », explique Andrea Du Rietz, gestionnaire en responsabilité environnementale pour LEGO.

« Le défi est de trouver un matériel durable pour ces éléments tout en maintenant nos standards de qualité et de sécurité. En somme, nous tentons de créer un matériel entièrement nouveau », dit-elle.

C’est la raison pour laquelle LEGO s’est donné 10 ans afin d’atteindre son but. Car si le recours au polyéthylène végétal ne change pas fondamentalement le processus de production, il pourrait en être autrement de la matière qui parviendra à respecter les nouveaux critères environnementaux de LEGO sans altérer la solidité de ses indémodables briques. « Ça pourrait aboutir à une refonte complète de la ligne de production, cela dépend beaucoup de la nature de la solution qui sera trouvée », conclut la gestionnaire.


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Effet domino

Si cette inconnue rend difficile l’évaluation du gain environnemental de la stratégie LEGO, on peut anticiper qu’elle aura un effet d’entraînement, du fait de la position dominante du groupe sur le marché du jouet, croit Claudia Rebolledo, directrice du Département de gestion des opérations et de la logistique à HEC Montréal. « Une fois que le nouveau plastique sera mis au point, étant donné que LEGO est leader dans son domaine, l’entreprise sera capable d’amener les fournisseurs à changer leurs pratiques et à proposer des solutions à d’autres clients. C’est un changement intéressant parce qu’il pourrait impliquer les plus petits et moyens acteurs du secteur », explique la professeure.

Elle ajoute : « Dans le contexte* actuel où la Chine ne veut plus de nos déchets de plastique et qu’on est en train de chercher des solutions pour les traiter, ce mouvement amené par un immense acteur comme LEGO est génial pour toute l’industrie. »

Si les ambitions du géant du jouet sont élevées, les attentes le sont aussi.

* Crise des déchets au Québec et dans le monde

En 2018, la Chine – principal acheteur des matières recyclables du Québec – a presque fermé ses frontières aux importations mondiales de matières recyclables, dont plusieurs familles de plastique. Cela a provoqué une crise de l’industrie du recyclage dans de nombreux pays, notamment dans les centres de tri du Québec, inaptes à traiter les milliers de tonnes de déchets qu’ils reçoivent.