Le leader servant, ou leader serviteur, place les besoins de son équipe au sommet de ses priorités. Quelles sont les caractéristiques de ce gestionnaire ainsi que les retombées pour l’organisation?

 Le leadership servant a été théorisé pour la première fois dans les années 1970 par Robert K. Greenleaf. Ce type de leadership se voulait alors une alternative au modèle de direction basé sur l’autorité, très répandu à l’époque. Depuis, d’autres chercheurs se sont penchés sur la question, et le concept a fait des adeptes au sein de nombreuses entreprises. Tour d’horizon.

Portrait-robot du leader servant

Résolument orienté vers autrui, le leader servant reconnaît et cherche à comprendre les besoins des membres de son équipe. «Mais ses préoccupations vont bien au-delà des employés. Elles s’étendent à toute l’organisation et même à la communauté en dehors des frontières de celle-ci», explique Alexandra Panaccio, professeure agrégée au Département de management de l’École de gestion John-Molson de l’Université Concordia.

Il existe plusieurs modèles pour définir ce type de leadership, et l’un des plus connus est celui développé par le chercheur Robert C. Liden1, qui s’appuie sur sept dimensions clés. Ainsi, le leader servant soutient les autres sur le plan émotionnel, il ajoute de la valeur à la communauté en s’impliquant dans celle-ci, il démontre des compétences conceptuelles, car il a une bonne compréhension de l’organisation, il sait habiliter (empowerment) ses subordonnés, il les aide à grandir et à réussir, il place les besoins de ses employés au premier rang – même avant les siens –, et il agit de façon profondément éthique, honnête et transparente.

Kathleen Bentein, professeure au Département d’organisation et ressources humaines de l’Université du Québec à Montréal, souligne toutefois qu’il est préférable d’adopter une perspective dynamique, car plusieurs styles de leadership peuvent cohabiter au sein d’un même individu, et parfois même de façon antagoniste. «Cela dépendra de sa capacité à réguler ses émotions. Ainsi, il pourrait se comporter comme un leader servant un jour, et adopter le leadership laisser-faire le lendemain», précise-t-elle.

Des retombées positives

Alexandra Panaccio mentionne que le leadership servant peut avoir des retombées extrêmement positives pour les organisations. «Les effets sur la performance individuelle, mais aussi sur celle de l’équipe ont clairement été démontrés. En effet, il favorise le bien-être psychologique des employés, ce qui diminue les risques d’épuisement professionnel notamment. Il permet aussi d’établir un lien de confiance, qui se transposera à l’entreprise et permettra de renforcer l’engagement envers elle. Le taux de rétention des ressources humaines en sera amélioré d’autant», détaille-t-elle.

Le fait que l’employé constate que son gestionnaire contribue à répondre à ses besoins en termes d’autonomie, de compétences et d’affiliation sociale pèse également dans la balance et contribue à son bien-être.

D’autres mécanismes sont aussi à l’œuvre et reposent notamment sur la réciprocité, dans le sens où les employés ont envie de se dévouer et de se dépasser pour leur gestionnaire, et par le fait même, pour leur organisation.

Kathleen Bentein apporte une nuance. «L’efficacité de ce type de leadership dépend aussi de la réception qui en est faite. Par exemple, si le modèle mental d’un leader que se fait un employé se rapproche davantage d’un style plus charismatique ou autoritaire, cela pourrait ne pas fonctionner», explique-t-elle.

Développer une culture organisationnelle

Par ailleurs, le leadership servant ne peut se déployer pleinement qu’avec une approche globale, presque holistique. «La culture organisationnelle joue un rôle essentiel. Elle doit être centrée sur l’importance des relations et des liens de confiance, mais aussi sur un climat de justice. Elle est aussi basée sur une logique de développement des leaders, qui met l’accent sur le soutien des individus dans leur apprentissage. Elle mise sur l’intelligence collective et pas uniquement individuelle», remarque Kathleen Bentein. Autrement dit, le mouvement et l’exemple doivent venir d’en haut pour pouvoir se propager à tous les niveaux de l’organisation. De plus, parce que le rôle de leader servant demeure exigeant, l’entreprise doit savoir soutenir ses leaders et leur apporter du soutien émotionnel.

Mais au-delà des conditions à mettre en place par l’entreprise, Alexandra Panaccio prévient que tous les leaders ne peuvent pas nécessairement être des leaders servants. «Cela se manifeste dans des comportements et prend sa source dans un réel désir d’aider l’autre. Par conséquent, une personne narcissique ne correspondra pas au profil», illustre-t-elle. C’est pourquoi elle recommande aux entreprises d’instaurer un processus de sélection des leaders qui va au-delà des compétences techniques. Dans cette optique, l’intelligence émotionnelle, le sens éthique, les qualités humaines et une identité prosociale ouverte sur la communauté sont autant d’éléments à rechercher chez les candidats.


Note

1 Liden, Robert C., Sandy J. Wayne, Hao Zhao et David Henderson. «Servant leadership: Development of a multidimensional measure and multilevel assessment». The Leadership Quarterly, vol. 19, no 2 (avril 2008), p. 161-177.