Il ne se passe pas une journée sans qu’une chronique ou qu’un article ne traite des conséquences de la pandémie sur le travail, de la pénurie de main-d’œuvre ou du télétravail (nous en avons signé plus d’un nous aussi!). À travers tous ces bouleversements maintes fois abordés, comment une organisation peut-elle adapter sa culture et faire évoluer ses leaders tout en maintenant le cap sur sa vision et sa mission?

Après avoir abordé l’expérience employé, les modes de travail et l’employé de demain dans un article précédent, nous concentrons maintenant notre attention sur les deux derniers axes du nouveau modèle du travail : l’évolution du profil des leaders et la culture organisationnelle. Afin d’étayer nos réflexions, nous proposerons des commentaires et exemples réels tirés d’un webinaire sur le sujet, organisé par Brio et rassemblant Ludmilla Manson (directrice en chef, Gestion du changement organisationnel, à Investissements PSP); Martin Robert (vice-président exécutif et leader, Talent, culture et communication, à Beneva); et Marie-Eve Tremblay (vice-présidente, Transformation organisationnelle, à Fondaction).

Leaders, cadres, chefs d’équipe : des profils qui doivent évoluer

Dans un monde de plus en plus volatil, incertain, complexe et ambigu, il appartient à chacun de développer son propre leadership pour avoir de l’influence et du poids. Les façons de penser et le style de leadership adoptés par le passé doivent être adaptés pour faire face à la réalité d’aujourd’hui, car ils sont peut-être insuffisants ou même contre-productifs. On n’a qu’à penser à la façon dont les leaders trop directifs peuvent miner le moral des troupes, instiller la peur ou étouffer la créativité et l’innovation.

Par exemple, comme le note Martin Robert, «souvent, le feedback [la rétroaction] aux gestionnaires venait de mots de corridor». Pour rendre le tout plus transparent, son organisation a mis en place des sondages de mobilisation et d’engagement en continu «afin de prendre le pouls des équipes». Même son de cloche du côté de Marie-Eve Tremblay : «Notre première action à Fondaction a été d’instaurer un outil de communication en continu. Cela nous a permis d’établir un nouveau dialogue de façon anonyme, mais pour cela, il a aussi fallu former nos gestionnaires à recevoir de la rétroaction.»

En effet, complexification de l’environnement de travail oblige – notamment en raison de l’adoption d’une formule hybride présentiel-télétravail –, et devant la nécessité toujours croissante de mobiliser les équipes afin d’encourager l’appartenance à l’organisation dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, il est crucial de faire évoluer le modèle de leadership autour de trois grandes zones de compétence :

  • L’art d’insuffler une direction claire et ambitieuse, porteuse de sens, qui fera évoluer les approches stratégiques;
  • La capacité à mobiliser le potentiel autour du changement en se concentrant sur les aspects humains de la transformation, afin de susciter l’engagement des équipes;
  • L’habileté à transformer l’action, pour se doter de moyens de mettre en œuvre la transformation et le renouvellement en continu des pratiques ainsi que des modes de fonctionnement.

En misant sur un leadership créateur de sens pour maintenir la culture vivante et en prenant soin de leurs gestionnaires, les organisations mettent ainsi en œuvre les conditions gagnantes pour favoriser la réalisation du plein potentiel de leurs employés et pour accélérer leur adaptation aux nouveaux modes de travail.

Les valeurs organisationnelles comme leviers pour les ambitions

La structure, les processus et les comportements au sein d’une organisation ne sont que la proverbiale pointe de l’iceberg. Toutes les décisions concernant les aspects visibles – les communications, les processus, les réunions, les conditions de travail – reposent sur les valeurs adoptées par l’organisation, qui elles-mêmes s’appuient sur les croyances profondes et les perceptions s’étant installées dans le temps et allant de soi aux yeux des membres de l’organisation.

Ces principes, invisibles et intangibles, ont toutefois de grands effets sur ce qui est visible et observable et, dans le cadre d’une transformation ou d’une adaptation au futur du travail, on devra potentiellement faire face à certaines croyances collectives qui sont à ce point ancrées fortement qu’elles guident inconsciemment les comportements et actions des leaders et employés. On parle beaucoup de bienveillance depuis le début de la pandémie et de l’importance pour les gestionnaires de démontrer plus d’empathie envers leurs employés. Imaginez une entreprise qui a toujours valorisé un style de leadership plutôt stoïque et encouragé les gestionnaires à garder une distance émotionnelle devant le personnel et qui, soudainement, exige désormais de ceux-ci qu’ils fassent preuve d’empathie et de bienveillance…

«Ce qui est fondamental, c’est de passer de la parole aux actes», comme le formule si bien Ludmilla Manson. «On commençait à parler d’empathie avant la pandémie; aujourd’hui, ça fait partie intégrante du futur du travail.» Cette «culture forte de bienveillance», selon Marie-Eve Tremblay, doit s’arrimer avec la raison d’être de l’organisation. «L’élément de bienveillance est apparu et est maintenant au cœur de nos façons de travailler», explique Martin Robert, tout en soulignant que «bienveillance ne veut pas dire complaisance». «La suite des choses, nous l’avons imaginée avec nos employés en leur demandant ce qu’il manquait actuellement. Le but était de répondre autant à des besoins de culture organisationnelle qu’à des besoins fondamentaux humains; la conciliation travail-famille, par exemple.»

Les organisations comme les employés se questionnent sur leur raison d’être. «La pandémie a amené nos employés à se poser beaucoup de questions fondamentales, comme : “pourquoi je me lève chaque matin?”» expose Ludmilla Manson. Le lieu de travail ne doit alors pas être simplement un lieu de travail, «mais aussi un lieu où la spontanéité a toute sa valeur».

Pour y arriver, il faut faire de son entreprise un lieu qui donne l’occasion à chacun d’exprimer son unicité, de mettre à contribution ses forces, et qui invite ainsi à donner le meilleur de soi-même. En d’autres mots : rassembler les employés autour d’une mission collective inspirante, soutenue par une culture forte. Afin de servir de leviers pour l’atteinte des résultats, les valeurs d’une organisation doivent être au cœur de toutes les prises de décision et se refléter dans toutes les facettes de l’entreprise. Sans cet arrimage entre paroles et gestes, tous les changements apportés en surface (pensons aux modes du travail, à la formation continue, à l’intégration des technologies, à l’expérience employé…) ne pourront pas s’inscrire durablement et faire d’une organisation un environnement cohérent.

Si les questions liées à la transformation réussie, au futur du travail et à la transversalité vous interpellent, jetez un coup d’œil au livre blanc de Brio Perspectives sur le futur du travail ainsi qu’au premier article de cette série de deux, qui aborde les questions de l’employé et des modes de travail. Parce que le futur du travail est déjà là; maintenant, êtes-vous prêt à l’adopter?