Le bizarre (ou le weird). Avez-vous un collaborateur qui vous parait mériter cette étiquette ? Et qu’en est-il de vous-même ?

Voici deux questions sur lesquelles ont pu réfléchir les gestionnaires participant à la seconde édition des Grandes Rencontres créatives, en marge de la présentation du maître bouffon Massimo Agostinelli à la suite du Creative Morning s’étant tenu le 26 août 2016 au Complexe Desjardins. Curieux thème pour un curieux évènement. Dès 2011 toutefois, Seth Godin, dans son ouvrage We are all weird, ne nous invitait-il déjà pas à reconnaitre l’importance du weird comme source fertile de nos vies, tant personnelles que professionnelles ? Et, par contrecoup, pour le succès des organisations par et à travers lesquelles nous agissons¹?

Des échanges ouverts et vifs auxquels cet évènement a donné lieu, trois idées d’importance se sont révélées particulièrement marquantes. Trois points d’impact, sous forme de questions.

« Qui est weird ? »

Nous répondons souvent en désignant l’une ou l’un de nos collègues qui se distingue particulièrement par son comportement hors norme ou jugé excentrique. De prime abord, le weird est donc une étiquette que nous collons à quelqu’un, et pas toujours pour le meilleur. Pourtant, ne possédons-nous pas chacune et chacun notre propre petit côté weird ? La réponse à cette question pour les participants est un aveu exprimé par un grand « oui » ! Les professionnels de la gestion ayant eu la chance de participer à l’un des ateliers animés par Massimo Agostinelli le reconnaitront d’emblée, cultiver cet aspect de notre personnalité trop souvent occulté peut s’avérer étonnement libérateur et fertile, tant en ce qui a trait à la production d’idées inédites que pour notre capacité d’expression lorsque vient le temps de convaincre de l’intérêt de ces idées nouvelles.


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« Quand et où être weird ? »

Deuxième idée : « Une fois reconnu le fait que nous possédons chacune et chacun un côté weird et que nous aurions sans doute intérêt à le cultiver, la cinquantaine de gestionnaires présents en sont rapidement arrivés à la question du "quand" et du "où" ». Pour rependre les propos de l’un d’eux : « Je me vois mal agir constamment de façon weird, et je ne crois pas non plus que je devrais adopter cette attitude n’importe où ! » Au sein d’une organisation ou d’un milieu professionnel, agir de façon continuellement weird apparaît pour les participants de cette Grande Rencontre créative comme une position qui, en définitive, efface les bénéfices de l’être simplement parfois. Camouflage commode pour certains, posture factice et incommodante pour d’autres, il semble que pour profiter à plein du potentiel de création que recèle la bizarrerie, mieux vaut savoir en user au bon moment, la voir comme une forme de respiration créative qui doit trouver ses circonstances les plus favorables pour porter vraiment fruit. Le bon moment a ici toute son importance.

« Être weird, d'accord, mais faut-il l'être en permanence ? »

Troisième idée, toujours sous la forme d’une question : « Le weird, c’est bien beau, mais ne faut-il pas savoir aussi le doser ? » Cette réflexion trouve écho dans cet aphorisme que l’on prête à Oscar Wilde : « Avoir de l’esprit, la belle affaire. Encore faut-il en avoir assez pour ne point en avoir trop ! » En lien avec la deuxième idée issue de nos discussions, cette question portant sur le degré de bizarrerie dont il convient d’user a suscité maints débats passionnés. Dénouement inattendu, chacun s’est finalement entendu pour dire que Massimo Agostinelli personnifie, par la nature humaine si particulière qui est la sienne, empreinte d’élégance, de fragilité, d’intelligence et de cœur autant que de weird, une assez bonne réponse à cette question.


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Le weird ne conduit en effet à rien de bon si on y perd de vue notre part d’humanité comme celle de nos interlocuteurs. Il n’est alors qu’une provocation feinte, et, dans le pire des cas, une agression. Tant lors de la présentation faite à l’occasion de ce Creative Morning que dans les échanges à huis clos qui l’ont suivi, la quantité de générosité et d’affection que nous avons reçue de Massimo, notre invité d’un matin, était tout aussi hors norme que l’aspect à plusieurs reprises weird de son intervention. Le weird ne vaut que grâce à la part d’humanité qu’il révèle de nous et autour de nous.

Pour conclure cette chronique sur une note peut-être bizarre elle aussi, j’ai l’impression que les participants de cette deuxième édition des Grandes Rencontres créatives sont retournés à leurs tables de travail avec en tête la célèbre injonction de saint Augustin : « Aime et fais ce que tu veux ». Lorsque je vois la qualité d’affection et les liens qui se tissent après un des ateliers de Massimo Agostinelli, pourtant très éprouvants et inconfortables (celles et ceux qui les ont vécus peuvent encore une fois en témoigner), je me dis que là se trouve peut-être le cœur même de cette bien curieuse chose nommée weird.