Sous l'impulsion du Pape François , le voile se lève lentement sur les avoirs de l'Église.

État exceptionnel à bien des points de vue, le Vatican demeure tout aussi exceptionnel quant aux questions de gestion financière. Car la magnificence du minuscule État enclavé au coeœur de la cité romaine n'aura guère empêché les mille et une malversations financières dont l'Histoire peut témoigner au fil des siècles, de la vente des indulgences, dénoncée par Martin Luther et ses 95 thèses (1517), pour bâtir la basilique Saint-Pierre jusqu'au scandale de la banque Ambrosiano au début des années 1980, mettant en cause l'Institut pour les oeuvres de religion (dans les faits la banque du Vatican) et le blanchiment d'argent au profit de la mafia. En somme, les questions d'argent sont toujours fort délicates lorsqu'elles sont accolées au Vatican, et le secret entourant ses revenus, ses dépenses et ses transactions financières n'aide en rien. Est-il possible de brosser un juste portait de la situation économique du Vatican? Nous tentons ici l'exercice...

Encore faut-il bien distinguer, pour mener à terme ce projet, deux éléments distincts. Il y a en effet l'État de la Cité du Vatican, l'entité géographique et politique créée en février 1929 de par les accords du Latran. Le Vatican sert d'assise au Saint-Siège, le gouvernement de l'Église catholique dont le pape François, élu en 2013, est le chef suprême et absolu, ce dernier possédant les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. La nuance est importante, à tout le moins d'un point de vue budgétaire.

Deux organisations, deux situations financières...

En ce qui a trait à l'État de la Cité du Vatican, comme le rapportait Radio Vatican (lire « Vatican releases Financial Statements for 2014 »), ce dernier a plutôt connu une bonne année 2014, la dernière pour laquelle les données ont été rendues publiques. Les résultats présentés font foi d'un surplus budgétaire de 63,5 millions €, soit une hausse providentielle de 92,4 % par rapport à 2013. Les revenus du Vatican proviennent essentiellement d'organismes tels les splendides Musées du Vatican, la Poste Vaticane, le Service téléphonique, la Pharmacie vaticane, les jardins du Vatican et tutti quanti. Bien qu'aucun détail financier n'ait filtré à ce propos, on peut supposer que les salaires des 1 930 employés au service du Vatican constituent la plus importante dépense à inscrire au budget de l'État.

Quant aux états financiers du Saint-Siège et des 64 entités qui en relève, ceux-ci présentaient pour 2014 un déficit de 25,6 millions€, soit une hausse de 4,5 % par rapport à l'année précédente. Le Saint-Siège puise ses revenus du denier de saint Pierre, les dons des fidèles à l'Église de Rome, de la contribution des différents diocèses de par le vaste monde, de même qu'une contribution de 50 millions €de l'Institut pour les œoeuvres de religion. Une fois de plus, le poste de dépenses le plus important (127 millions €) est constitué des salaires des 2 880 employés du Saint-Siège.

Une remarque importante est toutefois à faire, à la lumière de ces résultats financiers négatifs. Pour la première fois de son histoire, le Saint-Siège a déclaré des actifs de plus d'un milliard de dollars (939 millions €), essentiellement constitués des biens immobiliers possédés par l'Église catholique : valeur des bâtiments et des terrains au Vatican, valeur des quelque 2 000 appartements dont le Saint-Siège est propriétaire à Rome seulement. À cette somme, il faut également ajouter, comme l'estime Matthieu Hoffstetter dans son article publié sur le site Internet de la revue helvète Bilan (lire « Le Vatican en chiffres: entre PME et multinationale »), environ 900 millions de dollars en valeurs mobilières (actions, titres, obligations, métaux précieux) et près d'un milliard de dollars d'actifs gérés par l'Institut pour les œoeuvres de religion, de même que la valeur des oeœuvres d'art contenues dans les Musées du Vatican, si une telle chose peut être calculée...

Un vent de changement

Il faut porter au crédit de Sa Sainteté le fait que les finances du Vatican et du Saint-Siège sont de plus en plus transparentes. Animé de l'esprit de pauvreté et de simplicité de saint François d'Assise, duquel il s'est inspiré pour son pseudonyme papal, Jorge Mario Bergoglio veut aider les moins nantis de ce monde, une volonté qui passe nécessairement par une plus grande transparence des finances de l'Église (lire l'article de Shawn Tully intitulé « This pope means business », sur le site Internet du magazine Fortune). Les diverses actions prises par le Saint Père en ce sens n'ont d'ailleurs pas manqué, il va sans dire, de froisser quelques toges dans les couloirs du Palais apostolique. Il est vrai que le Vatican est aux prises avec deux mille ans de culture du secret, une chose qui ne sera pas aisée à déconstruire. Rome ne s'est pas faite en un jour...