L'équilibre constitue à coup sûr l'une des composantes essentielles du leadership. L'équilibre physique, il va de soi, mais aussi et surtout l'équilibre psychologique qui, dans nos entreprises et nos organisations modernes, n'est certes pas un luxe.

À tous les échelons, nous souhaitons retrouver une bonne quantité de leaders qui soient capables de déployer toute l'énergie, la force et la détermination requises afin de guider les troupes vers l'atteinte des objectifs organisationnels. Mais, dans cette quête de l'équilibre physique et psychique, est-ce que tous les gestionnaires sont égaux? Il semble que non... C'est ce que David Burkus affirme dans son article « Why Managers Are More Likely to Be Depressed », paru sur le site Internet de la Harvard Business Review.


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Le professeur Burkus base son propos sur les conclusions d'un article scientifique1 tout juste paru dans la très sérieuse revue Sociology of Health & Illness, article qui démontre que les gestionnaires intermédiaires seraient les plus enclins à souffrir de dépression et d'anxiété. Les chercheurs à l'origine de cet article en sont en effet arrivés à cette conclusion en analysant les données socio-démographiques d'un échantillon de près de 22 000 personnes et en croisant ces dernières avec la présence de problèmes psychologiques ou de pathologies mentales, telles que relevées par l'entremise de questions précises posées à ce sujet aux sujets. Quatre profils ont pu être dégagés des données socio-démographiques:

  • Le propriétaire (owner), possédant un salaire équivalent ou supérieur à 71 500 dollars;
  • Le gestionnaire (manager) occupe une fonction exécutive, administrative ou managériale et détient minimalement quatre années d'études universitaires;
  • Le superviseur (supervisor) occupe les mêmes fonctions que le gestionnaire, mais en possédant moins de quatre années passés sur les bancs de la fac;
  • Les travailleurs (workers) sont regroupés, pour les fins de cette étude précise, sous un large éventail d'occupations ou de professions2.

Quelle catégorie est la plus susceptible de souffrir de dépression ou d'anxiété?

Le constat est clair : les superviseurs et les gestionnaires sont sans conteste les personnes les plus à risque de souffrir de dépression ou d'anxiété. Pourquoi? Les hypothèses les plus crédibles se rapportent au contrôle de ces personnes sur leur travail, de même que l'impact qu'ils peuvent avoir sur l'organisation. De fait, il appert entre autres que pour ces catégories d'employés, les demandes sont élevées, mais les marges de manœuvre sont restreintes, ce qui viendrait accroître la pression sur ces derniers. Notre collègue Linda Rouleau, du Service de l'enseignement du management à HEC Montréal, n'en disait pas moins dans un article de La Presse publié en juin dernier (lire « Le cadre intermédiaire, ce grand oublié », de Marie Lambert-Chan), elle qui affirmait que « Lorsque les gestionnaires intermédiaires utilisent leur marge de manœuvre pour mettre à profit leur expérience, ils ont alors le sentiment du devoir accompli », et sans doute également une plus grande satisfaction au travail. Que l'on se rassure, les superviseurs et les gestionnaires ne sont pas condamnés à la dépression ou à l'anxiété. Mais il apparaît clairement qu'une idée précise de l'étendue de son rayon d'action et de son pouvoir en acceptant un tel poste, permettant ainsi de tempérer les attentes excessives, de même que le maintien du contact avec les opérations et le client, peuvent aider les superviseurs et les gestionnaires à trouver un sens à ce qu'ils font. Mais il revient aussi aux dirigeants de mettre en place des conditions (autonomie, partage du pouvoir) qui feront que tous se sentent inclus dans le grand projet collectif de l'organisation.


Notes

1. Seth J. Prins, Lisa M. Bates, Katherine M. Keyes et Carles Muntaner (2015). « Anxious? Depressed? You might be suffering from capitalism: contradictory class locations and the prevalence of depression and anxiety in the USA ». Sociology of Health & Illness, 37(8), pp. 1352-1372. 

2. « Workers consist of respondents who identified their occupation as private household; other services; farming, forestry, and fishing; operators, fabricators, and labourers; transportation and material moving; or handlers, equipment cleaners and labourers. ». Prins et al. (2015:1358)