Si elle est bien utilisée, la rétroaction est un précieux outil permettant d’améliorer la cohésion et l’efficacité d’une équipe. Coup d’œil sur le feedback en continu et la rétroaction 360.

Nombre d’employés et de gestionnaires anticipent le rituel de l’évaluation annuelle, et le considèrent avec appréhension ou comme un mal nécessaire. Mais qu’on le craigne ou qu’il nous ennuie, cet exercice est considéré par plusieurs comme inutile et contre-productif. Dans ces conditions, comment donner l’heure juste sur la performance et s’assurer que tous restent alignés sur les mêmes objectifs? La rétroaction en continu et la rétroaction 360 constituent de puissants leviers lorsqu’elles sont utilisées adéquatement. Elles peuvent aussi s’avérer particulièrement bénéfiques dans le cadre du travail d’équipe.

Série L'équipe idéale

Intégrer une culture de rétroaction

La rétroaction en continu consiste, pour le gestionnaire, à donner de la rétroaction à ses employés tout au long de l’année. Elle permet de mettre en lumière leurs points forts et les éléments à bonifier. Puisque le suivi est continu, le travailleur peut s’adapter et s’améliorer au fur et à mesure. Dans le contexte d’une équipe, cette démarche aide aussi à faire le suivi des projets et le suivi concernant la façon dont les gens travaillent ensemble. «Il revient au chef d’équipe de soutenir cette activité de rétroaction. Cela permet de soutenir les efforts du groupe, d’attribuer des ressources supplémentaires et de recadrer le cas échéant», indique Estelle M. Morin, professeure titulaire au Département de management de HEC Montréal et membre du Consortium de recherche sur l’intelligence émotionnelle appliquée aux organisations (CREIO).

Corinne Prost, chargée de cours en comportement organisationnel au Département de management de HEC Montréal et membre du CREIO, estime pour sa part que la rétroaction en continu au sein d’une équipe doit revêtir une dimension à la fois individuelle et collective. «Si elle doit permettre à l’individu de s’ajuster, c’est toujours dans le but d’assurer une meilleure coordination avec les actions des autres membres de l’équipe. Une rétroaction en continu devrait permettre à chacun des membres de développer des comportements de vigilance entre eux, et ce, pour le bien collectif. C’est ce qu’on appelle des backup behaviors, dans le sens de soutien et de compensation», explique-t-elle. Elle ajoute que plus l’équipe est interdépendante et plus il est essentiel d’implanter une culture et des comportements de backup. Or, ce n’est pas toujours chose aisée, car le gestionnaire devra porter un jugement sur la pertinence et la richesse de ce qui est acceptable de communiquer en personne ou en équipe. Il y a donc un juste équilibre à trouver entre le développement de l’équipe et celui de l’individu au sein de celle-ci.

Pour créer une culture de rétroaction, Corinne Prost recommande d’œuvrer sur trois volets. «Tout d’abord, les membres de l’équipe doivent accepter l’idée que travailler ensemble va au-delà de l’individu, qu’ils ne sont pas en vase clos et que, par conséquent, il y aura toujours des ajustements à effectuer pour se coordonner. Dès le départ, il est donc essentiel de normaliser le principe selon lequel on devra se donner du feedback en continu parce qu’on est tous interdépendants. Par ailleurs, il est également nécessaire d’instaurer un climat de sécurité psychologique, car la rétroaction demande qu’on se dise les choses, et ce, sans avoir la perception que cela pourrait être retenu contre nous. Enfin, il est indispensable de rendre explicites les objectifs, de clarifier la mission de l’équipe et les compétences à mobiliser. Ainsi, les membres disposeront des éléments à discuter de façon constructive afin d’ajuster leurs stratégies sur leur façon d’effectuer leurs tâches», souligne-t-elle.

Elle précise qu’une culture de rétroaction en continu peut aussi contribuer à renforcer l’esprit d’équipe, à créer une culture d’apprentissage collectif et à développer la résilience, un incontournable pour assurer sa pérennité. «Plus l’environnement dans lequel se trouve l’équipe est complexe, et plus on doit mettre rapidement en place cette culture d’apprentissage», fait-elle valoir.

Évaluation 360

Parallèlement à la rétroaction en continu, il est également possible d’implanter un processus de rétroaction 360. Il s’agit d’effectuer, deux à trois fois par an, une évaluation impliquant les collègues, les subordonnés et le gestionnaire. Pour ce faire, chacun remplit un formulaire de commentaires, idéalement de façon anonyme. «La rétroaction 360 fournit une sorte de radiographie qui permet à chacun des membres de savoir où se situe l’équipe sur différentes dimensions de son fonctionnement. Elle peut analyser plusieurs éléments clés, comme la dimension structurelle (l’alignement en ce qui a trait à la mission, aux objectifs, aux normes par exemple) et la dynamique d’équipe, soit les comportements entre les membres», explique Corinne Prost.

Pour sa part, Estelle M. Morin estime que la rétroaction 360 est un processus délicat à mener et qu’il est important d’adopter une approche constructive. «Le formulaire devrait être développé en fonction de quelques axes importants et administré de façon anonyme. Il est essentiel de préciser aux participants que la rétroaction se fait de façon positive et non offensante», indique-t-elle.

Bien qu’elle doive être utilisée avec discernement, la rétroaction 360 constitue un outil de choix qui aide à prendre conscience de ses propres faiblesses, mais permet aussi d’exprimer de la reconnaissance et de verbaliser ce qu’on apprécie chez ses coéquipiers, de reconnaître leur contribution. «L’employé reçoit des marques de reconnaissance, mais il reçoit aussi des signaux concernant ses angles morts», soulève Estelle M. Morin. Ces commentaires peuvent également être utilisés pour revoir le plan de carrière d’un employé et l’aider ainsi à s’améliorer. Au bout du compte, cet espace de partage constitue un outil de développement et une source d’amélioration de la cohésion et de l’efficacité au sein de l’équipe.