La pandémie actuelle de la COVID-191 a rapidement affecté tous les secteurs de la vie des organisations, et ce, en créant un défi de gestion et de communication sans précédent pour les établissements de santé et de services sociaux.  « Tout était en crise », résume Lise Vaillancourt, directrice à l’Hôpital Montfort, un hôpital universitaire francophone en Ontario.

Depuis plus d’une décennie, plusieurs établissements de santé et de services sociaux consolident la mise en œuvre d’un système intégré de gestion de la performance. Ce dernier permet notamment de piloter une organisation vers l’atteinte des objectifs fixés, et ce, dans une philosophie d’amélioration continue. Il encourage une harmonisation entre les niveaux stratégique, tactique et opérationnel.

Ce processus est soutenu par une circulation d’informations dans une logique de cascade et d’escalade à partir des différents outils du système intégré de gestion de la performance, qui peuvent être considérés comme des mécanismes formels de collaboration par l’importance accordée aux communications régulières entre les parties prenantes. La salle de pilotage est l’un de ces outils.

Une salle de pilotage stratégique en adaptation continue

Le système intégré de gestion de la performance déployé tant à l’Hôpital Montfort qu’au CHU de Québec est avant tout un modèle de gestion collaborative où la participation de tout un chacun à l’amélioration des soins et des services est sollicitée.

La pandémie a mis à rude épreuve les organisations par un retour en force d’une gestion descendante, dite top down, endossée en temps de crise par la haute direction et fragilisant ainsi les principes participatifs du système intégré de gestion de la performance. « Le mode de gestion directif par le top down est antinomique par rapport au système de gestion implanté au CHU qui privilégie pour sa part une approche ascendante (bottom up) », mentionne Daniel La Roche, directeur de l’évaluation, de la qualité, de l’éthique, de la performance et des affaires juridiques au CHU de Québec. 

Les deux établissements ont une longue feuille de route dans l’animation des salles de pilotage et dans l’amélioration de celles-ci. Dès le début de la pandémie, les équipes de direction des deux hôpitaux consultés ont rapidement transformé leur salle de pilotage stratégique pour l’adapter aux impératifs de la crise. « La logique du pilotage est demeurée en tout temps », explique Daniel La Roche. Pour l’Hôpital Montfort, la salle de pilotage stratégique allait devenir un centre de commandes alors que celle du CHU se transformait en salle de pilotage de la COVID-19 en soutien au comité tactique de la sécurité civile, permettant ainsi le suivi des travaux nécessaires à la mise en place des nouvelles directives sanitaires.

Les principes de l’amélioration étaient bien ancrés. À titre d’exemple, lors de l’animation des salles de pilotage transformées, il n’y a pas eu de blâme ou de justifications parmi les membres présents. « Le comité a toujours été en mode solution. Cela est ressorti comme étant une force générée par le système de gestion », précise Lise Vaillancourt.

La distanciation sociale offrait tout un défi lorsque venait le temps de rassembler les participants, en présentiel, à la salle de pilotage stratégique ou tactique. La solution avancée a été de passer en mode virtuel, une solution partagée permettant de gérer les risques de propagation du virus au sein du personnel. Bien que cette solution ait été consensuelle, Lise Vaillancourt a rapidement constaté une perte du côté humain. « Il n’y avait plus de social. Ça débutait à l’heure et ça finissait à l’heure », souligne-t-elle.  

Un réflexe ancré : la cascade et l’escalade de l’information

L’avantage de la mise en œuvre du système intégré de gestion de la performance est sans contredit la communication. Elle représentait tout un défi dans le but de répondre aux préoccupations des employés devant compter et s’appuyer sur le soutien organisationnel pour offrir des soins et des services de qualité, notamment quant à la prévention des infections.  

Daniel La Roche et Lise Vaillancourt sont du même avis : les principes du système intégré de gestion de la performance ont encouragé, malgré une approche descendante (top down) dans la gestion de la crise, une communication directe et cohérente entre les employés œuvrant sur le terrain et la haute direction. Une connexion directe déployée différemment par les deux établissements interviewés dans la mise en place de méthodes claires pour envoyer et recevoir des réponses aux problèmes. La rapidité d’action exigée et le contexte contingent qui prévalent en mars 2020 font en sorte que « tout ne s’est pas fait dans les règles de l’art », comme le mentionne Lise Vaillancourt. Le réflexe de faire circuler l’information pertinente liée à la COVID-19 basé sur le principe de la cascade et de l’escalade est demeuré ancré dans les façons de communiquer. Les salles de pilotage des différents niveaux hiérarchiques ont contribué à consolider la quotidienneté des communications et à réaffirmer l’importance d’une fréquence hebdomadaire et des ajustements en continu. « Les gains se sont fait sentir sur la cadence », avance-t-elle. 

Au CHU de Québec, plusieurs initiatives ont été mises en place pour assurer une bonne circulation de l’information auprès des employés et des médecins. La logique de communication adoptée se déroulait selon une séquence PDG-directeur-coordonnateur-chef. Des rencontres quotidiennes à l’intention des 400 gestionnaires ont été animées conjointement par le directeur des ressources humaines, des communications et des affaires juridiques, la directrice des soins infirmiers et la personne responsable des communications. Ces rencontres ont permis de procéder à des ajustements et de donner une réponse rapide aux préoccupations apportées par le personnel. « On sentait qu’il y avait un suivi systématique. Il n’y avait pas de questions laissées de côté », explique Daniel La Roche. En clôture, le PDG ou la PDGA adressaient le mot de la fin dans le but de reconnaître le travail exigeant demandé à tous dans le contexte de la pandémie. Nonobstant le nombre imposant de participants, le dialogue a toujours été présent.  

La plupart des directions cliniques et administratives ont déployé un point de communication quotidien à l’intention des gestionnaires, voire des employés et des cogestionnaires médicaux. Ces rencontres se déroulaient par appel téléphonique et avaient un double objectif : celui d’insister et d’approfondir certains éléments spécifiques qui étaient du ressort d’une direction, en particulier pour assurer une bonne gestion du contexte imposé par la pandémie. De plus, ces rencontres devenaient une occasion d’échanger sur différentes préoccupations comme l’anxiété chez le personnel, le télétravail, les bons coups, la sécurité civile, etc. À la suite de ces rencontres quotidiennes, l’information était acheminée lors des caucus opérationnels, et ce, pour chaque quart de travail.  

La nécessité de développer un agenda standard a émergé des discussions et est présentement sur la table à dessin. Le système intégré de gestion de la performance a été mis à l’épreuve avec la pandémie du coronavirus et force est de constater sa robustesse : « L’état d’esprit du système de gestion est resté là », soutient Daniel La Roche.  Même son de cloche pour l’Hôpital Montfort. Les efforts pour communiquer avec l’ensemble des employés se sont avérés multiples. Selon Lise Vaillancourt, l’approche ascendante (bottom up) de la logique de cascade et d’escalade de l’information a pu s’exprimer lors de la tournée des gestionnaires auprès des équipes de travail, notamment par une révision du rapport d’état axé sur la pandémie et par les caucus qui se sont poursuivis dans certaines équipes. Le centre de commande était très actif dans ses communications par l’envoi de courriels quotidiens au personnel afin d’éviter les décalages dans les messages avec les autorités régionales, entre autres. Le nombre de rencontres administratives a fortement diminué, encourageant ainsi une présence accrue des gestionnaires sur le terrain.

Des bons coups à souligner 

Tant du côté du CHU de Québec que de l’Hôpital Montfort, la reconnaissance quotidienne des bons coups est un des héritages qu’aura légué le système intégré de gestion de la performance. « Les bons coups, ça reste une influence du système de gestion », précise Daniel La Roche. À titre d’exemple, l’Hôpital Montfort a mis à la disposition du personnel un tableau dédié à la reconnaissance entre les pairs. « Le mur est complètement inondé de petits mots reconnaissant le travail de l’autre dans le contexte de la pandémie », explique fièrement Lise Vaillancourt.  

La crise causée par la situation de pandémie a permis de mettre en lumière la nécessité de faire une pause, de réfléchir, de réagir et se projeter pour une éventuelle prochaine crise. Le système intégré de gestion de la performance s’est adapté, s’est transformé et a démontré sa valeur ajoutée dans le quotidien des équipes.


1 L’article s’appuie sur l’expérience de gestion de la COVID-19 du CHU de Québec-Université Laval et de l’Hôpital Montfort à partir du système intégré de gestion de la performance et de ses outils. Nous remercions Daniel La Roche, directeur de l’évaluation, de la qualité, de l’éthique, de la performance et des affaires juridiques au CHU et Lise Vaillancourt, directrice, efficience organisationnelle et Lean Sensei à l’Hôpital Montfort pour leur générosité et leur collaboration.