Article publié dans l'édition printemps 2018 de Gestion

Le stress de vos équipes et les risques psychosociaux associés vous préoccupent ? Vous n’êtes pas les seuls. Les gestionnaires des ressources humaines et les administrateurs se doivent aujourd’hui d’en suivre et d’en contrôler l’évolution. Néanmoins, les outils pour y parvenir et les conditions dans lesquelles on doit y recourir ne sont pas toujours suffisamment connus. Voici comment y voir plus clair.

Au canada, 27 % des employés disent ressentir un niveau de stress élevé1. Au Québec, ce phénomène touche près des deux tiers des employés2 et entraîne en moyenne une perte de productivité de 40 %. C’est pourquoi l’instauration et le maintien d’un bon climat social sur les lieux de travail est un axe d’action prioritaire pour les entreprises.

Méthodes et ressources : vos options

Pour préserver un bon climat social, on a aujourd’hui recours à deux méthodes, l’une qualitative, l’autre quantitative. La démarche qualitative consiste à recueillir de l’information sur le climat social grâce à la réalisation d’entretiens avec les employés. Elle présente l’intérêt de fournir aux gestionnaires des renseignements précis et riches. Cependant, la réalisation d’entretiens prend du temps : on accédera donc uniquement aux ressentis d’un plus petit groupe de salariés, mais les résultats obtenus ne seront pas toujours généralisables.

La démarche quantitative s’appuie quant à elle sur des questionnaires adressés à tous les employés afin de collecter un maximum d’informations sur l’état du climat social au travail. Elle permet d’obtenir des résultats représentatifs à l’échelle de l’entreprise, mais elle pose le risque d’une surabondance d’informations difficilement exploitables. Dès lors, l’exhaustivité des données recueillies menace de submerger les gestionnaires, sans qu’ils soient en mesure d’en tirer des plans d’action concrets.

Les méthodes en bref

Les méthodes en bref


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4 stratégies modulées selon vos moyens

Choisissez bien votre stratégieToutes les entreprises n’ont pas les mêmes ressources financières, techniques ou humaines pour recourir à ces méthodes. Vous disposez peut-être de nombreux collaborateurs (conseillers en ressources humaines ou en prévention, médecins du travail) avec des moyens financiers conséquents pour améliorer le climat social au travail (campagnes de formation, enquêtes, cellules d’écoute) ? Ou alors vous avez accès à des ressources et à des moyens plus modestes ? Dans tous les cas de figure, il existe quatre stratégies pour favoriser et maintenir un bon climat social au travail.

Il faut tout d’abord s’assurer que les ressources disponibles puissent être consacrées à la gestion du climat social de l’entreprise. Si l’ambiance est mauvaise, les gestionnaires doivent trouver des solutions et agir rapidement. Au contraire, si elle est bonne, ils doivent veiller afin de prévenir toute dégradation. Ils ont quatre stratégies à leur disposition : déployer, cibler, sensibiliser et dialoguer.

Agir : déployer ou cibler

Lorsque le climat social pose problème – une hausse de l’absentéisme ou du taux de roule- ment des employés peut en être symptomatique –, la direction de l’entreprise doit agir.

1. Déployer : enquêtes par questionnaires et par entretiens approfondis

Cette méthode est idéale si l’entreprise dispose de ressources conséquentes. Les outils de la méthode quantitative peuvent aider les gestionnaires à améliorer rapidement la situation. Le recours à des questionnaires anonymes distribués à l’ensemble des employés afin de connaître leur point de vue sur le climat social de l’entreprise (sources de démotivation ou de motivation, relations interpersonnelles, difficultés managériales, etc.) permettra de comprendre ce qui pose problème.

Une fois les principales difficultés cernées – par exemple : des groupes d’employés plus en difficulté que d’autres ou un taux anormalement élevé de réponses inquiétantes de la part d’une proportion considérable du personnel –, il convient d’approfondir les origines du problème en conduisant des entretiens qualitatifs, que ce soit en groupe ou sur une base individuelle.

Combiner les deux méthodes permet dans ce cas-ci de déterminer et d’isoler rapidement les causes des difficultés afin de libérer la parole des employés et de permettre à l’organisation d’améliorer son climat social.

Éléments importants :

Pour garantir la fiabilité des réponses, assurez- vous de protéger l’anonymat des questionnaires utilisés et signifiez-le clairement à tout le personnel concerné. Mobilisez tous les acteurs de la prévention lors de la phase du déploiement. Communiquez avec le personnel quant aux mesures de prévention mises en œuvre après l’étape des questionnaires.

2. Cibler : sondages et entretiens ponctuels

Lorsque l’entreprise dispose de ressources plus limitées et que son climat social est dégradé, des actions ciblées sont requises. Moins coûteux que des enquêtes par questionnaires, des sondages mensuels anonymes, accessibles en ligne dans l’espace intranet de l’entreprise, ou des outils plus informels comme des boîtes à suggestions représentent des moyens plus souples de cerner rapidement l’origine des difficultés.

Toutefois, à cette première étape doit succéder une phase de dialogue de nature plus qualitative avec les employés, et ce, en fonction des éléments plus sérieux qui seront ressortis. Cette deuxième étape permettra aux gestionnaires de comprendre les cas particuliers qui entraînent la dégradation du climat social afin de mener des actions correctrices ou de prévention ciblées. Par exemple, si on a fait état d’un problème d’ordre interpersonnel ou hiérarchique, l’organisation d’entretiens entre le gestionnaire en cause et les employés concernés permettra d’élaborer des solutions mieux adaptées.

Éléments importants :

Ne stigmatisez pas les employés lors des entretiens qualitatifs : laissez-les parler et exprimer leurs difficultés librement. Mobilisez les gestionnaires dans la démarche de prévention. Communiquez clairement et régulièrement avec le personnel quant aux mesures adoptées.

Veiller : sensibiliser ou dialoguer

Le climat social d’une entreprise est en évolution constante. Même lorsqu’il est bon, l’entre- prise doit veiller à le maintenir en adoptant des moyens appropriés.


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3.Sensibiliser : veille et formation

Si l’entreprise n’est pas limitée par ses ressources, elle peut préserver un bon climat social en sensibilisant les gestionnaires à l’aide de séances de formation ou de cellules d’écoute. Les entretiens d’évaluation annuels représentent à cet égard des moments privilégiés pour souligner l’importance du climat social. On peut ainsi mener des enquêtes quantitatives à périodicité semestrielle ou annuelle (enquêtes en ligne sur la satisfaction au travail) afin d’assurer une veille sur l’évolution du climat social.

Éléments importants :

Chaque gestionnaire doit être sensibilisé à l’importance d’un bon climat social au travail, par exemple au moyen d’une formation obligatoire. Ne vous contentez pas de suivre l’évolution des résultats des enquêtes : maintenez des échanges réguliers sur ces questions.

4. Dialoguer : forums de discussion et communications d’entreprise

Lorsque les ressources de l’entreprise sont plus limitées, le maintien d’un dialogue constant à propos du climat social est la solution qualitative à privilégier. Au-delà des entretiens annuels d’évaluation, des forums de discussion réguliers (semaines thématiques, ateliers) où chacun peut proposer des axes d’amélioration peuvent permettre d’anticiper les sources potentielles de difficultés pour les employés. Ils entretiennent un lien entre tous les acteurs de l’entreprise : employés, cadres et gestionnaires des ressources humaines. L’introduction et la mise à jour récurrente de chartes sociales ou de règlements de l’employeur, d’infolettres ou de communications d’entreprise peuvent contribuer à assurer la solidité de ce lien.

Éléments importants :

N’attendez pas que le climat social se dégrade : instaurez un climat de confiance afin que la satisfaction au travail demeure au cœur des préoccupations de tout le personnel.

Les méthodes quantitative et qualitative peuvent être utilisées conjointement pour favoriser et maintenir un bon climat social au travail, selon les ressources à la disposition de l’entreprise. Que la situation soit déjà préoccupante ou non, il est crucial d’entendre les divers points de vue en impliquant tous les acteurs, d’écouter tous les employés et de former le personnel-cadre. Le tout doit se faire sans accuser qui que ce soit avant d’avoir pris la peine de s’informer à fond à propos des situations préoccupantes.

Aide-mémoire : les 4 stratégies


Notes

1 « Qu’est-ce qui stresse les stressés ? Principales sources de stress des employés », Enquête sociale générale 2010 – Aperçu sur l’emploi du temps des Canadiens, Statistique Canada, 2010.
2 Source : L’Enquête québécoise sur la santé de la population, Institut de la statistique du Québec, 2014-2015.