Article publié dans l'édition Printemps 2020 de Gestion

Le rôle des responsables d'équipe s'avère de plus en plus exigeant en raison des nombreux changements qui s'opèrent dans l'organisation du travail, des ressources qui se raréfient et des pressions financières qui s'accroissent. Le leadership d'habilitation suscite un intérêt grandissant compte tenu de ses avantages. Tour d'horizon.

Associé positivement à la performance et à la créativité des équipes, le leadership d’habilitation (qu’on nomme empowering leadership en anglais) facilite le partage du pouvoir entre le responsable et les membres d’une équipe.

Cette approche repose ainsi sur un transfert direct d’autorité et de responsabilités aux membres de l’équipe, ce qui contribue au renforcement de leur motivation au travail. Les pratiques d’habilitation visent donc à créer des conditions qui accroissent le sentiment de contrôle des subalternes et à supprimer celles qui suscitent chez eux un sentiment d’impuissance.


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Plusieurs modèles permettent de représenter les comportements de leadership d’habilitation1. Celui proposé par les chercheurs Amundsen et Martinsen2 comporte deux dimensions clés : le soutien à l’autonomie et le soutien au développement professionnel.

En favorisant l’autonomie des membres de son équipe, le responsable leur permet d’exercer du contrôle sur leur travail. Il peut ainsi leur déléguer des tâches ou des projets, leur communiquer de l’information (décisions de la direction, changements annoncés, etc.) et encourager les initiatives.

En offrant du soutien lié au développement professionnel, le responsable aide les membres de son équipe à apprendre au travail. Il agit en tant que modèle en leur donnant de la rétroaction et en leur soumettant des suggestions d’amélioration.

L’incidence du leadership d’habilitation

Grâce aux effets mobilisateurs et à l’agilité organisationnelle qu’il entraîne, ce style de leadership est plus susceptible d’accroître la performance des équipes. La plus grande latitude décisionnelle accordée aux membres dans l’accomplissement de leurs tâches les amène à utiliser leur propre jugement.

Leur travail est dès lors plus stimulant à leurs yeux : ils sentent qu’ils ont davantage de contrôle sur les tâches à accomplir et qu’ils sont eux aussi les maîtres d’œuvre de leur vie professionnelle. Ce sentiment a pour effet de renforcer la mobilisation des personnes envers leur équipe et de les inciter à fournir plus d’efforts pour contribuer à son succès.

Par ailleurs, l’adoption du leadership d’habilitation par le responsable d’équipe peut améliorer l’efficacité du travail collectif : en étant plus autonome, l’équipe peut ainsi décider et s’adapter plus rapidement en fonction des diverses situations sans avoir à en référer à son supérieur. Cette approche contribue également au développement de compétences en matière de gestion chez les membres d’une équipe dans un contexte où la relève managériale constitue une question primordiale au sein des organisations.

En adoptant ce style de leadership, le responsable favorise en effet l’émergence plus rapide d’aptitudes clés comme l’autonomie et le sens de l’initiative tout en contribuant à l’adoption de comportements plus efficaces dans la réalisation du travail.

Ce style de gestion soutient en outre la créativité et l’innovation au sein des équipes. Il n’est certes pas nécessaire d’innover dans tous les types d’emplois. Cependant, toutes les équipes devront un jour ou l’autre trouver des solutions novatrices aux problèmes avec lesquels elles seront aux prises.

Cette approche permet aux gens d’acquérir une compréhension plus approfondie du rôle de chacun et des défis organisationnels à surmonter : ils peuvent ainsi contribuer à l’élaboration et à l’implantation de solutions créatives.

La mise en œuvre d’un leadership d’habilitation

Un gestionnaire qui envisage de s’inspirer du leadership d’habilitation doit être convaincu de la capacité et de la motivation de son équipe à assumer de nouvelles responsabilités : sans cette conviction profonde, son comportement à titre de leader en sera affecté et le succès de l’adoption de pratiques d’habilitation sera compromis. Le gestionnaire devra ensuite agir sur deux fronts.

1) L’accroissement de l’autonomie des équipes

Le responsable d’une équipe peut commencer par des mesures simples mais concrètes. Par exemple, il peut consulter ses subalternes avant de décider d’acheter de l’équipement ou d’établir des échéanciers. Bien que cet exercice requière d’y consacrer un temps précieux, ses effets positifs sont indéniables : il renforce la capacité de chacun à prendre des décisions et contribue à consolider l’implication de tous une fois ces décisions prises.

En procédant de manière graduelle, les membres de l’équipe se familiarisent avec leurs nouveaux rôles et se préparent à assumer des responsabilités de plus en plus importantes. C’est particulièrement vrai dans le cas des fonctions de gestion.

L’assignation des tâches, l’établissement des horaires de travail, la répartition des congés et l’organisation d’activités sociales sont des exemples de responsabilités qu’on peut confier progressivement aux équipes. Mais il faut être patient et méthodique.

Les responsables commettent souvent l’erreur de croire que le succès sera instantané, alors qu’ils ne doivent pas espérer être pleinement satisfaits du premier coup. Les gens ont besoin de temps pour parvenir à établir des façons de faire collectives qui permettent à chacun d’assumer de nouvelles responsabilités.

2) Le soutien au développement des membres de l’équipe

Pour accompagner adéquatement son équipe dans cette responsabilisation croissante, le leader doit offrir de la rétroaction de façon régulière à chacun de ses subalternes.

Plus précisément, il a intérêt à leur fournir toute l’information requise quant aux résultats attendus (du point de vue de la qualité et de la productivité), ce qui implique de leur communiquer au préalable des objectifs précis. La rétroaction permet également d’établir des zones d’amélioration prioritaires et de suggérer des moyens d’améliorer les façons de faire.

Enfin, pour être efficace et pour renforcer la motivation des travailleurs, la rétroaction doit mettre en lumière les bonnes performances et les nouveaux  comportements qui ont eu des effets positifs.


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Lorsque les membres d’une équipe rencontrent des problèmes, leur gestionnaire doit les encourager à trouver eux-mêmes des solutions. C’est ainsi qu’ils pourront développer leur sens des responsabilités et leur capacité à résoudre des difficultés ou des conflits. En utilisant l’approche du leadership d’habilitation, le gestionnaire sert d’exemple et devient un modèle, ce qui permet aux membres de son équipe d’acquérir les comportements appropriés.


Notes

1 Voir notamment : Arnold, J. A., Arad, S., Rhoades, J. A., et Drasgow, F., « The empowering leadership questionnaire: the construction and validation of a new scale for measuring leader behaviors », Journal of Organizational Behavior, vol. 21, n° 3, mai 2000, p. 249-269 ; Ahearne, M., Mathieu, J., et Rapp, A., « To empower or not to empower your sales force ? An empirical examination of the influence of leadership empowerment behavior on customer satisfaction », Journal of applied Psychology, vol. 90, n° 5, septembre 2005, p. 945-955.

2 Amundsen, S., et Martinsen, Ø. L., « Empowering leadership: construct clarification, conceptualization, and validation of a new scale », the Leadership Quarterly, vol. 25, n° 3, juin 2014, p. 487-511.