La transformation numérique des entreprises s’accélère. Plus qu’un avantage compétitif, cette transition est désormais garante de leur survie. Elle s’accompagne cependant d’immenses défis sociétaux et demande un leadership éclairé. Le point avec Mehdi Benboubakeur, directeur général du Printemps numérique (PN).

Vous avez certainement entendu parler de l’une ou l’autre des initiatives phares de l’OBNL. Engagé à réduire la fracture numérique, le PN offre des programmes de littératie numérique aux adolescents et aux jeunes adultes à travers la province. Il entend aussi favoriser l’innovation, le développement et le rayonnement des industries numériques d’ici, notamment grâce à MTL connecte, une semaine de conférences, de panels et d’ateliers qui célèbrent chaque année, dans la métropole, la diversité et l’impact de la transformation et l’accélération numérique.

Pour l’édition 2024 de l’événement, qui se déroulera du 15 au 18 octobre, l’équipe a retenu le thème de la «MÉTAMORPHOSE», un éloge aux transformations souhaitables du monde auxquelles peuvent mener les avancées technologiques, mais qui souligne aussi l’accélération du développement numérique, surtout depuis l’arrivée de l’IA générative. «Une bonne proportion des emplois sont désormais automatisables, incluant non seulement les tâches physiques des travailleurs, mais aussi leurs tâches cognitives. Cela bouleverse les modèles d’affaires traditionnels, redéfinit les interactions humaines et modifie les attentes des utilisateurs et des consommateurs», relève Mehdi Benboubakeur.

En effet, selon une analyse récente de la prestigieuse banque d'investissement Goldman Sachs, l’avènement de l’intelligence artificielle générative pourrait avoir un impact considérable sur le marché du travail occidental. L'étude suggère que si cette technologie tient ses promesses, environ 300 millions d’emplois à temps plein en Europe et aux États-Unis pourraient devoir faire face, à des degrés divers, à une automatisation de leurs tâches professionnelles, allant d’une assistance partielle à une transformation radicale de certains postes.

Des balises à placer

Pour le directeur général du PN, cette accélération est porteuse à la fois d’occasions favorables et de défis. Il estime notamment que l’intelligence artificielle détient un immense potentiel d’amélioration des conditions de vie. «Un usage collectif et intelligent des masses de données [dont nous disposons] peut avoir des répercussions extrêmement positives dans des domaines tels que la santé, ou encore, le traitement de l’eau ainsi que son accès», cite-t-il en exemple.

Le développement technologique au sens large est également un gage de prospérité économique pour les organisations qui y investissent, soulève-t-il. Au deuxième trimestre de 2024, les entreprises québécoises ont d’ailleurs déterminé que l’adoption de technologies et l’innovation étaient le facteur principal (28%) ayant contribué à améliorer leur efficacité opérationnelle au cours de l’année précédente, selon les données fournies par Statistique Canada. «L’intégration de l’intelligence artificielle (IA) dans les processus opérationnels devient de plus en plus courante», notent par ailleurs les auteurs de l’étude.

Mais investir dans les technologies numériques n’est pas sans coût pour le collectif, qu’il s’agisse des énormes dépenses d’énergie et de ressources qu’elles impliquent, ou encore, des biais de genre, politiques et culturels que peut contribuer à diffuser l’IA générative. Mehdi Benboubakeur plaide donc pour que les leaders de la transition numérique s'y engagent en tenant compte du contexte de la crise climatique et de la biodiversité, mais aussi des risques pour les droits fondamentaux. «La Déclaration de Montréal pour un développement responsable de l’IA structure bien ces enjeux», indique-t-il.

Mehdi Benboukaeur

Mehdi Benboubakeur, directeur général du Printemps numérique (PN)

Des défis à relever

Pour le cofondateur de l’organisme, quatre défis majeurs attendent les chefs d’entreprise qui veulent mener à bien la transformation numérique de leur organisation.

En premier lieu, celui de ne pas céder au «tout numérique» et de garder un regard critique sur l'usage qu’ils font de la technologie. «C'est important de mesurer sa véritable valeur ajoutée pour la communauté et l’entreprise. Si l'implantation d’une technologie n'impacte pas notre compétitivité, c’est qu’elle n'est pas nécessaire», croit le directeur. Il souligne que ce choix est également bon pour les affaires, car un investissement réalisé sans considérations éthiques risque de se voir contrecarré par la législation future.

Il s’agit ensuite d’assurer un usage optimal de la technologie numérique en l’inscrivant dans une vision stratégique à long terme. «Les leaders ne doivent pas simplement suivre les tendances, mais ils doivent aussi orienter la transformation numérique de manière stratégique et durable, car les tendances évoluent», indique Mehdi Benboubakeur. Le directeur cite en exemple le géant des processeurs Nvidia, qui mise sur l'amélioration de l’efficacité énergétique de ses produits conçus pour soutenir une IA gagnant continuellement en complexité.

Troisième défi : la transformation numérique nécessite des investissements financiers importants en matière d’infrastructures, de formation et d’acquisition de talents technophiles. «Ça peut freiner certains leaders», admet-il.

Enfin, pour les entreprises, celles-ci sont appelées à déjouer la résistance au changement de leurs équipes. «Il faut intégrer dès le début, dans le design des solutions technologiques, toutes les parties prenantes, et prendre leur point de vue en considération.» Plus le groupe consulté est diversifié, plus il y aura de données pour mener à bien la gestion du changement, soulève encore Mehdi Benboubakeur.

Des compétences à mobiliser

Pour relever ces défis, les dirigeants d’entreprise doivent démontrer un certain nombre de qualités, poursuit le directeur, qui liste en premier lieu celle de faire preuve d’un leadership de transformation. «Cela demande de savoir s’entourer de personnes plus fortes que soi dans leurs champs respectifs.»

Vient ensuite la capacité à faire preuve d’agilité et de créativité sur un marché numérique qui évolue extrêmement rapidement. Mehdi Benboubakeur pointe enfin la nécessité, pour les organisations, de favoriser le partage des connaissances et des bonnes pratiques en leurs murs grâce au mentorat et à la formation continue.

Au bout du compte, le directeur général appelle les leaders à ne pas avoir peur de faire des erreurs et de prendre des risques, mais des risques mesurés. Il suggère d’y aller par petits projets pour monter en charge par la suite, mais d’y aller. «Tenter la transformation numérique reste moins risqué que de ne pas le faire», conclut-il.

MTL connecte 2024 : embrassez la métamorphose!

Vous souhaitez en savoir plus ou partager vos vues sur la transformation numérique? Inscrivez-vous à MTL connecte! La semaine numérique de Montréal se déroulera du 15 au 18 octobre 2024, à l’École NAD-UQAC et en ligne.

L’année dernière, l’événement a fédéré environ 10 500 participants, dont près de 2 500 en présentiel, issus de 60 pays durant une semaine comptant 325 sessions et activités.