Véritable courroie de transmission entre la haute direction et le niveau opérationnel de nos entreprises et de nos organisations, le gestionnaire intermédiaire effectue quotidiennement un travail essentiel, mais peu reconnu à sa juste valeur.

Pas toujours facile d'être entre l'arbre et l'écorce (lire notre article « Le vague à l'âme du gestionnaire intermédiaire »)... Toutefois, force est de reconnaître que ce gestionnaire intermédiaire passe trop souvent entre la peinture et les murs de nos organisations. Jamais (ou si peu!) il ne fait l'objet de reportages ou d'articles à son sujet, on récompense les hauts dirigeants et les meilleurs employés, mais bien peu le gestionnaire intermédiaire... Triste sort, que celui du gestionnaire intermédiaire ?

Le gestionnaire intermédiaire, rouage important dans nos organisations

Pour Linda Rouleau, professeure agrégée au Département de management de HEC Montréal, ce dernier est tout sauf anodin ! Cela explique notamment le fait qu'elle y ait consacré bon nombre d'articles scientifiques au cours de sa fructueuse carrière académique. Mais la méthode employée par la professeure Rouleau a ceci de particulier qu'elle s'est toujours fait un point d'honneur à mieux saisir le rôle du gestionnaire intermédiaire, notamment à l'égard de l'élaboration, de la formulation et de l'implantation de la stratégie, par l'entremise d'une approche davantage apparentée à l'ethnographie. Dans cette perspective précise, la parole devient, en quelque sorte, le matériau de base à partir duquel l'enseignante et chercheuse peut comprendre et apprécier le travail du gestionnaire intermédiaire et toute la portée de son action.

Les incontournables habiletés du gestionnaire intermédiaire

Les travaux de Mme Rouleau ont ainsi permis de montrer que le gestionnaire intermédiaire a un rôle important au chapitre de l'appropriation de la stratégie et de la diffusion de cette dernière au sein de l'organisation à l'intérieur de laquelle il œuvre. Cette activité devient notamment cruciale lorsque l'organisation est en situation de changement. À cet égard, la professeure Rouleau avance, dans l'une de ses publications¹, que le gestionnaire intermédiaire est en mesure de faciliter l'appropriation des changements découlant d'une orientation stratégique de par les habiletés conversationnelles qu'il peut déployer, tout comme de par la facilité qu'il peut manifester à « mettre en scène » un contexte donné, tout ceci afin de mieux faire passer son message. Ainsi, la professeure Rouleau et sa collègue Julia Balogun ont constaté, grâce à leurs conversations avec des gestionnaires intermédiaires, que ceux-ci étaient particulièrement habiles et enclins à employer le bon phrasé et à relayer un message adapté à chaque interlocuteur ou groupe d'interlocuteurs.

Ces gestionnaires intermédiaires se sont également révélés fort efficaces à identifier les influenceurs susceptibles de les aider dans leur tâche, à rassembler et à inclure les bonnes personnes dans la conversation et à utiliser les bons moyens pour, une fois de plus, s'assurer que le changement soit accepté de la meilleure manière qui soit. L'on retiendra de la chose que les bons gestionnaires intermédiaires sont ceux qui sont donc dotés d'un sens politique affiné et d'habiletés de communication au-delà de la moyenne. Mieux encore, affirme Mme Rouleau dans une autre de ses contributions², les gestionnaires intermédiaires seront d'autant appréciés et reconnus qu'ils seront capables de traduire les réalités d'un contexte organisationnel à un autre, d'un acteur organisationnel à un autre, permettant encore là de dégager une interprétation commune quant aux changements en cours. Voilà une autre habileté essentielle que tout gestionnaire intermédiaire devrait posséder dans son coffre à outils managérial.

Saluons donc le travail et le courage de ces gestionnaires intermédiaires, sans qui nos entreprises et nos organisations ne sauraient bien fonctionner au fil des jours. Et saluons aussi du coup la curiosité intellectuelle et le travail acharné de la professeure Linda Rouleau qui, par ses nombreuses publications sur ce sujet, a su rendre au gestionnaire intermédiaire toute son importance dans le contexte de la vie en organisation. À ce titre, Mme Rouleau a d'ailleurs été récemment reçue membre de la section francophone de l'Académie des sciences sociales de la Société royale du Canada, un rare honneur accordé par cette institution à un professeur de HEC Montréal. Chapeau bas !


Notes

¹  Rouleau, L., & Balogun, J. (2011). « Middle managers, strategic sensemaking, and discursive competence ». Journal of Management Studies, 48(5), pp. 953-983.

²  Teulier, R., & Rouleau, L. (2013). « Middle managers' sensemaking and interorganizational change initiation: Translation spaces and editing practices ». Journal of Change Management, 13(3), pp. 308-337.