Le droit à l’erreur, ou encore le droit d’expérimenter fait partie des éléments clés de l’agilité. Car se tromper, c’est aussi se permettre d’avancer.

Les entreprises sont souvent soumises à une concurrence féroce. Dans ces conditions, se tromper est souvent assimilé à un échec, véritable mot tabou au sein des organisations. Or, dans la culture agile, l’échec est le fondement même du succès. «Si on n’essaie rien, bien sûr on ne fait jamais d’erreur, mais du même coup, on s’empêche d’apprendre et de progresser. En expérimentant sur de courtes itérations, on peut rapidement rectifier le tir si cela ne fonctionne pas», explique Éric Hamel, directeur principal de Nexio Inc. et président du conseil d’administration de la Communauté Agile Québec. Alors, comment se réconcilier avec le droit à l’erreur et faire de lui notre allié?

Échouer vite

Dans un environnement d’affaires où performance et livraison rapide sont la norme, l’échec est mal vu alors qu’il présente pourtant bien des vertus. «Preuve en est que toutes les entreprises qui n’ont pas voulu prendre de risque – et donc faire des erreurs – ont disparu ou sont moribondes. On n’a qu’à penser à Nokia, BlackBerry, Kodak, notamment», rappelle Philippe Mast, CRHA, consultant, conférencier, formateur et cofondateur de la firme CORTO.REV. Il ajoute que selon Jeff Bezos, le grand patron d’Amazon lui-même, les décisions devraient être prises lorsqu’on détient seulement 70 % de l’information au lieu d’attendre d’en avoir accumulé 90 %. «Il part du principe que cela coûte moins cher de se tromper et de corriger, plutôt que d’arriver trop tard. Les entreprises qui attendent trop longtemps vont échouer ou devoir assumer des coûts plus élevés, parce qu’elles n’ont pas saisi une occasion ou qu’elles n’ont pas vu une menace», souligne M. Mast.

C’est le principe du fail fast. «En échouant vite, on a la possibilité de s’améliorer rapidement. Mais pour cela, il faut accepter que l’avenir soit incertain et complexe et que l’on n’ait pas toutes les réponses», remarque Miguel Hernandez, maître d’enseignement au Département de management de HEC Montréal. Autrement dit, retarder l’échec équivaut à reporter du même coup les bénéfices qui peuvent en découler pour l’organisation.

Encourager la prise de risque

Dans une entreprise agile, la notion d’apprentissage est cruciale et toute erreur doit pouvoir déboucher sur une amélioration en s’appuyant sur une boucle de cycles courts. Mais encore faut-il que la culture organisationnelle permette de nourrir une approche basée sur l’expérimentation. À cet égard, le gestionnaire joue un rôle crucial dans le processus. «D’abord, il faut prêcher par l’exemple en acceptant que soi-même on peut se tromper, ce qui nécessite un certain courage. Ensuite, on accorde le droit aux équipes de commettre des erreurs et on installe un climat de confiance en endossant le rôle de facilitateur et non celui de contrôleur. Dans une culture d’accusation mutuelle, les gens ont tendance à cacher les erreurs au lieu de s’en servir pour s’améliorer», constate Miguel Hernandez.

De l’avis de Philippe Mast, le gestionnaire agile «accueille les erreurs dans la bienveillance». Parallèlement, il évite de fixer des objectifs de performance à ses employés, ce qui génère du stress et décourage l’expérimentation.

Éviter les blâmes et les remontrances est donc une condition sine qua non. «Le gestionnaire agile sait également reconnaître les initiatives et contributions de chacun. Il crée un environnement sécuritaire, un espace pour s’exprimer», fait valoir Julie Carignan, CRHA, associée et consultante chez Humance. Au bout du compte, c’est toute l’équipe qui apprend ensemble et qui en tire des bénéfices.

Écouter et encourager le partage d’idées sont de bonnes façons d’inciter les équipes à prendre des risques. «On doit faire preuve d’ouverture et être conscient qu’il n’y a pas qu’une seule bonne réponse. C’est ainsi que l’on réussira à créer un environnement où les gens oseront prendre des initiatives. Pour y parvenir, le gestionnaire pourrait commencer par discuter avec son équipe et recueillir leurs idées créatives et novatrices», recommande Hyung Koo Lee, professeur adjoint au Département des technologies de l’information de HEC Montréal.

Mais il arrive que les organisations manquent de cohérence. Dans ce cas, belles paroles et vœux pieux sur le droit à l’échec ne se traduisent pas par une réelle amélioration. «Pour progresser en mode agile, il faut faire des rencontres régulières afin d’évaluer les résultats obtenus, puis poser les gestes qui permettront de s’améliorer à l’itération suivante. Or, dans la pratique, par manque de temps, on se contente parfois de poser un constat sans qu’il soit suivi des actions nécessaires», remarque Grégory Vial, professeur adjoint au Département des technologies de l’information de HEC Montréal. Donner le droit à l’erreur dans une organisation où règne la tyrannie de la performance et des échéanciers serrés semble bien être encore une utopie…