L'essence de la bonne gestion et du bon leadership, c'est entre autres la capacité de prendre de bonnes décisions. Et nous savons tous que la prise de décision est loin d'être une science exacte. D'une part, parce que la quantité d'informations essentielles à une bonne prise de décision est énorme et qu'il nous faut d'abord les trouver, puis trouver un sens à toute cette masse. Déjà pas facile! Mais surtout, et c'est là tout le propos de Daniel Kahneman, Dan Lovallo et Olivier Sibony (lire leur article « Before You Make That Big Decision », dans l'édition de juin 2011 de la Harvard Business Review), notre cerveau a une vilaine tendance à nous induire en erreur. Les travaux du professeur Kahneman, enseignant à l'Université Princeton (New Jersey) et prix Nobel d'économie 2002, ont en effet démontré que le cerveau possède deux modes de fonctionnement. Le premier mode, que Daniel Kahneman appelle le « système 1 », est basé sur l'intuition. Comme il l'explique lui-même dans l'article ci-haut mentionné, « Dans le mode intuitif, ou système 1, la pensée, les impressions, les associations, les sentiments, les intentions et les réflexions en vue d’une action quelconque arrivent sans effort. Le système 1 produit une représentation constante du monde qui nous entoure et nous permet de faire des choses comme marcher, éviter les obstacles et regarder quelque chose d'autre en même temps. Nous sommes habituellement dans ce mode lorsque nous nous brossons les dents, lorsque nous plaisantons avec des amis ou lorsque nous jouons au tennis. Nous ne nous concentrons pas sur l’exécution de ces actions; nous les faisons, tout simplement… »¹. À l'inverse, le mode réflexif, le « système 2 », est sollicité lorsque nous avons à analyser une situation donnée : « Il est mobilisé lorsque les enjeux sont élevés, lorsque nous détectons une erreur évidente ou lorsque le raisonnement fondé sur un processus est nécessaire. »1 Mais le hic, c'est que le système 2, que nous devrions employer en principe dans toutes nos situations de gestion, demande du temps et de l'énergie. La résultante est que nous avons souvent, et ce de manière inconsciente, à nous rabattre sur le système 1 dans nos prises de décision. Mais c'est à ce moment précis que nous attend un adversaire redoutable : le biais cognitif. Un biais cognitif peut être défini comme une représentation mentale que nous prenons pour vraie, mais qui renvoie une image faussée de la réalité. Voici quelques exemples des biais cognitifs les plus fréquents:

  • Un nouvel employé arrive en retard lors de sa première journée de travail. Il sera inconsciemment identifié comme « non ponctuel » par le cerveau de son patron, et a toutes les chances de voir cette étiquette le suivre pendant longtemps. Il s'agit là d'un biais d'ancrage, qui fait en sorte que nous avons tendance à nous raccrocher à une première impression pour nous forger une idée d'une situation ou d'un individu donné;
  • Le biais de récence fait en sorte que nous avons parfois tendance à ne considérer que les dernières informations qui ont été portées à notre connaissance pour prendre une décision;
  • Le fait d'accorder, par exemple, des qualités supplémentaires à un individu du fait d'une qualité initiale que nous lui reconnaissons est une manifestation de l'effet de halo, un autre de ces biais cognitifs. Par exemple, une personne sera inconsciemment jugée comme intelligente si elle possède une apparence physique agréable.

Ce ne sont là que trois exemples de biais cognitifs parmi les quelque 150 biais qui ont déjà été identifiés, et qui peuvent venir fausser les informations dont nous avons besoin pour prendre une décision. À cet égard, Daniel Kahneman et ses collègues nous indiquent que la meilleure manière de contrer ces biais est, dans un premier temps, d'être conscient de leur existence (c'est fait avec cet article!) et, dans un second temps, de revoir le cheminement réflexif qui nous a mené vers la prise de décision afin de s'interroger sur les pièges éventuels qui auraient pu miner cette dernière. Ce n'est qu'à ce compte que la qualité de vos décisions s'en trouvera améliorée, et que votre leadership s'en trouvera renforcé!


1. Traduction libre