L’industrie du vêtement au Québec a récemment perdu un autre joueur de taille : Le Château. La fermeture du détaillant montréalais serait-elle le reflet de nos choix de consommation?

La fin de l’aventure pour Le Château, qui s’est placé à l’abri de ses créanciers en octobre 2020, n’est pas très surprenante. La nouvelle était attendue tellement l’entreprise était en mode survie depuis des années.

Il n’empêche qu’à l’instar de Jacob ou La Senza Girl, Le Château faisait partie du paysage commercial, mais surtout, de l’imaginaire de beaucoup de consommateurs. Pour bien des gens, cette entreprise évoque le souvenir d’une période de leur vie, d’un événement marquant, comme le bal de fin d’année ou le début d’une nouvelle étape de leur cheminement professionnel.   

Une responsabilité collective

L’industrie du vêtement est étroitement liée à l’histoire du Québec et à l’évolution des comportements de la société. La mode est un marqueur fort de l’identité d’une personne, mais aussi d’une collectivité, tout comme le sont les arts et le sport. Malheureusement, le secteur de la mode est souvent qualifié « d’industrie de la guenille », ce qui rappelle l’image et les perceptions négatives qui lui sont associées. Au moins deux publications qu’une grande partie de la population ignore la réalité des entreprises québécoises.

Les consommateurs préfèrent acheter de la fast fashion ou se procurer des vêtements dans les magasins à rabais plutôt que dans des entreprises locales. En tant que société, nous avons toutefois une responsabilité collective envers cette industrie, ses acteurs et ses travailleurs, que nous avons en quelque sorte abandonnés en raison de nos choix et de nos croyances erronées.


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Local ou international?

Au moment même où on annonçait, en octobre dernier, la fin pour Le Château, le premier magasin d’Uniqlo au Québec (le plus grand au pays) ouvrait ses portes en grandes pompes. L’entreprise, qui vend des vêtements plus intemporels et de meilleure qualité que les marques de la fast fashion, est une des bannières du géant Fast Retailing, l’un des trois plus grands joueurs mondiaux du vêtement avec Inditex (Zara) et H&M.

Certains diront que tout est une question de chiffres et d’équilibre : l’entrée massive depuis une vingtaine d’années des grandes chaînes étrangères est venue remplacer dans le paysage canadien du commerce de détail plusieurs enseignes locales. L’engouement pour ces chaînes, leur marketing influent et leurs produits jetables est toujours fort.

Une étude de Deloitte vient toutefois témoigner d’une certaine schizophrénie du consommateur québécois. D’un côté, « 66 % des Canadiens affirment qu’ils utiliseront Amazon pour trouver et acheter des articles en cette période des Fêtes ». De l’autre, beaucoup de consommateurs évoquent leur volonté d’acheter local et d’encourager le commerce de proximité.

En dépit de tout ce qui est reproché à Amazon sur le plan fiscal, environnemental et social, sa popularité augmente. Certes, des entreprises québécoises profitent de la popularité de cette plateforme, mais les effets négatifs de l’hégémonie d’Amazon sur les entreprises locales sont beaucoup plus importants.


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L’importance de s’interroger sur ses choix

Il est utopique de croire que les comportements d’achat de la population changeront de façon radicale à court terme. La mondialisation et avec elle les chaînes étrangères de vêtements font partie intégrante du paysage québécois.

Cependant, les consommateurs peuvent encore se questionner sur leurs choix, leur mode de consommation, et leur incidence sur les autres acteurs de l’économie ainsi que sur le genre de société dans laquelle ils souhaitent vivre.

Vouloir payer des vêtements à des prix dérisoires tout en exigeant une amélioration des conditions de travail au Québec ne fera que creuser l’écart entre les plus riches et les plus démunis. Mieux vaut privilégier la qualité sur la quantité et encourager les commerçants locaux, qui sont peut-être nos voisins, nos amis, des membres de notre famille.

Considérons nos achats comme un engagement envers des modes de consommation différents. Soyons des « consomm’acteurs ». Au lieu d’opter pour le bas prix, privilégions le prix juste. Engageons-nous progressivement, notamment par l’éducation, vers une forme de bienveillance collective qui valorise l’achat de proximité, les entreprises locales (même si une partie de leurs opérations sont ailleurs) et un mode de consommation plus écoresponsable.

Alors, pour notre prochain achat de vêtement, essayons de considérer des options locales qui pourraient nous enrichir collectivement plutôt qu’individuellement.


Notes

i Beaudoin, M., Arcand, M. et Petiteau, L. (2014). Conjuguer les perceptions des créateurs et des consommateurs pour favoriser l'émergence de la personnalité d'une ville : le cas de l'industrie de la mode à Montréal. Gestion, vol. 39(1), 48-58. 

ii Rapport du groupe de travail Mode & vêtement (2013)