Il y a Suez, Panama, et il faudra désormais ajouter le Nicaragua, lorsque l'on parlera des grands canaux inter-océaniques. C'est en tout cas ce que souhaite Wang Jing, 42 ans, le fondateur maintenant milliardaire de l'entreprise de télécommunications Xinwei.

C'est en décembre dernier que l'homme d'affaires, originaire de la capitale chinoise Beijing, lançait les travaux devant mener, au tournant de la présente décennie, à l'ouverture du canal inter-océanique du Nicaragua. Par l'entremise de l'une de ses entreprises de construction, HKND Group, Wang entend faire du canal à venir un choix incontournable face au principal rival du projet, le canal de Panama. Mais avant cela, il faudra creuser! Le chantier sera gigantesque: le canal, long de 286 kilomètres (77 kilomètres pour le canal de Panama, 193 kilomètres pour Suez), serpentera sur le sol nicaraguayen et empruntera aussi le lac Nicaragua, la plus grande étendue d'eau douce d'Amérique centrale.


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Les enjeux sont, on le devine, tout aussi gigantesques. Enjeux économiques et financiers, dans un premier temps, puisque l'on parle d'un projet de quelque 50 milliards de dollars qui aura des retombées importantes pour ce pays d'Amérique centrale, l'un des plus pauvres de la région. Puis, enjeux géostratégiques, puisque la Chine ne cache plus ses ambitions en Amérique latine et désire, du coup, ne plus dépendre uniquement du canal de Panama (rétrocédé en 1999, le canal est toujours considéré par les États-Unis comme une voie d'eau intérieure) ou du canal de Suez, compte tenu des tensions actuelles au Moyen-Orient. Et finalement, enjeux environnementaux, certes non négligeables. 

Tel que signalé par le site américain de la chaîne de nouvelles en continu Al Jazeera, les riverains du lac Nicaragua sont inquiets. La construction du canal demandera de draguer le lac et de retirer environ 500 à 700 millions de tonnes métriques de terre du fond, question de laisser passer les énormes navires de classe Triple E, les plus gros porte-conteneurs actuellement construits (400 mètres de longueur par 59 mètres de largeur), incapables de transiter par le Panama. Les impacts sur la qualité de l'eau et sur la faune aquatique (source alimentaire et source de revenus pour les habitants) sont donc à prévoir. Si certains doutent de la réalisation de ce méga-projet, Wang Jing, quant à lui, signalait, en entrevue à la BBC, que "The biggest pressure comes from having to win recognition from the world. I cannot let this project become an international joke." La volonté ferme de l'homme d'affaires, appuyé paraît-il par les instances politiques de son pays, est manifeste.  Reste à voir comment la conciliation des intérêts financiers et des intérêts citoyens, conciliation toujours délicate (lire l'article de Sofiane Baba et Emmanuel Raufflet. "Les relations entreprises-communautés: les leçons de l'expérience d'Hydro-Québec et des Cris"), pourra se concrétiser, si une telle chose est possible! Qu'en pensez-vous?