Comment désamorcer le grand classique du « good Cop / bad Cop »? Didier Roche a son idée là-dessus...

Mon but par cette rubrique mensuelle régulière est de décortiquer pour vous les tactiques utilisées lors de négociations distributives (gagnant-perdant). Donner aux professionnels ou à toutes autres personnes intéressées par la négociation quelques clefs utiles pour reconnaître et contrer les tactiques de négociation est toujours un véritable plaisir. Pour certains, ce ne seront peut-être que des rappels, pour d’autres des découvertes.

N’hésitez pas à me faire part de vos remarques à l’adresse suivante : [email protected]

La tactique du bon et du méchant, appelée en américain « Good Cop / Bad Cop » est effectivement sans doute la plus connue des tactiques de négociation. Elle va généralement impliquer trois acteurs : le vendeur et les deux acheteurs, dont l’un sera le bon, et l’autre le méchant. Le méchant essaiera d’obtenir les conditions maximales tandis que le gentil sera présent pour « arrondir les angles » afin que la négociation aboutisse.  

Voici un dialogue pour expliquer cette tactique :

Steeve Randy et Lauren Bianchi jouent ici le rôle des négociateurs usant de la tactique du bon et du méchant (le premier étant le « méchant » et la deuxième la « bonne »). Didier Desvilles est, quant à lui, le négociateur qui va subir la tactique.

Steeve Randy : Monsieur Desvilles, je ne suis absolument pas d’accord avec vos conditions. Les délais de livraison sont trop longs, et vos tarifs trop élevés.

Didier Desvilles : Monsieur Randy, vous savez que je vous ai accordé nos meilleures conditions. Il m’est impossible d’aller plus loin.

Steeve Randy : Moi, je pense que si, Monsieur Desvilles, il est toujours possible d’aller plus loin.

Didier Desvilles : Bon, puisque c’est ainsi, je pense que je ne vais pas pouvoir poursuivre la négociation.

Lauren Bianchi : Attendez, Monsieur Desvilles, je pense qu’il ne faut pas se crisper. Nous allons bien réussir à trouver un arrangement. Je propose d’aller chercher un rafraîchissement. Que préférez-vous, un café ou un jus d’orange?

Didier Desvilles : Euh! Je préfère un jus d’orange.

Lauren Bianchi : Voici. Bon, examinons maintenant les points de blocage. Je pense que Steeve et vous ne vous êtes pas compris. Je pense que Steeve voudrait un délai de livraison plus court, mais peut-être pas pour l’ensemble de la commande. Et pour ce qui est des conditions tarifaires, Steeve n’a pas précisé que nous serions prêts à vous commander plus de produits. Est-ce que vous pensez que l’on pourrait reconsidérer un peu les termes de notre négociation en partant sur cette base si ce n’est pas trop vous demander, bien sûr?

Didier Desvilles : Euh! Si nous partons sur cette base-là, oui, je pense que cela va être possible.

Il apparaît ici que Lauren Bianchi a réussi à amadouer Didier Desvilles en le charmant et en positionnant les termes de la négociation de manière différente alors que Steeve Randy, lui, était totalement bloqué sur ses positions. Cette tactique fonctionne et permet donc au « méchant » de poser les bases de la négociation et au « bon » de trouver un terrain d’arrangement.

Pour contrer cette tactique, le négociateur va devoir au préalable faire la liste des concessions possibles, c’est-à-dire savoir ce qu’il peut octroyer à l’autre partie et ce qu’il ne peut pas donner. Ensuite, il pourra toujours énoncer le nom de la tactique afin de désamorcer cette dernière. Une petite phrase du genre « Vous n’allez pas tout de même pas jouer la tactique du bon et du méchant, quand même! » devrait faire son petit effet et diminuer quelque peu les ardeurs des opposants.