Que ce soit en télétravail, en mode hybride ou même au bureau, l’heure est à la flexibilité pour les employés. Mais comment concilier les besoins des salariés avec ceux des organisations? Conseils de pros pour y arriver plus facilement.

La flexibilité reste un sujet sur toutes les lèvres, note Paméla Bérubé, CRHA, vice-présidente et cofondatrice de Go RH. « La volonté d’offrir plus de souplesse aux travailleurs est bien réelle, même si c’est plus difficile pour certaines entreprises. Et cela prend différentes formes, comme les horaires personnalisables ou même la rémunération flexible. Le fait de proposer différentes options a vraiment un effet motivant sur les employés. »

En effet, la pandémie a permis d’éveiller les consciences à ce sujet, estime Corinne Vachon Croteau, CRHA, directrice générale du Réseau pour un Québec Famille (RPQF). « Aujourd’hui, les frontières entre la vie familiale et professionnelle sont plus malléables. On réalise qu’il y a des interférences, de part et d’autre. La tolérance est plus grande à cet égard, entre autres sous l’effet des plus jeunes générations qui poussent pour redéfinir les horaires de travail. » Et plusieurs employeurs emboîtent le pas, alors que plus de 170 organisations détiennent le Sceau Concilivi sur la conciliation famille-travail, une initiative du RPQF.

Le casse-tête d’horaires multiples

Si la tendance est claire, piloter une entreprise à travers des horaires éclatés peut s’avérer complexe. « La flexibilité va de pair avec l’autonomie, souligne Paméla Bérubé. Les employeurs doivent donc se fier au jugement de leurs employés, pour qu’ils puissent coordonner leurs heures de travail en fonction de leurs tâches, de leurs responsabilités et naviguer entre leurs obligations professionnelles et familiales. Pour cela, le gestionnaire doit communiquer régulièrement avec son équipe, tout en lui offrant un encadrement minimal et adapté selon chaque personne. »

Les gestionnaires doivent aussi indiquer la voie à suivre avec des objectifs clairs, enchaîne la spécialiste. « Comme on ne peut plus contrôler ni les heures de travail ni sa cadence, c'est la seule chose qu’il nous reste, explique Éric Brunelle, professeur titulaire au Département de management de HEC Montréal. Sur papier, c'est super facile à faire, mais en réalité, ce n’est pas si simple. D’abord, un bon objectif, c’est quoi? » Puisqu'une partie du travail s’abat loin du regard du gestionnaire, il faut repenser cette évaluation, ajoute-t-il. « Les gestionnaires doivent aller chercher leurs yeux et leurs oreilles ailleurs, en coconstruisant ces objectifs avec la personne elle-même, mais aussi avec ses collègues, ses clients ou ses patients. »

Certaines balises sont également de mise pour qu’une équipe fonctionne bien, malgré des horaires multiples. « C’est important de prévoir des moments où tous les employés seront disponibles pour des réunions, des rencontres ou pour répondre aux questions », considère Corinne Vachon Croteau. Certaines organisations vont même jusqu’à créer des tours de garde pour s’assurer qu’il y a toujours quelqu'un joignable facilement en cas d'urgence, renchérit Paméla Bérubé.

Déterminer les règles du jeu

Difficultés à entrer en contact avec ses collègues, communications en dehors des heures habituelles de bureau, limites de plus en plus floues entre la vie personnelle et le travail : la flexibilité apporte aussi son lot d’inconvénients. Pour réduire ces irritants, les règles du jeu doivent être très claires, affirme Éric Brunelle. « C’est le paradoxe : pour laisser place à l’autonomie, à la flexibilité, il doit y avoir un cadre. C’est un peu comme pour le jazz : il faut qu’il y ait une structure musicale pour laisser ensuite les musiciens improviser. »

C’est pourquoi Éric Brunelle suggère d’adopter une charte d’équipe, un outil que le professeur teste actuellement dans plusieurs organisations. Pour cela, l’équipe doit déterminer ses valeurs, sa vision et le mode de fonctionnement qui lui permettra d’atteindre ces objectifs. « Dans mon équipe, on veut être performant et bienveillant, donne-t-il en exemple. Ainsi, on mise sur l’entraide si bien que, si une personne pense qu’elle ne peut pas livrer, elle n’hésitera pas à lever la main. » La charte permet de déterminer les règles autour du travail à distance. « Encore une fois dans mon équipe, on communique entre nous seulement entre 7 h et 19 h », relate le professeur.

Jusqu’à maintenant, les résultats de l’implantation d’une telle charte semblent prometteurs, note Éric Brunelle. En plus d’ouvrir le dialogue sur ces questions, mettre ces règles sur papier réduit aussi le sentiment d’iniquité que pourraient vivre certains salariés, soutient-il. Un principe qui s’applique aussi à la conciliation famille-travail, qui elle aussi devrait faire l’objet d’une politique formelle et écrite, affirme Corinne Vachon Croteau. « Cela permet d’éviter la gestion au cas par cas et le sentiment que tous les employés ne sont pas traités sur le même pied d’égalité. »

Si ce n’est pas si simple, les organisations ont tout intérêt à faire montre de souplesse. En effet, selon une étude menée par Concilivi et Léger en 2023, 82 % des travailleurs estiment que l'ouverture de leurs employeurs en matière de conciliation famille-travail a un impact important sur leur propension à rester plus longtemps à l'emploi, cite Corinne Vachon Croteau. Près de deux répondants sur trois (62 %) seraient prêts à changer d’emploi pour bénéficier de meilleures conditions de conciliation famille-travail, ajoute-t-elle. « C’est vraiment une approche gagnante, tant pour les employeurs que pour les employés.»