Changer est difficile. Même si vous comprenez rationnellement de quelles façons vous devriez vous comporter pour vous améliorer et avoir une incidence positive sur les autres, même si vous ressentez profondément le désir d’évoluer, cela reste ardu.

En effet, au fil du temps et des expériences, vous avez développé des habitudes qui vous ont plutôt bien servies. Ces dernières sont profondément ancrées dans votre cerveau. Voilà pourquoi vous répétez sans cesse les mêmes comportements, même si certains d’entre eux vous causent désormais des problèmes, voire de la souffrance.

Aussi, pour changer, il faut créer et renforcer de nouveaux automatismes. Et il ne suffit pas de connaître rationnellement les nouveaux comportements à adopter; il faut également déceler les déclencheurs, être attentif à une habitude qui est sur le point de se manifester… et décider de faire les choses autrement.

Comment générer un changement de comportement

Si vous avez un intérêt pour le développement personnel et professionnel, vous cherchez probablement des outils ainsi que de nouvelles pratiques et méthodes pour vous améliorer.

Certains outils, une fois qu’ils sont appris, peuvent être mis en application à la première occasion venue.

Toutefois, lorsque le changement à apporter est plus profond et qu’il exige de vous que vous changiez quelques-unes de vos habitudes et certains de vos comportements, la mise en application d’une meilleure méthode de travail peut se révéler ardue.

Un exemple parmi tant d’autres : vous savez que vous devez améliorer votre capacité à déléguer les tâches. Après avoir suivi une formation à ce sujet, vous êtes convaincu de la pertinence de la méthode que vous avez apprise. Toutefois, saurez-vous la mettre en application au moment opportun? Avez-vous des habitudes qui vous empêchent de suivre les étapes correctement?

Comprendre rationnellement une nouvelle approche ne signifie pas qu’il sera facile de l’adopter. Voici pourquoi.

Les étapes essentielles pour changer

  1. Être conscient qu’un changement est nécessaire; cela peut être le résultat de prises de conscience, de rétroactions reçues, d’observations de vous-même et de l’incidence que vous avez sur les autres, etc.
  2. Identifier le nouveau comportement à adopter, de façon précise (grâce à des lectures, à des formations, à de l’observation, etc.).
  3. Jusque-là, c’est facile… mais cela ne suffit pas.
  4. Reconnaître l’instant où ce nouveau comportement est requis.
  5. Prendre la décision dans la seconde d’adopter le nouveau comportement.
  6. Constater les résultats.
  7. Identifier ce qui doit être amélioré la prochaine fois.
  8. Retourner au point 3.

 

Par conséquent, l’art de changer exige que vous ne vous arrêtiez pas à l’étape 2!

La source de vos comportements et de vos habitudes

Vous avez appris par l’expérience à réagir automatiquement à un grand nombre de déclencheurs. À force de pratique, vos réactions deviennent automatiques, encore plus si elles vous ont été utiles par le passé.

Remonter à la cause qui explique telle ou telle autre façon d’agir relève de la psychothérapie. Cependant, dans bien des cas, il n’est pas nécessaire d’identifier la cause passée de vos comportements pour vous améliorer.

Il est possible de changer en prenant conscience, dans le moment présent, d’un élément déclencheur, de l’automatisme qui est prêt à se manifester, et de décider de faire autrement à l’avenir.

Voyons plus en détail ce que cela implique :

  • Vos pensées sont la source de vos comportements.
  • Or, si certaines d’entre elles sont conscientes, un bon nombre échappent à votre attention et provoquent des automatismes ou des habitudes.

Les habitudes se manifestent de la façon suivante :

  1. D’abord, il y a un déclencheur.
  2. Ensuite, vous ressentez une réponse physique (tension, énergie, serrement, chaleur, etc.).
  3. Presque simultanément, vous éprouvez une réponse émotive (aversion, attachement, colère, anxiété, joie, excitation, etc.).
  4. Puis émerge une réponse mentale; une pensée qui interprète le déclencheur, pose un jugement et trouve une justification.
  5. En fin de compte, un comportement résulte de ces réponses qui sont générées en une fraction de seconde. Vos agissements sont alors observables.

Par conséquent, si vous ne prêtez pas suffisamment attention à chacune de ces étapes, vous répéterez sans cesse vos anciennes habitudes. Le cycle ne sera pas brisé.

Reprenons l’exemple de la délégation. On vous reproche – et vous le constatez également – de ne pas déléguer suffisamment les tâches; conséquemment, vous délaissez certaines de vos responsabilités, faute de temps. Vous avez donc suivi une formation sur le sujet; ainsi, les étapes 1 et 2 mentionnées précédemment sont cochées.

  • Or, un rapport d’analyse doit être produit pour vendredi, et vous voulez profiter de l’occasion pour pratiquer votre nouvelle façon de déléguer les tâches. Voilà un déclencheur.
  • Vous ressentez une tension musculaire à l’idée de déléguer quelque chose. Voilà une réponse physique.
  • Vous éprouvez à la fois de l’appréhension à imaginer qu’un de vos employés effectue le travail et de l’excitation à l’idée de faire l’analyse vous-même (vous êtes un expert, après tout!). Voilà votre réponse émotive.
  • Sachant que vous êtes le mieux placé pour produire le rapport à temps, vous décidez de ne pas déléguer cette tâche. Voilà votre réponse mentale et le comportement qui en résulte.
  • Résultat : vous avez manqué l’occasion de mettre en pratique ce que vous avez appris lors de votre formation (et de développer les compétences d’un employé!).

Tant que vous ne prêterez pas attention aux pièges qui vous guettent, vous répéterez les mêmes comportements.

Que faire, alors?

Développer votre capacité d’attention

Sachez que la capacité d’attention du cerveau humain est naturellement limitée. Vous est-il déjà arrivé d’être à ce point captivé par une activité qui vous passionne que vous n’avez même pas entendu votre enfant qui vous appelait? Ou encore d’être stressé par la prochaine réunion à un point tel que vous n’avez pas suivi la conversation qui se déroulait au moment présent?

Si votre attention est distraite par votre environnement, ou, au contraire, si elle est captivée par vos pensées ou vos émotions – ou encore par le stress que vous ressentez –, alors il est possible que vous soyez aveugle à ce qui se passe en vous et autour de vous.

Si vous manquez certains indices, votre capacité à comprendre ce qui se passe vraiment et à vous ajuster est loin d’être optimale. Les sources de distraction sont malheureusement nombreuses pour toute personne : la technologie, son environnement, ses pensées (fondées ou non), ses émotions, le stress…

Votre capacité d’attention est pourtant essentielle pour détecter un déclencheur et sentir monter en vous vos réponses physiques, émotives et mentales. Sans cela, vous ne pourrez pas changer de comportement; vous agirez de façon automatique.

En développant votre attention, vous pourrez éventuellement choisir d’agir différemment dès que le déclencheur se présente, avant que la chaîne des événements se reproduise. En effet, vous avez un pouvoir de veto.

La recherche en neurosciences a établi qu’il existe un espace de temps entre le moment où nous sommes conscients d’une décision et celui où nous entrons en action, comme le démontrent les travaux de David Rock et Linda Page[1].

En effet, ces deux professionnels ont observé en laboratoire qu’il existe un écart d’environ deux dixièmes de seconde entre la prise de conscience de l'impulsion qui nous pousse à agir et le passage à l'action.

La séquence des événements est la suivante :

  1. 0,5 seconde avant que nous posions un geste, les instruments de laboratoire enregistrent, dans notre cerveau, un état de préparation (inconscient);
  2.  0,2 seconde avant d’accomplir le geste, nous devenons conscients de l’impulsion qui nous fera entrer en action;
  3. à 0 seconde, nous passons à l’action.

Ainsi, il s’écoule 0,2 seconde entre le moment où nous prenons conscience d’une impulsion et celui où nous passons à l’action. C’est dans cet espace précis que nous pouvons décider de ne pas donner suite à notre habitude. C’est dans cet espace, donc, que nous pouvons de façon rationnelle opposer notre pouvoir de veto.

Si vous voulez générer un changement, considérez l’idée de vous observer AVANT d’essayer de changer. Prenez une semaine ou deux et notez chaque jour ce que vous avez observé.

Un exemple précis : vous aimeriez arrêter d’interrompre les gens.

Tous les jours, prenez quelques minutes pour vous rappeler quand vous avez interrompu une personne au cours de la journée.

  • Comment vous êtes-vous senti sur le coup?
  • Qu’avez-vous pensé à ce moment précis?
  • Quelle incidence cela a-t-il eue sur votre interlocuteur?

Vous vous rendez bientôt compte, dans l’instant présent, que vous venez encore d’interrompre votre interlocuteur. Eh oui : encore une fois, hélas! Puis vous continuez d’en faire le bilan dans votre journal.

Après quelques jours, vous observez peut-être cette excitation qui surgit en vous lorsque vous vous apprêtez à interrompre quelqu’un. Vous cédez à la tentation, mais vous avez tout à coup pris conscience de la sensation physique qui se manifeste juste avant que vous coupiez la parole à quelqu’un. Une information essentielle pour vous améliorer!

Au fil du temps, vous savez détecter votre excitation, et vous vous rappelez que vous devez écouter sans interrompre. Vous prenez une grande respiration, vous relaxez… et vous écoutez. Vous avez réussi; bravo!

Avec la pratique, ce comportement deviendra votre nouvelle normalité, un automatisme bienveillant qui vous réjouira!

Et si vous désirez cultiver davantage votre capacité d’attention au moment présent, alors considérez adopter une pratique de la pleine conscience (mindfulness en anglais). En effet, il a été démontré scientifiquement – et à de nombreuses reprises – que les approches associées à la pleine conscience permettent (et ont essentiellement pour but premier) de développer la capacité d’attention de l’humain. La méditation, le yoga et le taï-chi n’en sont que quelques exemples. Étrangement, dans notre société, l’exercice physique est hautement encouragé, sans insister toutefois sur l’importance et l’utilité d’entraîner le cerveau – qui est pourtant l’organe le plus important du corps!

À vous de découvrir la voie qui vous inspire!

À retenir

  • Trop de changements à la fois s’avèrent impossibles à réaliser, car cela exige une capacité d’attention soutenue en tout temps. Or, notre capacité d’attention est limitée.
  • Prenez le temps de vous observer, avant même de penser changer. Car même si vous savez quoi faire dorénavant, si vous n’arrivez pas à le mettre en application au moment opportun, vous ne ferez pas de progrès.
  • Soyez conscient de vos comportements et de l’incidence de ceux-ci.
  • Pratiquez votre capacité à vous observer et à exercer votre pouvoir de veto.
  • Procédez par étapes.
  • Faites des progrès; ne visez pas la perfection!

Référence

[1] ROCK, David et Lind J. PAGE, Coaching With the Brain in Mind, Hoboken, John Wiley & Sons, 2009.