Article publié dans l'édition été 2016 de Gestion

Chaque jour, il nous faut décider de petites choses (courrier ou courriel ?) ou faire de grands choix (accepter ou refuser ce mandat ?). Plus la situation est complexe, l’environnement incertain ou l’enjeu élevé, et plus les erreurs de jugement sont susceptibles de survenir. Bonne nouvelle : mieux structurer son travail favoriserait les bons choix. Observations et conseils de John Beshears et Francesca Gino, auteurs de l’article « Leaders : devenez des architectes décisionnels » dans l’édition avril-mai 2016 de la Harvard Business Review. 

Les biais mentaux à éviter

Bien malgré nous, nos décisions ne reflètent pas toujours nos intérêts. Alors que nous pensons choisir pour de bonnes raisons ou des motifs sérieux, nos décisions sont souvent le jouet de biais cognitifs. Parmi les principaux biais qui affectent notre lucidité de décision, les auteurs citent les « biais liés à l’action » (optimisme excessif ou excès de confiance) ; les « biais liés à la perception et au jugement » (poids accordé à ce qui valide notre opinion : perception et interprétation sélectives des faits) ; les « biais liés à l’élaboration de solutions de rechange » (évitement du risque, rejet de l’idée d’échec, illusion de contrôle, focalisation sur les coûts) ; les « biais de stabilité » (préférence pour le statu quo, les effets immédiats). C’est sans compter certaines erreurs facilement évitables : sous-estimer le temps nécessaire à l’exécution d’une tâche, négliger ou ignorer les informations qui révèlent une faille dans la planification ou ne pas tirer profit des avantages sociaux qui pourront favoriser ses propres intérêts. Enfin, le manque de motivation nuit à la prise de décision.


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Modifier son environnement plutôt que son cerveau !

Les causes étant identifiées, il serait tentant de sauter à la conclusion : reprogrammons notre cerveau ! Après des recherches dans des secteurs très divers, les auteurs penchent plutôt vers les avantages consistant à modifier l’environnement de choix vers le fonctionnement de notre esprit. C’est ainsi que le fait d’introduire l’« incitation douce » (le nudge, ou la méthode douce pour inspirer la bonne décision) peut orienter certaines décisions. La manière dont l’information ou l’ordre dans lequel les options sont présentées peuvent stimuler les décisions. Un exemple ? Pour inciter les employés à souscrire à un plan d’épargne retraite volontaire, il est plus efficace de les affilier par défaut (automatiquement) que de les inciter à une action volontaire.

Les outils de l’architecture du choix

Privilégier un choix réfléchi pour une décision émotionnelle est une question de méthode et de leviers. Sur le plan de la méthode, on évite les choix peu judicieux en favorisant un nouveau traitement de l’information : réfléchi, analytique, délibéré. Sur le plan des leviers, les outils de l’architecture du choix s’appuient sur un processus décisionnel efficace. Exemples : on privilégie l’évaluation collective aux évaluations individuelles. On favorise la réflexion en introduisant un temps de méditation dans la journée de travail. On augmente la responsabilité en incitant à planifier son action. On ouvre son champ de choix possibles en se demandant : « que pourrais-je faire ? » au lieu de : « que devrais-je faire ? ». On encourage l’examen des preuves contraires pour évaluer une solution possible en connaissance de toute l’information disponible. Dernière étape : tester la solution afin de déterminer si elle atteindra ses objectifs.