S’il est souvent avancé que 50 à 90% des initiatives stratégiques échouent1, il est aussi aisé de constater que la plupart des plans ne semblent pas stratégiques2. Dès lors, pour remédier à ce phénomène, il va s’agir de revenir sur une base simple et saine. La gestion axée sur résultats (GAR), si elle est bien comprise et appliquée, fournit le socle nécessaire à cette cohérence qui semble faire défaut.

Aujourd’hui, les plans stratégiques ressemblent plus à des vecteurs de communication qu’à des documents de travail. Une fois les graphismes oubliés, les pages de présentations enlevées, l’essentiel est absent – à savoir, l’emploi des moyens (ressources humaines, financières ou matérielles), la coordination des actions (définies selon les directions) et un séquencement. Seuls restent des objectifs, parfois quantifiés, qui peuvent alors sembler un peu abstraits.

Comprendre la méthode : la gestion axée sur résultats

Une stratégie n’est autre que l’art de coordonner des actions pour atteindre un but. En d’autres mots, il s’agit du chemin à suivre pour atteindre la finalité recherchée. Aussi, il convient de s’intéresser d’abord aux mécanismes de la GAR avant de revenir à la stratégie. En particulier, trois types de résultats sont définis – ici légèrement adaptés :

  • l’effet final recherché qui est l’objectif ultime de votre entreprise en fin de stratégie,
  • les résultats intermédiaires correspondants aux objectifs de vos opérations et
  • les résultats immédiats qui sont la résultante de vos actions.

Il est à noter l’emploi du singulier sur le premier item. Il est volontaire pour éviter la dispersion des ressources, de l’attention et ne pas engendrer des risques inutiles. Ainsi présentés, les résultats sont liés à une notion de temps, de niveau hiérarchique et une imbrication semble se dessiner. Le plan stratégique va donc décrire la transition entre l’entreprise aujourd’hui et celle recherchée. De celui-ci découleront plusieurs plans d’opérations qui se déclineront en plans d’action.


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Concevoir un véritable plan stratégique

Bâtir un plan stratégique est l’étape essentielle qui conditionnera les 3 à 5 prochaines années de votre entreprise. Sa conception doit donc être très rigoureuse. Définir l’état final recherché est l’étape la plus simple. Il faudra veiller à y adjoindre des critères de succès – il s’agit d’indicateurs objectifs et mesurables. L’analyse débute à cette étape : comment en partant de la situation actuelle, l’entreprise va se rendre à celle de demain ?

À la place de résoudre ce problème complexe, il est plus judicieux de le scinder en plusieurs problèmes simples (analyse par domaine), l’important étant de revenir au bon niveau en mutualisant l’ensemble des analyses. Par exemple, les ressources humaines vont étudier le problème avec leur vision, les finances vont traiter l’aspect budgétaire, les directions auront chacune un regard différent... Maintenant que le problème a été étudié dans un cadre idéal, il convient de le replacer dans un contexte réel : votre entreprise comporte des faiblesses et des risques, la concurrence ne vous laissera pas déployer vos actions sans réagir. De tous ces éléments, des points décisifs vont se dégager : ce seront vos résultats intermédiaires tels que décrits plus haut. Ils serviront alors de route à suivre pour atteindre l’unique objectif stratégique.

Il ne reste qu’à les ordonner : les regrouper suivant des axes, trois en général, et les situer chronologiquement ; un séquencement qui correspond à la succession de vos plans d’affaires est l’idéal pour un suivi simple et efficace. Un plan a ainsi été bâti. Pour qu’il devienne réellement stratégique, il reste à définir pour chaque point décisif quels vont être les ressources mises à disposition et les effets (ensemble de tâches) à produire par les directions ou secteurs. Ces derniers éléments vont alors assurer une continuité des actions dans le temps.

Assurer une bonne mise en œuvre d’un tel plan

Ainsi bâti, le plan stratégique va dresser la liste des points à relier en vue d’atteindre l’objectif final. Il est également suffisamment souple pour permettre des adaptations entre les étapes décisives. Il restera alors à décliner ce plan en plans d’affaires, qui viseront à atteindre des résultats intermédiaires, puis en plans d’action.

S’il est plus délicat de traiter de la mise en œuvre qui peut revêtir tellement d’aspects différents, il est néanmoins possible d’en extraire quelques principes simples à appliquer :

  • exiger des plans d’action et vérifier leur corrélation avec la stratégie de l’entreprise. Cela permettra de saisir le degré de compréhension des différents directeurs,
  • vérifier que les ressources mises à disposition (humaines, matérielles, financières) soient utilisées à bon escient. C’est un des principes de la GAR : responsabiliser les gestionnaires,
  • maintenir des comités de suivi réguliers afin de s’assurer qu’il n’existe pas de non-dits et que tout est bien compris et avance,
  • constituer une réserve et ne jamais distribuer l’ensemble des ressources. Planifier une stratégie qui impose une utilisation de toutes les ressources à 100% est voué à l’échec. Garder une souplesse permet de pouvoir faire des efforts particuliers selon les aléas,
  • donner du sens à la contribution de chaque employé. Les différents gestionnaires, s’appuyant sur la hiérarchie des plans (stratégique, affaires, actions), sur les fiches de tâches, sur la position de son équipe au sein de l’entreprise, doivent pouvoir sentir quelle part ils apportent à l’ensemble. De ce constat, ils doivent expliquer, en qualité de superviseurs, comment leurs subordonnés contribuent au grand projet – il s’agit de valoriser le travail et faire converger les efforts, et
  • se doter d’un tableau de bord performant, alliant suivi stratégique et santé de l’entreprise. Atteindre les résultats au détriment de ses ressources humaines, matérielles ou financières serait un jeu dangereux.

Ce dernier point est primordial : il est de la responsabilité de chaque dirigeant de remplir les objectifs fixés cependant, il est aussi le garant de la viabilité de l’organisation. Si cette dernière a été tellement éprouvée qu’il lui faudra un autre plan stratégique avant de redevenir compétitive, alors cette gestion peut être considérée comme un échec.


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Garder une mémoire du passé pour améliorer les choses à l’avenir

C’est le but de tout bilan : connaître le résultat concret de nos actions selon divers paramètres. En rester à ce stade ne sera pas productif, mais en tirer des conclusions sur l’utilisation des ressources, comprendre ce qui a ou n’a pas fonctionné, imaginer comment faire mieux, voilà des pistes de réflexion qui nourriront l’entreprise. Avec de telles expériences, elle deviendra plus forte et plus résiliente.


1 Cândido, C., & Santos, S. (2015). Strategy implementation: What is the failure rate? Journal of Management & Organization, 21(2), 237-262. doi:10.1017/jmo.2014.77.

2 Kenny, G. (2018). Your Strategic Plans Probably Aren’t Strategic, or Even Plans. Harvard Business Revue.