Comment les entreprises, même de petite taille, peuvent-elles contribuer à l’amélioration de la santé mentale de leurs employés et, du même coup, réduire les demandes d’indemnisation auprès des compagnies d’assurances ? Voici des pistes, trop rentables pour qu’on n’en tienne pas compte.

L’étude Salveo réalisée de 2009 à 2015 à l’Institut de recherche en santé publique de l’Université de Montréal permet d’apporter des éléments de réponse aux questions portant sur la santé mentale en entreprise. Elle a en effet confirmé l’efficacité de certaines pratiques de gestion, notamment en matière de définition et de révision des tâches. Le contrôle des exigences, l’équilibre travail-famille ainsi que l’accès à des activités physiques en constituent aussi des éléments importants.

Les pratiques les plus efficaces

Afin de définir les meilleures méthodes, les chercheurs de l’étude Salveo ont examiné les pratiques de gestion adoptées par 63 organisations, dont 2 162 employés ont rempli des questionnaires portant sur leur travail et sur les problèmes de santé mentale. En parallèle, ils y ont relevé le nombre de demandes d’indemnisation sur une période de trois ans en raison d’absences attribuables à des problèmes de santé mentale. Les diverses pratiques de gestion ont été regroupées dans les trois catégories suivantes :

  • pratiques générales de communication à l’intérieur des organisations (distribution de dépliants, campagnes de sensibilisation et de publicité visant à réduire le stress) ; 
  • pratiques portant sur les conditions de travail ; 
  • pratiques portant sur les choix individuels.

Le tableau ci-contre indique la probabilité relative de parvenir à réduire les demandes d’indemnisation pour des problèmes de santé mentale dans deux groupes distincts, c’est-à-dire l’un ayant adopté une pratique de gestion particulière et l’autre pas.

Les pratiques de gestion associées à la réduction des demandes d’indemnisation pour des problèmes de santé mentale

On a pu observer que certaines pratiques favorisaient, à divers degrés, la réduction des demandes d’indemnisation pour des problèmes de santé mentale. Ainsi, on a pu déterminer que les pratiques de gestion générales, notamment celles portant sur les communications à large diffusion, n’ont pas d’effet significatif durable.

Par ailleurs, lorsque des pratiques concernant la définition des tâches (fondées notamment sur les compétences et les centres d’intérêt des employés) étaient en vigueur, les organisations avaient 6,8 fois plus de chances d’avoir un faible taux de demandes d’indemnisation par rapport aux organisations qui n’avaient pas de telles pratiques. Les mesures liées aux exigences de travail (par exemple le contrôle de la charge de travail) correspondaient à des chances 1,8 fois plus élevées de faible taux de demandes d’indemnisation, tandis que celles reposant sur un système de gratifications pertinent et juste (en ce qui concerne notamment les perspectives de carrière) avaient 2,8 plus de chances de faire baisser le nombre de demandes.

Certaines pratiques s’adressant aux individus ont aussi des effets bénéfiques. C’est notamment le cas des mesures favorisant l’équilibre travail-famille (3,3 fois plus de chances de faible taux de demandes d’indemnisation) et des activités physiques facilitées par l’organisation (2,2 fois plus de chances de faible taux d’indemnisation).

Toutefois, les pratiques associées à une meilleure nutrition, à l’état de santé en général et à la gestion du stress ne semblent pas avoir d’effet réducteur sur les demandes d’indemnisation. Cela signifie non pas qu’elles n’ont pas d’effet sur la santé mentale mais qu’elles ne semblent pas influer sur la fréquence des demandes d’indemnisation.

Les styles de gestion ne sont pas tous équivalents

Les pratiques destinées à l’amélioration de la santé et du bien-être en milieu de travail font partie de la gestion quotidienne de toute organisation. Il devient dès lors important de mesurer l’efficacité des différents styles de gestion.

L’étude Salveo a permis d’examiner les styles de gestion à l’aide d’un questionnaire qu’ont rempli deux cadres supérieurs de chacune des organisations visitées. Trois profils de gestion se distinguent : 1- un profil de gestion caractérisé par le laisser-faire (ou à planification restreinte) ; 2- un profil partiellement intégré comprenant la coordination de certaines fonctions de gestion et quelques activités de prévention en matière de santé ; 3- un profil de gestion intégré comprenant la planification intégrée de toutes les fonctions, y compris les activités de santé et de bien-être au travail.

Dans le tableau ci-contre, nous avons indiqué en vert les pratiques de gestion qui sont appliquées pour chaque style de gestion, alors que celles qui ne le sont pas apparaissent en rouge.

Les profils de pratiques de gestion

On remarque ainsi que dans le profil de gestion de type « laisser-faire », toutes les pratiques énumérées précédemment sont absentes. Dans le cas du deuxième profil de gestion, soit celui à intégration partielle, on trouve les pratiques permettant un meilleur contrôle des exigences au travail, la promotion de meilleures relations sociales, un meilleur système de gratifications et un meilleur équilibre travail-famille. Et en ce qui concerne le profil comportant une grande intégration des pratiques de gestion, on a noté que les organisations intégraient également les meilleures pratiques en matière de définition des tâches, de promotion de la nutrition et d’activités physiques.

Quel profil de gestion a-t-il une influence sur les demandes d’indemnisation pour des problèmes de santé mentale ? Les résultats obtenus indiquent que seul le profil caractérisé par une gestion intégrée est associé à des réductionssignificatives. Des pratiques portant sur la définition des tâches apparaissent comme une variable déterminante puisqu’elles regroupent des éléments comme l’autonomie décisionnelle et la participation directe des employés dans la définition des tâches, la cadence du travail et les façons d’exécuter les tâches. Il s’agit donc de mettre en œuvre des pratiques de gestion préventives qui soient cohérentes et bien intégrées aux activités de production habituelles.

La réussite des petites organisations

Quelles sont les organisations qui se caractérisent à la fois par une gestion intégrée et par le recours à des pratiques plus déterminantes (définition des tâches, contrôle des exigences, activité physique, réduction des conflits travail-famille, etc.) ? Il serait tentant de croire que seules de grandes entreprises bien établies, possédant des programmes structurés et bénéficiant de ressources considérables auraient de telles caractéristiques. C’est pourtant loin d’être le cas.

Dans l’étude Salveo, on a relevé que six entreprises se distinguent à la fois par des demandes d’indemnisation moins nombreuses et par l’utilisation de pratiques de gestion efficaces. Or, parmi ces six entreprises, cinq sont de petites et moyennes entreprises (trois petites et deux moyennes, plus précisément). Une seule était une grande entreprise comptant plus de 500 employés.

L’examen des pratiques de gestion montre que les petites et moyennes entreprises n’ont pas de programmes structurés et formels de santé et bien-être. Par contre, elles ont recours à plusieurs pratiques de gestion jugées efficaces, et ces pratiques correspondent à un profil de gestion intégré.

En somme, les pratiques de gestion en matière de santé et de bien-être sont à la portée des entreprises et des organisations quelle que soit leur taille. D’ailleurs, celles qui les adoptent bénéficient de réductions de leurs primes d’assurance et peuvent mieux contrôler la croissance des coûts dans ce domaine.