Pour la personne âgée que je suis, le résultat de la dernière élection de Montréal est principalement une manifestation de l’importante amélioration de la position relative des femmes dans la société. Comme tout phénomène démographique, les effets se font progressivement mais demeurent bien réels.

Lorsque j’étais dans la vingtaine, au milieu des années soixante, l’expression suivante était courante, « Qui prend mari, prend pays ». Aujourd’hui, cette expression soulèverait, au minimum, la risée. D’ailleurs, le mariage est devenu au Québec une institution minoritaire : seulement 29,2% des Québécois se marieraient au moins une fois avant cinquante ans si les taux de nuptialité de 2016 se poursuivaient.

Les indicateurs du progrès relatif des femmes sont nombreux. Il est utile d’en donner des illustrations.

La féminisation de la médecine

La médecine est un secteur où la féminisation des effectifs fut rapide. Selon les données de l’Institut canadien d’information sur la santé, en 1979, un médecin sur neuf au Québec était féminin contre près de la moitié, soit 48,1% en 2016 (40,6 au Canada). La situation est encore plus marquée pour les médecins moins de quarante ans : les femmes médecins représentent 64,1% des effectifs (54,0 au Canada).

Le succès relatif des femmes en éducation

La publication Indicateurs de l’éducation. Édition 2013 résume les importants progrès et la domination relative des femmes au niveau postsecondaire. En voici deux extraits :

  • Sur l’obtention des diplômes universitaires :

Quant à l’obtention d’un baccalauréat, la situation relative des sexes s’est modifiée profondément depuis 1976, alors que le taux d’obtention d’un baccalauréat était de 13.1 % chez les femmes et de 16.7 % chez les hommes. C’est en 1983 que les taux des deux groupes se sont rejoints. Depuis ce temps, la progression s’est poursuivie à l’avantage des femmes et, en 2011, les taux atteignaient 40,8 % chez les femmes et 25.9 % chez les hommes. Les gains chez les femmes, depuis 1976, sont donc de 27.7 points, contre 9,2 points chez les hommes. (p.114)

  • Sur l’accès aux études collégiales :

En 2011-2012, la proportion de jeunes Québécois et Québécoises qui atteignaient l’enseignement ordinaire au collégial se situait à 63,9 %. L’accès à l’enseignement collégial ordinaire a donc connu une hausse de 24,6 points depuis 1975-1976… L’écart n’a cessé de se creuser entre les femmes et les hommes depuis le milieu des années 1970, pour atteindre 19.2 points en faveur des femmes en 2011-2012 alors qu’il était inférieur à 1 point en 1975-1976. (p. 60)

Qu’en est-il du décrochage annuel aux écoles secondaires ? Selon un bulletin statistique du ministère de l’Éducation, même si l’écart se réduit légèrement entre garçons et filles, le décrochage annuel reste encore majoritairement l’affaire des garçons, qui représentaient environ trois décrocheurs sur cinq en 2011-2012. En 2006-2007, le taux annuel de décrochage chez les garçons était de 26,0 %. Il s’est abaissé à 19,8 % en 2011-2012. Chez les filles, ces taux sont respectivement de 15,6 % et de 12,9 %. (p. 5).

La société privilégie le savoir. Grâce à la machinerie et l’équipement, la force humaine brute est de moins en moins importante et la production des biens exige d’ailleurs peu de main-d’œuvre sur le plancher.

Dans le passé, les gens étaient payés pour brûler des calories ; aujourd’hui, ils doivent engager des frais pour le faire. Dans toutes les activités, le capital humain prend de plus en plus de place et la performance relative des femmes en éducation les favorise.

Le taux de chômage selon le sexe

La détérioration de la situation relative des hommes se reflète aussi dans les taux de chômage au Québec. La situation se résume ainsi : avant 1982, le taux de chômage des femmes dépassait appréciablement celui des hommes pour être assez comparable entre 1982 et 1991. Depuis cette date, le taux de chômage des hommes est plus élevé que celui des femmes et l’écart est substantiel : entre 2008 et 2015, l’écart moyen fut de 2,1 unités de pourcentage par rapport à un taux moyen de chômage pour les femmes de 6,7 %.

Femmes gagnant davantage que leur partenaire

Au Canada, en 1976, environ 12% des femmes dans les familles comptant deux soutiens gagnaient plus que leur compagnon. En 2011, cette proportion avait augmenté de 150%, atteignant 30%. Quelle sera-t-elle dans vingt ans ?

Conclusion

Les données ne mentent pas : l’avenir favorise le sexe féminin même si les femmes continuent de consacrer plus de temps aux enfants et aux travaux domestiques. Les effets se produisent sur une longue période à mesure que les générations vieillissent ou disparaissent.