Plutôt d'attendre que les dons viennent à elles, les organisations artistiques doivent prendre les devants!

En ce contexte économique de croissance plutôt timide, la lutte est féroce entre les nombreux et divers organismes philanthropiques afin de mettre la main sur les dons, qu'ils soient de nature individuelle ou institutionnelle. De fait, la taille du gâteau demeure sensiblement la même, mais les convives autour de la table sont nombreux, et d'autres s'ajoutent, avec un appétit fort variable! À la tablée de la philanthropie, tous ne sont pas égaux et certains semblent être servis les premiers, tandis que d'autres doivent attendre leur tour et se contenter des miettes...

C'est notamment le cas de la philanthropie dirigée vers le monde des arts qui, à cet égard, apparaît comme le parent pauvre en tel domaine. Comme nous le révélions dans un article publié récemment à ce sujet (lire « Donner : mode d'emploi au troisième millémaire »), les organisations artistiques ne reçoivent que la portion congrue des dons au Québec : seulement 3 % de ces derniers sont revenus dans les poches des organismes du secteur des arts et de la culture.

Une question de perspective?

Peut-être ces organismes culturels, dont la survie et le fonctionnement dépend en bonne partie de la générosité du grand public et des amoureux de l'art, doivent-ils dès lors s'interroger sur le sens et la portée de la relation philanthropique. Force est de reconnaître que celle-ci a peut-être été trop longtemps entrevue à sens unique, du donateur à l'organisme bénéficiaire, sans que l'on ne s'interroge trop sur le retour pour le premier, outre le reçu d'impôt froid et impersonnel. Une manière toute marchande de dire merci, en somme...

L'acte philanthropique doit davantage tabler sur l'émotion, sur l'attachement du philanthrope à l'organisme et à l'art dont il est le véhicule. En somme, il doit muter, passer de l'acte à la relation philanthropique, ce qui sous-entend bien évidemment l'établissement d'un lien à double sens. De fait, si le philanthrope donne, l'organisme doit également donner en retour. Et c'est à ce titre que pourront se forger les prémices d'une relation forte et durable entre les deux.

Un exemple parmi d'autres, la station de musique Silver Memories, basée dans la ville australienne de Brisbane. Le diffuseur, une initiative de la Music Broadcasting Society of Queensland, une organisation philanthropique se consacrant à la diffusion de la musique, a mis sur pied Silver Memories qui, comme son nom le laisse peut-être entendre, met en ondes de la musique des années d'avant-guerre et d'après-guerre, à l'intention des résidences pour personnes âgées. Silver Memories est ainsi relayée par satellite et les résidences peuvent s'abonner au service, pour un montant variant entre 1 500 et 2 000 dollars australiens (les mêmes montants en dollars canadiens). D'une part, la Music Broadcasting Society of Queensland peut ainsi financer sen partie ses activités et, d'autre part, la musique ainsi diffusée apporte des bienfaits indéniables aux résidents de ces établissements, notamment au chapitre de la qualité de vie, comme le signale Matthew Westwood, dans son article publié sur le site Internet du journal The Australian (lire « Silver Memories with sound benefits for dementia sufferers »). Une relation gagnant-gagnant, quoi!

Aller à la rencontre du donateur et développer une relation bidirectionnelle avec ce dernier suppose probablement, pour les organisations culturelles qui désirent s'engager dans cette voie, l'adoption d'une attitude davantage entrepreneuriale, comme celle mise de l'avant par la Music Broadcasting Society of Queensland avec Silver Memories. Et peut-être, paraphrasant le président John F. Kennedy, aussi se demander non pas ce que les philanthropes peuvent faire pour elles, mais ce qu'elles peuvent faire pour les philanthropes. Et ce n'est ni le talent, ni les idées qui manquent!