Article publié dans l'édition Automne 2019 de Gestion

Depuis l’avènement du Web 2.0 s’est développé le marketing participatif que l’on peut définir comme « un ensemble de techniques visant à impliquer les consommateurs dans la définition et la diffusion de l’offre de l’entreprise1 ».

Ces techniques font intervenir de manière active, volontaire et consciente des consommateurs dans la conception et la mise en œuvre du marketing de l’entreprise2. Cette approche modifie en profondeur les relations entre l’entreprise et le consommateur, qui est promu au rang de partenaire, voire considéré comme une extension de son service du marketing.


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L’arrivée du Web 2.0 est le véritable détonateur du marketing participatif. On peut y voir quatre raisons3 :

  • Conjuguée avec la démocratisation des outils numériques, l’émergence du Web 2.0 permet aux internautes de produire des contenus élaborés qui étaient auparavant l’apanage de professionnels, suscitant l’émergence des pro-ams (de « professionnels » et « amateurs »), une nouvelle catégorie d’acteurs qui se distinguent par leurs connaissances, leur niveau de scolarité élevé, leur engagement et le fait qu’ils sont connectés et mènent leurs activités d’amateurs avec l’exigence de professionnels4. Puisque les internautes ont le désir de créer du contenu et de l’exposer, l’entreprise a tout intérêt à les encourager à le faire en sa faveur.
  • Le consommateur a étendu son pouvoir sur les marques. Il peut discourir à son aise, faire état sur une grande échelle de son éventuel mécontentement et donner plus de retentissement à des opérations de détournement. Ainsi, en 2008, 10 % des publicités présentes sur YouTube émanaient d’internautes5. Le marketing participatif per- met de prendre en compte et d’accompagner ce phénomène en déléguant du pouvoir au consommateur dans une perspective constructive.
  • L’essor du Web 2.0 a accentué le rejet du modèle de communication traditionnel. Pendant longtemps, la communication marketing a été pour l’essentiel de type push : verticale et unilatérale, elle était lancée et contrôlée par l’entreprise qui adressait à ses destinataires des messages qu’ils n’avaient pas sollicités. À l’ère du Web 2.0, qui permet à tous d’être potentiellement émetteurs, les communications unilatérales apparaissent de plus en plus anachroniques6. Le marketing participatif permet de communiquer avec le consommateur sur un mode plus conversationnel et dans un climat de proximité et de connivence.
  • Le Web 2.0 a généré une multitude de communautés fédérées autour d’une passion commune. Ces consommateurs passionnés et souvent créatifs constituent des gisements de contributeurs à des opérations participatives.

Si le marketing participatif peut être mis en œuvre à différents stades (la conception et la sélection de produits nouveaux et de designs, la détermination des prix, la vente, le service après-vente, etc.)7, le champ de la communication publicitaire est sa terre d’élection, et l’on ne compte plus les opérations qui visent à faire créer des messages par les consommateurs, à faire apparaître ces derniers dans les messages ou, plus sommairement, à leur demander de voter pour départager des projets publicitaires.

Il est important de comprendre ce phénomène ample et multiforme afin de mieux juger de l’intérêt qu’il peut présenter pour une organisation. En d’autres termes, il s’agit de répondre aux questions : pourquoi s’engager dans une opération publicitaire participative et comment le faire de manière efficace ? Tel est l’objet de cet article, qui s’appuie sur les rares travaux universitaires conduits sur le sujet, sur les analyses des praticiens et sur des exemples variés d’opérations publicitaires participatives.

Il est structuré en quatre parties. La première partie porte sur les différentes formes que peut revêtir une opération publicitaire participative. La deuxième partie traite des avantages qu’une organisation peut retirer d’une telle opération. La troisième partie met en évidence les risques et les limites de ces opérations. Enfin, la quatrième partie est consacrée aux conditions de succès d’une telle démarche.

Sous quelles formes les consommateurs peuvent-ils participer à la publicité ?

L’analyse des pratiques permet de relever quatre types d’opérations publicitaires participatives8 : les jurys de consommateurs, les castings participatifs, les concours de création publicitaire sans intermédiaire et les concours de création publicitaire à travers les plateformes créatives. Toutefois, ces différentes formes peuvent se conjuguer. Les marques font ainsi couramment appel à des jurys pour départager les publicités créées dans des concours et les castings participatifs se combinent parfois avec la création de messages où le consommateur doit se mettre en scène.

Les jurys de consommateurs

Dans le cas des jurys, les consommateurs participent simplement en tant que jurés pour départager des projets. Un exemple bien connu est celui de Nespresso, qui a invité à plusieurs reprises les membres de son club à choisir entre deux fins possibles pour un message publicitaire mettant en vedette George Clooney. Il s’agit d’une option simple et sans risque, mais qui ne permet aucunement de tirer parti du potentiel créatif des consommateurs.

Les castings participatifs

Le concours a pour objet de faire apparaître un ou plusieurs consommateurs dans la communication de la marque, qu’il s’agisse de supports médias (affichage, presse, etc.) ou hors médias (emballages, catalogues, etc.). Par exemple, United Colors of Benetton a organisé le concours It’s My Time en 2010 pour sélectionner 20 personnes destinées à apparaître dans sa campagne publicitaire automne-hiver. Le concours a suscité un énorme engouement en attirant 60 000 participants de 217 pays. Une opération particulièrement originale a été menée au Canada par Danone (voir l’encadré 1).

Le casting peut aussi porter sur des animaux domestiques, voire sur des objets familiers (par exemple, la marque Brandt a organisé en France un concours de doudous en 2005). Ces opérations sont délicates à mettre en œuvre, car l’individu met en jeu sa propre personne ou encore des êtres ou des objets qui lui sont chers.

Les concours de création publicitaire sans intermédiaire

Cette option plus ambitieuse est également plus répandue. La marque lance un appel à création sous la forme d’un concours doté. On se trouve là pleinement dans le cadre de l’externalisation ouverte (crowdsourcing), « acte par lequel une entreprise ou une institution externalise une fonction préalablement assumée par des salariés vers un réseau indéfini (et le plus souvent large) de personnes sous la forme d’un appel ouvert9 ».

L’entreprise propose à une population d’internautes une tâche réalisée ou réalisable à l’interne (ou chez des partenaires), en offrant en général une rémunération à la personne ou aux personnes qui l’auront le mieux réalisée. Si la « foule » des contributeurs est souvent limitée (quelques centaines en général), le processus de sélection des propositions fait habituellement intervenir un grand nombre d’internautes, qui sont invités à voter et éventuellement à commenter les propositions, voire à assumer d’autres tâches pour populariser l’opération (partager les contenus, parrainer d’autres votants, etc.).

Ces concours peuvent être ouverts à tous ou à un segment particulier (ainsi, Renault s’est adressée aux collégiens français avec son concours sur la sécurité routière Tes idées à l’affiche !, qui a connu huit éditions). Ils ne se conforment pas à un modèle unique, et l’on peut distinguer trois variantes selon le degré de liberté laissé au participant :

  • La carte blanche. L’internaute a quasiment toute latitude pour proposer le message de son choix. Ainsi, lors de la campagne Converse Brand Democracy en 2005, les seules directives étaient qu’il soit question de la marque et qu’un format de 24 secondes soit respecté. Cette option simple s’avère aussi la plus risquée, car les propositions risquent de se révéler impossibles à diffuser. Elle est surtout envisageable pour les marques populaires, lorsque le concours est bien doté et que l’on peut compter sur un grand nombre de contributeurs. La marque de chips mexicaines Doritos impose ainsi fort peu de règles pour son concours annuel10 : « Faites en sorte qu’il y ait de l’action ! Soyez drôle ! Proposez quelque chose que vous n’avez jamais vu ! C’est à vous de jouer ! Il suffit de faire quelque chose de remarquable ! » Le message doit également faire apparaître le produit et éviter les conte- nus qui ne seraient pas autorisés à la télévision aux heures de grande écoute. Encourager une expression libre garantit moins l’adéquation des contributions à la stratégie de la marque que la conception de messages inventifs, authentiques et crédibles11.
  • Le cahier des charges. L’entreprise précise ses orientations et évaluera les créations proposées à l’aune du respect de ces orientations. Le cahier des charges consiste en des instructions succinctes et quelques contraintes créatives (format, insertion du logo, etc.), mais les possibilités d’expression restent assez larges. L’opération menée par la Société de transport de Montréal en 2012-2013 en est un exemple simple, mais original (voir l’encadré 2).
  • Le cadre créatif. Dans le cas du cadre créatif, les orientations sont plus directives. L’annonceur peut suggérer un début de film, les participants étant invités à en imaginer la fin. Tel a été le cas de Doritos, qui, en 2011, a demandé aux Canadiens d’imaginer les 20 dernières secondes d’un message inachevé en faveur d’une des deux nouvelles variétés proposées par la marque et a recueilli 29 923 soumissions. On peut également demander de prolonger une série de messages en respectant l’« esprit saga ». On peut enfin demander de combiner différents éléments préétablis par l’annonceur ou son agence, ce qui en fait la variante publicitaire de la personnalisation de masse12. Par exemple, l’internaute peut être invité à choisir entre plusieurs décors et bandes-sons et à créer un slogan. Si le choix d’imposer un cadre créatif permet moins de tirer parti de l’inventivité et de la spontanéité du consommateur, il limite les contributions hors sujet et facilite la comparaison et l’évaluation des propositions. Il est aussi plus aisé de participer, même sans avoir un véritable talent créatif.

Les concours de création publicitaire à travers les plateformes créatives

La création peut être facilitée par l’intermédiaire de plateformes créatives, qui mettent en relation des marques et des créatifs en quête de reconnaissance, voire de revenus. On ne se trouve donc plus devant le grand public, mais devant une population composée essentiellement de professionnels (travailleurs indépendants, salariés à temps partiel ou complet, fondateurs de petites agences, etc.) ou de pro-ams (autodidactes, jeunes diplômés ayant du mal à trouver un emploi, etc.). L’appel n’étant pas ouvert à tous, on parle parfois d’externalisation communautaire (communitysourcing)13 pour désigner cette variante de l’externalisation ouverte (crowdsourcing). Un exemple intéressant est celui de l’opérateur Eyeka14.

Adossé à une vaste communauté créative de 250 000 créateurs de 155 pays, Eyeka propose un dispositif clés en main d’appels à création en intervenant sur le plan technique (une expertise dans la mise en œuvre des dispositifs), sur le plan du marketing (le ciblage des communautés pour obtenir des contributions de qualité, la vérification de la conformité au territoire de la marque) et sur le plan juridique. À la mi-juin 2013, Eyeka avait lancé 529 appels à création et recueilli plus de 71 000 contributions. La dotation est ordinairement comprise entre 5 000 et 15 000 euros. Le recours à une plateforme créative est un choix plus prudent, mais qui se fait au détriment de la dimension démocratique et ouverte de la démarche. On peut partiellement y remédier en faisant intervenir les internautes au moment du choix.

Quels sont les avantages potentiels de la publicité participative ?

Le marketing participatif n’a pas pour finalité de renforcer le pouvoir du consommateur en lui donnant la parole et en l’associant à la définition de l’offre. Les entreprises qui s’y engagent le font par mimétisme ou parce qu’elles croient que cette participation peut leur apporter certains bénéfices de marketing. La pluralité des bénéfices recherchés est attestée par l’étude menée en France en 2008 par La Poste/ CSA15, qui a mis en évidence six objectifs (développer l’interactivité avec le consommateur; renforcer la proximité avec la marque; optimiser les produits et les services et améliorer la pertinence des innovations; améliorer la notoriété et l’image; développer les ventes; renforcer l’animation événementielle ou promotionnelle).

À la suite d’entretiens menés avec 13 responsables d’opérations participatives, Reniou (2009) indique que les objectifs prioritaires relèvent principalement de la communication, comme la création d’effets viraux et la construction ou le renforcement d’une relation avec la marque. L’auteure constate que ce sont également les effets mis en exergue par les consommateurs qu’elle a consultés : ils se livrent à un bouche à oreille intense, avant et après leur participation, dans les conversations interpersonnelles ou sur Internet, et jugent que l’action participative a créé ou renforcé leur relation avec la marque. Il est possible, dans le cas des opérations publicitaires participatives, de dégager les avantages potentiels suivants pour l’entreprise.

Mieux connaître le consommateur

L’entreprise peut améliorer sa pertinence en matière de marketing grâce à une connaissance plus fine des consommateurs. Les concours de création publicitaire, surtout lorsque l’expression est peu contrainte, permettent de mieux comprendre l’univers de la marque. Les contenus générés par les utilisateurs (vidéos, photos, etc.) offrent en effet une vision souvent détaillée de la manière dont les consommateurs perçoivent la marque et vivent la relation avec elle. « Plus les individus se « dévoilent» en créant ou donnant leur avis, plus l’entreprise identifie leurs attentes, leurs envies16. »

Bénéficier de la créativité des consommateurs

Les opérations participatives permettent à l’entreprise d’accéder à une foule de talents disséminés. L’opération la plus populaire aux États-Unis, le concours publicitaire de Doritos, Crash the Super Bowl, a ainsi recueilli en 2012 pas moins de 6 100 soumissions17. Il est vrai que le Web 2.0 favorise l’expression créative des consommateurs et la multiplication des actions relevant du consumer made18. Chercher à bénéficier de la créativité des consommateurs peut également permettre de repérer des talents dans le public et de les recruter.

Créer du mouvement sur son site et sa page Facebook et développer sa base de données

Solliciter les internautes pour leur faire produire ou évaluer des contenus est un bon moyen de créer du mouvement sur son site, d’augmenter son nombre de fans sur Facebook et d’étoffer sa base de données en amenant les personnes à s’inscrire et à remplir des formulaires qui serviront au moment d’actions de recrutement de nouveaux consommateurs ou d’opérations relationnelles. Le levier viral est souvent actionné explicitement, les votants ou contributeurs étant incités à partager les contenus et à rechercher d’autres participants en activant leurs réseaux sociaux19.

Renforcer la relation avec la marque

Le principal axiome du marketing participatif est que la participation favorise l’adhésion à la décision prise, quelle que soit cette décision. Ce phénomène est appelé l’effet Hawthorne, du nom d’une ville proche de Chicago. C’est là que Mayo, en 1924, a mis en évidence le fait que donner aux salariés la possibilité de participer à des expérimentations sur les modifications de leurs conditions de travail augmentait systématiquement la productivité, quelle que soit la modification finalement adoptée.

Le simple fait de montrer aux personnes qu’on se préoccupe d’elles et qu’on les prend en compte les incite généralement à donner leur meilleur rendement au travail. Transposé dans les opérations participatives, cela signifie qu’un consommateur invité à participer à une opération organisée par la marque et à s’exprimer sera plus enclin à s’attacher à la marque et à faire preuve de fidélité qu’en l’absence de consultation, même si son éventuel point de vue n’a pas prévalu20. Par ailleurs, la fidélité à l’entreprise peut être spécifiquement encouragée par des opérations réservées aux clients identifiés ou inscrits dans un programme relationnel, comme dans le cas des opérations menées par Nespresso auprès de son club.

Bénéficier de retombées positives sur la notoriété et l’image

Les actions engagées pour promouvoir l’opération et en valoriser les résultats peuvent produire une forte exposition à la marque des publics ciblés, et tout particulièrement des participants effectifs. De plus, ces opérations créent souvent une rumeur (buzz) importante, parce qu’elles sont encore perçues comme originales, et sont de ce fait souvent puissamment relayées sur Internet et dans les autres médias. Cette effervescence peut permettre d’atteindre de larges publics. En outre, le fait de solliciter les consommateurs et de tenir compte de leurs propositions et avis rend la marque plus proche, plus chaleureuse, plus démocratique, plus « authentique».

En se lançant dans la publicité participative, l’entreprise leur laisse entendre qu’ils sont en quelque sorte copropriétaires de la marque. Enfin, les opérations participatives permettent encore aujourd’hui à une organisation d’être perçue comme novatrice et en phase avec son temps.

Améliorer les ventes

Les opérations de publicité participative peuvent également faciliter les ventes, notamment lorsqu’elles s’associent à un lancement de produit. On peut en effet favoriser le lance- ment en faisant participer les consommateurs potentiels, en générant un buzz et en suscitant un climat de sympathie et de connivence.

Réaliser des économies

Faire exécuter les publicités par des internautes peut être une source d’économies21. Selon certains praticiens, la publicité générée par le consommateur coûterait entre un quart et un tiers du coût d’une création classique22. Mais le rapport peut être plus avantageux. Ainsi, L’Oréal, en faisant appel à des internautes pour créer un message publicitaire pour une nouvelle marque d’ombre à paupières, a versé 1 000 $ au vainqueur, alors qu’une agence lui aurait coûté 150 000 $23. On ne peut toutefois se contenter de comparer les récompenses accordées avec la rémunération ou les honoraires que l’entreprise aurait dû payer, car ces récompenses ne résument pas l’ensemble des coûts internes et externes (voir, plus loin, la partie portant sur les conditions de succès d’une opération de publicité participative).

Les limites et les risques de la publicité participative

La publicité participative n’est pas une panacée et, avant de s’y engager, une organisation doit être pleinement consciente qu’elle présente des limites et des risques.

Une participation limitée et sélective

La proportion d’internautes qui participent à la création publicitaire est faible. Une loi empirique des médias participatifs est la règle du 1-9-90, selon laquelle 1 % des visiteurs créent quelque chose, 9 % votent ou s’expriment sur ce qui a été créé et 90 % consomment la création. Ces proportions, établies par Jacob Nielsen, un expert en conception de sites24, sont d’ailleurs souvent jugées optimistes. Ce constat s’applique aux actions de publicité participative et il est imprudent d’assimiler son marché aux participants.

Comme le souligne Dujarier (2008 : 133) : « N’importe qui ne peut se mettre à fabriquer des publicités, tourner des vidéos ou écrire des articles. Il faut une aisance technique et sociale qui n’a rien de naturellement distribuée : ces compétences sont socialement ordonnées et corrélées aux capitaux éducatifs et sociaux. En outre, les coproducteurs doivent pouvoir consacrer du temps à ces activités et donc bénéficier de conditions de vie et de travail propices. » En général, les contributeurs sont plutôt jeunes et ont du temps libre. Il s’agit aussi souvent de pro-ams, voire de professionnels. Rappelons que, pour élargir la population des participants et amplifier l’opération, on peut permettre l’intervention des internautes sur deux plans :

  • La contribution créative. Les participants sont peu nombreux (quelques centaines en général), mais cela dépend de la complexité de la création demandée (photographier son chien et concevoir un message ne nécessitent pas les mêmes compétences ni le même degré d’implication). Ils ne sont généralement pas représentatifs et, dans de très nombreux cas, ne sont même pas des clients de la marque.
  • La participation au processus de sélection. Il est possible de mobiliser à ce stade bien plus de personnes, ce qui permet de donner plus de retentissement à l’opération et de lui conférer un caractère plus « démocratique ». De même, il se peut fort bien que les participants à ce stade soient plus représentatifs.

Des résultats susceptibles d’être biaisés

Les choix des votants ne reflètent pas toujours les préférences des consommateurs du fait d’une mauvaise représentativité. Les votants peuvent aussi faire des choix qui ne sont pas les plus pertinents pour la marque25. Ainsi, la publicité préférée sera peut-être la plus originale, la plus décalée ou la plus amusante, mais pas nécessairement la plus en phase avec la stratégie de la marque, ni celle qui en optimise la mémorisation. Pour cette raison, la sélection finale est souvent confiée à un jury d’experts incluant des représentants de la marque.

Cela peut poser un problème de légitimité si l’opération est mal gérée ou mal expliquée (voir l’encadré 5). Les résultats peuvent également être biaisés en raison d’actions intempestives de candidats tentés de provoquer des votes factices ou de mobiliser des votants pour essayer de l’emporter. Il arrive aussi que les internautes se mobilisent autour d’un choix imprévu. C’est ainsi que la marque de savon norvégienne Lano, qui organise chaque année un casting pour trouver la photo d’un bébé à mettre sur l’emballage du savon Lano Kid, a vu les internautes placer largement en tête un enfant handicapé. La marque a décidé de jouer le jeu et d’entériner ce choix, ce qui était sans doute la solution la plus appropriée26.

Des risques d’actions défavorables à la marque

Dans le cas des marques contestées à cause de leurs pratiques sociales, environnementales ou économiques, il peut être imprudent d’inviter le public à produire des contenus publicitaires. Car des détracteurs peuvent saisir cette occasion pour créer des messages dénonçant les actions néfastes de la marque27. Les créations négatives sont d’autant plus préjudiciables que les plateformes d’échanges de vidéos peuvent relayer puissamment ces messages. Les annonceurs risquent donc de voir circuler de manière incontrôlée une multitude de créations contraires à leurs intérêts. Un exemple célèbre est celui de l’opération organisée en 2006 par Chevrolet pour le lancement du véhicule utilitaire sport Tahoe.

Une partie des contributions stigmatisaient l’entreprise pour son irresponsabilité écologique face à la menace du réchauffement climatique, et ces vidéos ont beaucoup circulé, notamment sur YouTube28. Mencarelli et Puhl (2009 : 73) en tirent la leçon suivante : « Internet a ceci d’imparable que le buzz marketing est beaucoup plus friand des communications non souhaitées que de celles plus attendues. Et le constat est rude pour Chevrolet, car plus de deux ans après cette tentative de co-promotion, des images de détournement de la Chevy Tahoe circulent encore sur Internet. »

Une qualité des contributions parfois insuffisante

Le contenu généré par les utilisateurs correspond à une adaptation de la loi de Sturgeon (1958), qui stipule que 90 % de ce qui est créé est mauvais. Cela signifie que 10 % ne l’est pas et qu’un plus petit pourcentage peut être exploité. Il faut donc s’attendre à un volume de déchets considérable, qui sera vraisemblablement déversé quand même sur la voie publique. La loi de Sturgeon implique un nombre élevé de contributions.


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Or, certains concours suscitent peu d’engouement. Ainsi, la société de vente de fleurs en ligne 1800 Flowers.com a organisé un concours de vidéos en 2008, juste avant la Saint-Valentin, et récolté seulement 14 soumissions29. La qualité des publicités proposées peut aussi ne pas être à la hauteur des attentes, et le fait pour une entreprise d’inviter les consommateurs à créer des messages peut en définitive s’avérer plus stressant, coûteux et consommateur de temps que si elle les réalise elle-même (voir l’encadré 3).

L’appel à un large public aboutit à une qualité moyenne des contributions fort médiocre, sans compter que l’entreprise peut devoir faire face à des problèmes juridiques (contenus illégaux ou protégés). C’est pour se prémunir contre ces risques que des entreprises ont recours à des opérateurs comme Eyeka.

Le risque d’une fuite de questions stratégiques vers la concurrence

Lorsqu’une entreprise décide d’exposer ses préoccupations publicitaires en divulguant des instructions de campagne, cela peut éclairer les entreprises rivales sur ses intentions. C’est pourquoi ce sont en général des opérations périphériques qui sont mises sur la place publique.

Une concurrence déloyale à l’égard des acteurs classiques de la publicité

La publicité participative est préjudiciable aux professionnels qui vivent de la création publicitaire (agences, réalisateurs, photographes, mannequins, etc.). Ce phénomène peut être mal vécu par les agences, car il contribue à créer des réflexes de recherche d’un coût bas chez les annonceurs et remet en question leur expertise30. L’externalisation, qu’elle soit ouverte ou communautaire, engendre en fait les mêmes problèmes que l’externalisation classique. Elle est perçue comme une concurrence déloyale et une forme pernicieuse de dumping social.

D’autant qu’Internet ne connaît pas de frontières. L’externalisation ouverte accélérerait la mondialisation du travail et la dislocation de l’économie en retirant un avantage des disparités entre les économies et en permettant ainsi aux entreprises d’accéder au capital intellectuel et au potentiel créatif partout, et notamment dans les pays où vivent des masses de professionnels surqualifiés et sous-employés (Russie, Chine, Inde, etc.)31. Se pose dès lors la question de la responsabilité sociale de l’entreprise qui a recours à cette méthode de marketing participatif.

L’accusation d’une exploitation des contributeurs

Les entreprises qui font appel à l’externalisation ouverte sont souvent accusées de capter de manière inique la valeur créée par les contributeurs. Cette critique n’est pas irrecevable, même si l’on peut objecter que la participation repose sur le volontariat et que l’argent n’en est pas la seule motivation. Comme l’indique Dujarier (2008 : 89) : « Il s’agit d’un modèle collaboratif dans lequel l’entreprise procède à une captation d’activités à valeur ajoutée, que le consommateur consent, éventuellement avec enthousiasme, à fournir gratuitement. Il travaille ici volontairement et bénévolement à créer de la valeur pour l’entreprise en lui offrant des informations, comportements, inventions, productions personnelles et même des œuvres. »

Les concours de création sont particulièrement stigmatisés, car seules les meilleures contributions sont récompensées par une dotation souvent dérisoire au regard des montants qu’il aurait fallu investir pour obtenir l’équivalent, et le travail de la masse des perdants n’est pas compensé. Certains auteurs soulignent à cet égard qu’on ne peut écarter à l’avenir le risque juridique d’une requalification de la prestation à l’origine gratuite en contrat de travail, avec une demande de rémunération et d’indemnités32. On pourrait, selon eux, assister à un phénomène comparable à celui qui a été constaté en France pour les émissions de téléréalité où des candidats ont été considérés comme des salariés de fait. On peut également parler d’exploitation lorsqu’on suggère qu’il est possible de dégager des revenus significatifs de son travail créatif ou d’en faire sa profession, car les exemples de réussite sont très rares.

Quant à la perspective de prouver ainsi ses capacités et de pouvoir accéder à un emploi, le paradoxe est que plus les participants sont nombreux, plus ils contribuent à externaliser les emplois qu’ils convoitent. Se pose enfin la question des droits d’auteur. Les professionnels (les photographes en particulier) dénoncent des pratiques qu’ils jugent illégales et qui ont pour effet de priver les auteurs de leurs pleins droits et de créer les conditions d’une concurrence déloyale. L’absence de cession des droits d’auteur à l’entreprise par le truchement d’un contrat formalisé pourrait d’ailleurs constituer une faille juridique33.

Les conditions de succès d’une opération de publicité participative

S’il est tentant de faire du marketing participatif pour donner le sentiment que l’on hume l’air du temps, il est impossible de se lancer à l’aveuglette dans une opération dont les risques, comme nous l’avons vu, ne sont pas négligeables. Il convient d’en définir clairement les objectifs et les cibles et de concevoir des opérations cohérentes.

Définir clairement les objectifs

La première étape consiste à déterminer les bénéfices de marketing escomptés (notoriété, image, relations qualifiées, ventes, etc.) en se demandant si l’action participative peut permettre de les atteindre plus efficacement qu’une action classique. Il faut aussi fixer les objectifs intermédiaires relatifs à l’opération : nombre de contributeurs, de propositions, de votants, et ainsi de suite.

Bien choisir sa cible

On observe une grande diversité dans la composition et la taille des cibles. Il peut s’agir du grand public, d’un segment sociodémographique (les jeunes, les enfants, etc.), des clients, des adhérents à un programme de fidélisation, des membres d’une communauté de marque ou des fans sur Facebook. Comme nous l’avons souligné, il est fréquent de distinguer deux cibles de participants : les contributeurs potentiels et les votants. L’entreprise devra atteindre la taille critique pour les deux cibles, afin de recevoir suffisamment de propositions de qualité et de donner une dimension démocratique à la démarche. Cela rend plus complexe l’opération, car les motivations et les incitations à prévoir pour les deux populations sont en général distinctes.

Définir la nature et la philosophie de l’opération

Plus la cible des contributeurs est large, plus le degré d’implication à l’égard du produit est faible, et plus la simplicité doit être privilégiée (par exemple, un vote pour départager des projets publicitaires). Il importe également, à une époque caractérisée par d’innombrables sollicitations, de faire preuve de créativité à l’égard de la thématique et du scénario. En effet, voter, adresser des photographies ou, a fortiori, concevoir et réaliser une publicité implique pour le participant des efforts et la mobilisation de ressources. La marque doit donc être capable de créer et de maintenir la motivation et l’engagement du consommateur. L’originalité et l’aspect décalé, innovant du scénario sous-tendant l’opération sont ainsi déterminants34, comme l’illustre l’exemple de Maynards (voir l’encadré 4).

La philosophie générale de la démarche doit faire l’objet d’une réflexion attentive : le point clé est de définir l’étendue du pouvoir délégué aux consommateurs35 : l’entreprise est- elle prête à leur concéder réellement du pouvoir, à les laisser s’approprier le territoire de marque, même de manière totalement inattendue, ou préfère-t-elle limiter les risques en canalisant étroitement leur participation? Si l’entreprise laisse beaucoup de liberté, l’opération peut prendre une tournure imprévue et aboutir à des choix qu’elle ne souhaitera pas entériner. Or, ne pas respecter les choix du public après avoir exalté les vertus démocratiques de l’opération peut entraîner une sanction sévère (voir l’encadré 5). « Dans le domaine du marketing participatif encore plus que dans le domaine du marketing relationnel, le respect du client est déterminant pour que celui-ci continue à s’engager positive- ment avec l’entreprise36. »

L’anticipation des scénarios possibles de détournement et les risques de conflits de légitimité doivent donc faire l’objet d’une réflexion attentive. Mais il faut être conscient qu’en exerçant un étroit contrôle, on élimine une partie des ingrédients qui font l’intérêt du marketing participatif : la spontanéité, l’originalité et l’authenticité. La directrice du marketing de Doritos, Ann Mukherjee, affirme à ce sujet que « quand vous donnez la liberté aux auditeurs, quand ils aiment quelque chose, ils vont en prendre soin mieux que quelqu’un que vous payez effectivement. C’est leur marque. Ils ne vont pas la ternir. Il n’y a pas eu une seule année où j’ai été déçue37. »

Déterminer le nombre de lauréats et les récompenses

Dans le cas d’un concours, un seul lauréat est en général désigné, les autres finalistes étant également honorés et récompensés. Le nombre de personnes primées au cours d’un casting peut être plus important (voir l’encadré 1). Le choix des récompenses doit reposer sur une bonne compréhension des motivations à participer au sein de la cible. Souvent, on allie les récompenses tangibles (argent, cadeau, voyage, etc.) aux récompenses symboliques (reconnaissance, valorisation, etc.), la récompense suprême étant en général de voir sa création diffusée ou son visage apparaître dans la communication de la marque.

Lorsqu’une sélection des projets par le grand public est prévue, il peut être utile de pré- voir à son intention des incitations pour stimuler les votes. Par exemple, Doritos, à l’occasion de son concours annuel, offre des bons de réduction et organise une loterie permet- tant de gagner des jeux de société et des billets pour le match de football américain du Super Bowl.

Mettre en place une procédure de collecte et de sélection des propositions

Il est essentiel de définir une procédure pour recueillir, filtrer et évaluer les contenus proposés. En effet, l’entreprise court le danger d’être submergée par des centaines de propositions publicitaires ou des milliers de photos. Les contributions générées par le public sont en général trop nombreuses pour que personne d’autre que le public lui-même puisse les filtrer38.

Ainsi, les 22 000 contributions à la campagne pour le véhicule utilitaire sport Tahoe ont représenté plus de 180 heures de vidéos à visionner et à évaluer39… Il convient aussi de prévenir les problèmes légaux, car le risque est grand que certains internautes ne soient pas très regardants quant au respect des droits d’auteur. S’entourer des conseils de juristes est une précaution qui s’impose. Certaines campagnes participatives juridiquement risquées doivent être évitées. Par exemple, quand la marque de sandwiches Quiznos a invité les consommateurs à montrer la supériorité de ses sandwiches sur ceux de Subway, cette dernière n’a pas eu de mal à démontrer que des allégations présentes dans les contenus collectés étaient mensongères40.

Il existe différentes options en matière d’évaluation. La première option consiste à laisser la responsabilité intégrale du filtrage et de la sélection finale aux internautes, bref, de s’en remettre totalement à la « sagesse des foules », ce qui est une approche risquée. Une autre option consiste à confier le choix à un jury d’experts. Les risques de choix inappropriés sont limités, mais, en déniant au consommateur le droit de choisir, l’entreprise contredit les principes affichés du marketing participatif. Dans la pratique, on procède souvent à une présélection des propositions par la foule des internautes, le choix final étant réservé à un jury d’experts.

Établir le calendrier des opérations

En ce qui concerne le calendrier des opérations, il faut éviter deux écueils : un laps de temps trop court, qui ne permet pas de générer suffisamment de contributions, et un délai trop long, qui finit par émousser l’intérêt. La plupart des opérations s’étalent sur deux à trois mois. Il faut également définir une durée pour la phase de vote. La tâche est certes plus simple, mais on vise à mobiliser un plus grand nombre d’internautes. Un délai de quelques semaines est a priori raisonnable.

Gérer les relations pendant l’opération

Il est nécessaire d’organiser les relations entre les participants et la marque durant l’opération (demandes d’information, réception des votes ou des propositions, modération des contenus, etc.). Même si des réponses automatisées et une foire aux questions sont prévues, elles ne pourront pleinement se substituer à des réponses personnalisées. En outre, il serait imprudent de laisser publier sans modération toutes les contributions, surtout s’il s’agit d’un concours créa- tif. Sauf si la mauvaise foi du contributeur est flagrante, il faudra expliquer avec tact à ceux dont les contributions ne peuvent être publiées la raison de ces refus et les encourager à faire de nouvelles contributions. Il est donc crucial d’évaluer les moyens humains à consacrer à l’opération.

Accompagner médiatiquement l’opération

Dans un premier temps, il s’agit de populariser l’opération et de susciter la participation. Il est conseillé de ne pas se limiter à Internet, afin d’étoffer le nombre de participants et de diversifier les profils. Par exemple, Maynards, pour promouvoir son casting participatif, a utilisé la télévision, l’affichage extérieur, l’affichage dans les moyens de transport et les cinémas, l’affichage numérique interactif, les bannières Internet et des emballages promotionnels. L’opération peut aussi être valorisée par la participation de célébrités.

Dans un second temps, il faudra présenter et valoriser la ou les contributions gagnantes : une combinaison de la communication en ligne avec la communication hors ligne permet de donner plus de visibilité aux résultats. Quand il s’agit de diffuser des créations primées, on peut se satisfaire d’espaces Internet gratuits ou offerts par un partenaire.

Cette option limite les risques si l’on craint que les contributions ne soient pas excellentes, mais les effets peuvent être modestes, compte tenu de la banalisation de ce type d’opération. Une solution consiste à diffuser également le message dans un espace acheté sur Internet ou dans d’autres médias, un accompagnement en dehors des médias (action promotionnelle, publicité sur le lieu de vente, etc.) pouvant également accroître l’impact de l’opération.

Budgéter l’opération

Le budget sera déterminé en considérant notamment les postes suivants : la conception et la mise en ligne de l’opération et des éventuels outils créatifs; la communication en amont et en aval; les ressources humaines à mobiliser pour modérer les contenus, analyser les contributions et gérer les relations; les récompenses; les honoraires d’avocat pour vérifier la légalité des contributions; la rémunération des membres du jury et des éventuelles célébrités parrainant l’opération; le coût d’organisation de la finale; le coût d’établissement du bilan de l’opération. Cette énumération met en évidence le fait que, pour une opération de type « concours », le budget peut être très élevé.

Établir le bilan de l’opération

Enfin, il importe de faire un bilan critique de l’opération. Les résultats doivent être comparés avec les objectifs. Il est également pertinent de mesurer l’effet sur l’opinion en termes quantitatifs et qualitatifs en recensant les retombées dans les médias et en recourant à un outil de veille Internet pour bien appréhender le volume et la teneur des commentaires émis sur l’action participative. Il sera également utile d’analyser la circulation des contenus générés sur les sites de partage.

Conclusion : quelles perspectives pour la publicité participative ?

Le marketing participatif apparaît, depuis l’avènement du Web 2.0, comme le Graal des gestionnaires contemporains, ainsi que le souligne Cova (2008 : 19) : « le dernier tube à la mode fait du consommateur un producteur et ceci pour le plus grand bien de l’entreprise : les consommateurs aujourd’hui seraient la source la plus intéressante d’idées originales de nouveaux produits et de nouvelles publicités et les managers n’auraient plus qu’à se baisser pour ramasser ces idées et ceci, de plus, gratuitement.


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Avec de tels arguments, ce nouveau mot d’ordre a une chance de se faire une place au Panthéon des nouvelles panacées managériales. » Il est difficile de se prononcer sur la place que l’avenir réservera au marketing participatif. Rien ne laisse présager un essoufflement du côté des entreprises. Les experts consultés par Reniou (2009) considèrent unanimement qu’il ne s’agit pas d’un feu de paille. Les facteurs qui ont permis son émergence devraient gagner en puissance, notamment l’amélioration des technologies d’accès aux médias sociaux.

Par ailleurs, si des échecs ont été observés, les avantages de ce modèle sont significatifs. On peut aussi estimer que l’engagement dans le marketing participatif est une option difficilement réversible. Enfin, on peut compter sur un phénomène de mimétisme de gestion, les entreprises ayant la hantise d’être dépassées dans l’univers numérique, d’autant que les 10 plus grandes marques du monde (à l’exception notable d’Apple41) font appel à l’externalisation ouverte créative42. C’est du côté des consommateurs que les perspectives sont plus incertaines.

L’excès de sollicitations risque d’éroder leur intérêt, d’autant que la publicité participative, surtout lorsqu’il s’agit de créer des messages, suppose qu’ils y consacrent du temps, de l’énergie et des moyens techniques. Les dispositifs devront être de plus en plus originaux et stimulants afin de capter leur attention43. À cette lassitude peut s’ajouter un certain découragement si l’internaute pense que les professionnels ou les pro-ams exercent un monopole sur les opérations les plus élaborées et les mieux dotées.


Notes

1 Divard (2011).

2 Le marketing participatif est tout à fait distinct des autres formes de participation du consommateur et, en particulier, de l’autoproduction dirigée. Dans l’autoproduction dirigée, le consommateur est amené à prendre en charge des tâches, généralement standardisées et répétitives, que l’entreprise a décidé d’externaliser dans un souci de gain de productivité (Dujarier, 2008) et qui peuvent trouver un prolongement à domicile (par exemple, la réservation pour un voyage ou la gestion de ses comptes bancaires). Contrairement au marketing participatif, l’autoproduction dirigée est souvent conçue et vécue comme un passage obligé (par exemple, commander un billet de train) et, dans cette logique, le consommateur ne participe aucunement à la définition de l’offre de l’entreprise.

3 Divard (2011).

4 Leadbeater et Miller (2004).

5 Berthon et al. (2008).

6 Campbell et al. (2011).

7 Divard (2011), Capelli et Dantas (2012).

8 Divard (2011).

9 Howe (2006a).

10 Burstein (2012). 11. Howe (2008). 12. Tuten (2008).

13 Selon Divard, le communitysourcing est une forme d’externalisation ouverte qui consiste pour une entreprise à mobiliser les compétences, non pas d’une foule indistincte, mais d’une communauté avec laquelle elle a un lien direct ou indirect.

14 Eyeka, [En ligne], http : //fr.eyeka.com/ (Page consultée le 16 janvier 2013).

15 La Poste/Le hub (2008).

16 Reniou (2009 : 87).

17 Burstein (2012).

18 « Le consumer made est le résultat de la mise en jeu des compétences d’un ou de certains consommateurs afin de modifier ou d’améliorer l’offre des entreprises et d’arriver ainsi à une création originale. » Cova (2008).

19 Burstein (2012).

20 Marsden (2008).

21 Sheehan (2010).

22 Klein (2008), Tuten (2008).

23 Ekekwe (2010).

24 Nielsen (2006).

25 Barnett (2010). 26. Dahl (2010). 27. Howe (2006b).

28 Bosman (2006).

29 Gillin (2008).

30 Barnett (2010), Sheehan (2010).

31 Howe (2008).

32 Attuel-Mendès et Notebaert (2012).

33 Attuel-Mendès et Notebaert (2012).

34 Mencarelli et Puhl (2009).

35 Mencarelli et Puhl (2009), Divard (2011).

36 Capelli et Dantas (2012 : 82).

37 Burstein (2012).

38 Howe (2008).

39 Gillin (2008).

40 Tuten (2008).

41 Si Apple n’est guère encline à mener des opérations participatives, elle a toutefois déjà utilisé une création spontanée d’un consommateur. Le message publicitaire pour le lancement du iPod Touch en 2007 est en effet l’œuvre de Nick Haley, un jeune Britannique de 18 ans, fan de la marque. Il a réalisé un message de 30 secondes qu’il a publié sur YouTube. Le buzz qui en a résulté est arrivé chez Apple, qui a invité l’auteur de la vidéo à la retravailler avec l’agence TBWA\Chiat\Day et l’a ensuite largement diffusée (Stuart, 2007).

42 Roth (2012).

43 Mencarelli et Puhl (2009).

Références

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