Le futur du travail, c’est bien plus que le télétravail ou la flexibilité dans les horaires; c’est d’abord une transformation sociétale qui touche toutes les organisations. Les règles du jeu changent, les attentes des employés aussi. Les gestionnaires et cadres sont particulièrement interpellés par les défis que cela suppose au quotidien. Or, qu’en est-il de la haute direction et des conseils d’administration (CA)?

Dans cet article, nous nous penchons sur les retours d’expérience et les réflexions des panélistes invités par le Collège des administrateurs de sociétés et Brio à l’occasion d’un webinaire ayant eu lieu en mars 2022 qui portait sur l’évolution des milieux de travail.

Face à la situation pandémique qui évolue rapidement, aux défis croissants amenés par la rareté de la main-d’œuvre et à la transition vers de nouveaux modes d’organisation du travail, la haute direction et les conseils d’administration n’ont d’autre choix que de prendre part aux discussions axées sur le futur du travail.

La haute direction est amenée à sortir des sentiers battus

Plus d’un tiers (38%) des administrateurs se préoccupent principalement de l’attraction et de la fidélisation des talents, selon un sondage informel mené auprès des panélistes; un défi à garder en tête, selon Marie-Chantal Lamothe, cheffe de la direction des ressources humaines à la Banque de développement du Canada (BDC). «Ce sera le cas pour les 10 prochaines années; c’est pourquoi nous devons nous adapter en revoyant la façon d’aller chercher les talents et les endroits où le faire, soutient-elle. Cela passe par la formation des employés et gestionnaires afin qu’ils deviennent des ambassadeurs de l’organisation.»

Et il ne faut pas sous-estimer le rôle du conseil d’administration sur le plan stratégique, dans un contexte de changements culturels requis pour faire face aux enjeux d’évolution des milieux de travail. «Le changement culturel prend du temps et le CA doit en être le gardien en sachant appuyer la direction sans prendre sa place. Dans le contexte actuel, la dimension des personnes est beaucoup plus importante qu’il y a une quinzaine d’années. Dorénavant, on passe beaucoup de temps sur l’attraction, la rétention et la rémunération, mais aussi sur les façons dont l’expérience employé se déploie», explique Monique Leroux, administratrice de sociétés, présidente du Conseil sur la stratégie industrielle et conseillère principale à Corporation Fiera Capital.

Des solutions au service de l’attractivité, de la mobilisation et de la performance émergent

Certaines organisations innovantes n’ont pas attendu qu’une crise sanitaire bouleverse l’univers du travail pour mettre en place des actions porteuses qui sont destinées à attirer et à retenir les talents en vue d’améliorer l’expérience employé. C’est le cas d’iA Groupe financier, comme le souligne Denis Ricard, président et chef de la direction : «Dès 2018, nous avons mis l’accent sur le volet expérience employé. C’est actuellement l’un des principaux points d’attrait de la main-d’œuvre. Nous avons développé une vision sur trois axes : l’aménagement technologique, l’aménagement physique et la culture», décrit-il. Il poursuit : «Nous avions déjà amorcé un virage technologique, qui permettait à l’employé de travailler de n’importe où. La culture est fondamentale et couvre beaucoup d’éléments : environnement inclusif, responsabilisation, communication, rôle du gestionnaire, flexibilité, etc. Notre culture est actuellement en mouvance; il faut outiller nos gestionnaires et mettre en place des comportements clés pour assurer le succès de la culture cible.»

En parallèle de l’expérience employé – un facteur clé de l’attractivité des organisations –, les modes de travail ainsi que le bien-être des employés sont deux autres défis interreliés qui ont des répercussions sur la rétention des ressources. «Les employés veulent plus de flexibilité; dans les heures, les lieux, les modes de collaboration…», confirme Marie-Chantal Lamothe. «Nous avons finalement décidé de ne pas demander un nombre minimal de journées au bureau, mais nous encourageons le retour au bureau pour des moments clés, comme des occasions de collaboration», ajoute-t-elle. Par ailleurs, sur le plan de la santé et du mieux-être, à BDC comme ailleurs, «il faut effectuer une vigie pour nous assurer que nous donnons les bonnes ressources et les bons outils afin que les employés restent mobilisés et performants».

De nouveaux indicateurs sont à privilégier

Pour mesurer l’incidence des mesures adoptées et prédire les besoins des organisations, les panélistes insistent sur l’importance d’indicateurs probants. «Dans le dialogue entre la direction et le CA, nous avons maintenant de nouveaux indicateurs, accélérés par la pandémie, y compris les sondages périodiques effectués auprès des employés. Nous cherchons aussi à développer un indicateur pour la relation entre le gestionnaire et ses employés», détaille Denis Ricard, d’iA Groupe financier. Même son de cloche du côté de BDC alors que Marie-Chantal Lamothe insiste sur l’apport des ressources humaines (RH) pour obtenir cette information cruciale : «Il faut appuyer les RH et investir dans les technologies pertinentes pour obtenir les données nécessaires et prévoir les tendances. Nous avons besoin de tableaux de bord plus prédictifs qui nous aident à guider nos décisions organisationnelles.»

Le facteur humain : au cœur du pilotage

Le dialogue, l’ouverture et la diversité doivent être au cœur des actions et des missions des organisations afin de mieux surmonter les défis liés au futur du travail et aux effets de la pandémie. «Il est important d’être une organisation apprenante; il faut laisser du temps aux employés pour leur développement personnel et professionnel et inclure les gestionnaires dans les discussions», soulève Denis Ricard. De l’avis de Monique Leroux, «il n’y a aucun doute que le volet environnement, social et gouvernance (ESG) ainsi que la responsabilité sociale des entreprises continueront à prendre de l’importance. Les trois éléments ESG sont liés aux personnes; c’est pourquoi sur les plans stratégique et opérationnel, ces changements ne doivent pas se faire en silos ni à la verticale.»

À BDC, «tous les aspects de diversité, d’équité et d’inclusion sont au sein de notre ADN. L’émergence de l’ESG aussi. Il faut nous pencher davantage sur le volet santé et mieux-être, car nous ne saisissons pas tous les problèmes causés par la pandémie. Nous devons outiller nos gens pour passer à travers des situations similaires dans l’avenir», mentionne Marie-Chantal Lamothe.

Lorsqu’il est question de naviguer à travers des périodes d’incertitude, Monique Leroux fait remarquer l’importance de placer l’humain au centre des décisions : «Il faut absolument mettre l’accent sur l’équipe, sa qualité et sa résilience, comprendre comment elle peut aider à conduire l’organisation à travers cette période. L’ordre du jour humain doit être au cœur du pilotage de cette période.»

Des leaders de demain plus humains que jamais

En conclusion, terminons par une image inspirante pour le futur profil des membres des hautes directions des organisations. D’après Monique Leroux, nous en sommes à une conjonction d’un savoir technique et humain, avec des gens capables de percevoir les interconnexions organisationnelles, sociétales et humaines. C’est là l’image des leaders du futur qui sauront, grâce à la conjugaison de leur expertise, de leur vision et de leur humanité, aider leurs organisations à dessiner de futur du travail.