Article publié dans l'édition Printemps 2022 de Gestion

Difficile d’anticiper pour la première fois l’étendue des responsabilités et des tâches qui incombent à la fonction de PDG! Comment alors peut-on se préparer à assumer ce nouveau rôle?

La fonction de PDG est aussi exigeante que passionnante. Pas étonnant que tant de professionnels veuillent inscrire ces trois lettres dans leur CV. Pour autant, tous n’ont pas la tête de l’emploi. Voilà pourquoi tant le candidat que le comité chargé de dénicher la perle rare auront intérêt à bien faire leurs devoirs.

Identifier les bons candidats

Quelles habiletés et quelles compétences le candidat idéal devrait-il posséder pour accéder aux plus hautes fonctions d’une organisation? Il n’y a pas vraiment de «liste», soutiennent les experts. Plusieurs aptitudes sont à considérer, comme la vision stratégique de la personne, soit sa capacité à voir plus loin et à anticiper les changements.

Les qualités de leadership sont incontournables. «De quelle façon le PDG pourra- t-il animer l’entreprise? Comment pourra-t-il lui insuffler une culture et la faire évoluer? Les habiletés interpersonnelles revêtent aussi une importance grandissante, puisqu’on évolue de plus en plus dans une logique de collaboration», explique Alain Gosselin, CRHA Distinction Fellow, professeur honoraire, conseiller en développement de programmes à l’international et intervenant à l’École des dirigeants HEC Montréal. Enfin, lors de l’entrevue de sélection, on évaluera la dimension éthique, qui touche en particulier les valeurs morales de l’individu et ses antécédents.

«Pour effectuer un choix éclairé, le comité de sélection doit faire une bonne lecture du contexte dans lequel se trouve l’organisation et de sa possible évolution. On peut, par exemple, se demander quels sont les éléments qui feront avancer les choses au cours des cinq prochaines années», indique Alain Gosselin. On peut aussi adopter une approche par scénario en imaginant différentes versions du futur, puis étudier les candidatures à la lumière de celles-ci.

Ce travail d’identification peut faire l’objet de consultations auprès de ressources externes, comme des consultants de haut niveau, des associations ou des organismes reliés à l’industrie, des chasseurs de têtes, etc.

Trouver un PDG ne s’improvise pas, souligne Alain Gosselin. Il s’agit d’un travail de longue haleine. Une entreprise devrait donc toujours oeuvrer à planifier la relève, notamment en préparant des gestionnaires qui font déjà partie de l’organisation. «Il faut constituer un bassin de candidats potentiels et mettre en place un processus de développement, en leur donnant par exemple davantage de visibilité, en les incitant à suivre des formations en leadership», recommande-t-il.

Dossier Devenir PDG

L’étoffe d’un chef

L’ancien PDG de RONA, Robert Dutton, a déjà déclaré qu’on gère une entreprise à l’image de ce qu’on est… mais qu’il faut d’abord savoir qui on est! C’est pourquoi il est essentiel de se demander si on a vraiment l’étoffe d’un grand patron. «Pour mieux se connaître, on peut entamer une réflexion sur nos propres valeurs, sur nos schèmes de pensées et sur les caractéristiques qui nous sont propres», précise Réal Jacob, professeur émérite au Département d’entrepreneuriat et innovation de HEC Montréal et spécialiste en gestion du changement.

La mission qui attend le PDG est vaste et accaparante. Elle requiert certaines qualités et du savoir-faire. Ainsi, une pensée stratégique et une bonne compréhension de l’environnement d’affaires sont essentielles. «Le PDG est une sorte d’explorateur qui doit élargir les horizons, ajoute Réal Jacob. Il est aussi le leader des différentes parties prenantes. Il joue un rôle de liaison avec les partenaires et développe des synergies avec eux.»

La capacité de s’intéresser à toutes les sphères d’une organisation afin de bien les comprendre est également cruciale. Le PDG est le premier interlocuteur du conseil d’administration et celui qui dirige l’équipe de direction. Enfin, même s’il est le gardien de la culture organisationnelle, il doit être en mesure de la remettre en question pour faire évoluer l’entreprise.

Comment se prépare-t-on à devenir PDG?

On le voit, le bagage nécessaire à un futur PDG est considérable. Les individus qui aspirent à ce titre doivent s’y préparer adéquatement, afin de développer les bons réflexes. «Il faut commencer par bien évaluer la réalité et les exigences du poste, car les nouveaux PDG sont souvent surpris par l’ampleur de la tâche», souligne Alain Gosselin. Pour cela, il faut lire des biographies, discuter avec des PDG et observer des hauts dirigeants en action. «C’est l’occasion de se demander si on a envie de cette fonction, si on est prêt et si on a ce qu’il faut pour l’occuper», précise-t-il.

Pour apporter une réponse claire à ces questions, il est nécessaire de faire une bonne lecture du contexte et du type d’environnement dans lequel on sera propulsé. Est-on appelé à remplacer un PDG qui a occupé cette fonction pendant plus de 20 ans et qui a laissé sa marque ? Doit-on remettre l’entreprise à flot? Si on vient de l’interne, aura-t-on le recul nécessaire pour entreprendre un virage radical ? Autrement dit, est-on la bonne personne pour ce poste et est-ce le bon moment?

De plus, le chemin qui mène à ce niveau de la hiérarchie est long et exige certains préalables. «Le futur PDG devra faire des choix pour se doter d’un parcours de développement pertinent, en se diversifiant davantage s’il a un profil très spécialisé, par exemple. Par définition, le PDG est un généraliste. Pour avoir une vue d’ensemble, il devra avoir travaillé sur des dossiers qui l’exposent à des domaines différents de celui dans lequel il a été formé», explique Alain Gosselin.

Ceux qui visent les sommets d’une organisation auraient aussi tout intérêt à multiplier les expériences significatives – la relance d’un secteur en perte de vitesse ou la gestion d’un projet transversal, par exemple. Ils auraient ainsi un bagage qui témoigne de leur capacité à s’adapter et à sortir de leur zone de confort. Suivre un programme de perfectionnement des cadres, qu’il mène à un diplôme ou pas, pourrait aussi leur permettre de consolider leur expérience et d’élargir leurs horizons. Enfin, pour cheminer vers le poste convoité, les futurs PDG doivent se doter d’un programme individualisé qui définit les aspects de leur profil qu’ils devront peaufiner.

Nadège Lenormand-DauvergneNadège Lenormand-Dauvergne : changer les choses

Arrivée au Québec en 2008 après une fructueuse carrière au sein de la Marine nationale française comme chef de projet sur des chantiers à travers le monde, Nadège Lenormand- Dauvergne a occupé des postes de directrice générale et de vice-présidente aux opérations avant d’être recrutée par Alcor, en août 2021.

Ingénieure mécanique de formation, gestionnaire de haut vol possédant une vaste expérience internationale dans des domaines très variés et détentrice d'un EMBA, elle a été sélectionnée à l’issue d’un processus long et exigeant qui s’est échelonné sur quatre mois. «Le conseil d’administration et moi-même avons investi beaucoup de temps. Nous voulions nous assurer que c’était le bon “fit”», explique-t- elle. Cette longue période de «fiançailles» a toutefois considérablement facilité son intégration, puisqu’elle avait déjà beaucoup appris au sujet de l’entreprise, de ses projets et de ses équipes. Elle dit d’ailleurs avoir apprécié ce processus, puisqu’il est à la hauteur du poste et qu’il évite de mauvaises surprises de part et d’autre.

«Les membres du conseil d’administration chargés de recruter le PDG cherchaient une personne qui possédait des qualités de leader tout en sachant prendre des décisions de façon humaine. Je répondais effectivement à cette description, essayant de toujours faire évoluer et grandir les gens, de les faire adhérer à une idée. Je détenais aussi les compétences techniques qu’ils recherchaient», précise-t-elle.

Durant le processus de sélection, Nadège Lenormand- Dauvergne s’est demandé si elle serait en mesure d’apporter sa contribution à l’entreprise. «Et parce que j’ai deux jeunes enfants, je me suis également interrogée sur la pertinence d’accepter ce poste à ce moment-ci de ma carrière. Puis, j’ai réalisé qu’il n’y a pas vraiment de meilleur ou de pire moment pour le faire», mentionne-t-elle.

Isabelle Genest : un parcours vers le sommetIsabelle Genest

Depuis juin 2021, Isabelle Genest occupe le poste de PDG de Centraide Québec, Chaudière-Appalaches et Bas-Saint- Laurent. Musicienne de formation, elle a évolué pendant plusieurs années dans divers postes de direction, avant de devenir vice-présidente au développement philanthropique chez Centraide, en 2017.

Elle avoue avoir traversé l’un des processus de sélection les plus difficiles et les plus rigoureux de sa carrière. «Le comité de sélection voulait quelqu’un qui avait une vision pour tout le territoire, une personne capable d’équilibrer les différents volets – philanthropie, développement du réseau, etc. – et reconnue comme un leader tant au sein de l’organisation qu’à l’extérieur», souligne-t-elle.

Pendant le recrutement, Isabelle Genest s’est demandé si elle était la bonne personne pour le poste, mais plusieurs discussions avec des proches et des mentors l’ont confortée dans sa décision. «J’ai aussi rencontré des PDG à qui je voulais poser les “vraies questions” pour savoir ce qui les avait surpris dans leur nouveau rôle ou quelle avait été leur plus grande erreur», précise-t-elle.

Après six mois dans le fauteuil du PDG, elle remarque qu’il faut savoir prendre son temps. «Même si notre travail consiste à régler des problèmes, il faut se garder de prendre des décisions trop hâtives. Il faut exercer sa patience», dit-elle.

Bien que son parcours lui ait permis de cumuler les connaissances nécessaires pour exercer la fonction de PDG, elle estime devoir encore développer une compréhension fine de certains domaines. «On dit que le PDG est une sorte de chef d’orchestre et qu’en ce sens, il n’a pas besoin de savoir jouer de tous les instruments. Ce n’est pas tout à fait vrai. Il doit quand même être en mesure de lire la musique...», conclut-elle.