Article publié dans l'édition Automne 2004 de Gestion

La gestion de la relève a été projetée à l’avant-plan des priorités dans l’ordre du jour des spécialistes de la gestion des ressources humaines. La raison de cette soudaine urgence tient à l’évolution récente des enjeux démographiques de la société, enjeux qui sont encore plus grands au Québec qu’ailleurs en Amérique.

On ne peut étudier et analyser la gestion de la relève en faisant abstraction des paramètres de nature démographique qui caractérisent les personnes qui œuvrent sur le marché du travail ou qui y entreront à terme. Parmi ces caractéristiques de la démographie, on retient principalement le genre, les origines ethniques et culturelles, l’état physique et bien entendu l’âge.

Cette caractéristique de l’âge soulève un certain nombre de questions névralgiques pour le progrès de l’économie et la qualité de vie en général. En voici quelques exemples : comment préserverons-nous le capital de compétences détenu par les travailleurs expérimentés? Comment convaincrons-nous les personnes en fin de carrière d’allonger leur vie professionnelle au-delà de la date d’admissibilité à la retraite? Comment transformerons-nous les pratiques de gestion pour séduire et attirer une nouvelle génération de travailleurs? Comment ferons-nous en sorte que la cohabitation entre les jeunes et les personnes expérimentées soit porteuse de progrès et non de conflits dans les organisations?

Voilà autant d’interrogations qui sont au cœur de la gestion de la relève.

Pour tenter d’apporter des éléments de réponses à ces «comment», nous procéderons en trois temps. Premièrement, nous ferons un rappel des tendances démographiques qui expliquent l’urgence de la situation. Deuxièmement, nous insisterons sur un certain nombre d’effets observés sur le marché du travail. Troisièmement, nous mettrons en évidence les enjeux liés à la gestion de la diversité, plus particulièrement en ce qui a trait à la gestion des personnes en fin de carrière, à la gestion des jeunes recrues associées à la génération Y et à la gestion de l’intergénérationnel.


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Rappel des tendances démographiques

Les sociétés modernes sont frappées de plein fouet par des bouleversements importants qui se produisent sur le plan démographique. Au Canada, le Québec est la province la plus menacée par les tendances qui se dessinent en matière d’évolution de la population. Parmi les tendances les plus marquées, mentionnons les suivantes :

  • L’accroissement naturel et l’accroissement total de la population québécoise sont en baisse. Les deux principales causes de ce phénomène sont le faible taux de natalité et un solde migratoire nul. La politique de la natalité (et de la famille) ainsi que la politique de l’immigration sont au banc des accusés.
  •  La faible performance du Québec en matière de croissance démographique a comme conséquence de faire chuter son poids démographique par rapport à la population canadienne. En effet, de 27,9 % qu’elle était en 1971, la proportion de la population québécoise est passée à 23,75 % en 2003 (Institut de la statistique du Québec, 2004). En comparaison, l’Ontario constitue aujourd’hui 38,7 % de la population canadienne.
  • Si le mouvement observé ces dernières années ne s’inverse pas, le Québec fera face à un déficit démographique en 2031. «La population du Québec – 7,5 millions de personnes en 2003 – pourrait passer la barre de 8 millions vers 2021, croître très lentement jusqu’à 8,1 millions en 2031, et basculer ensuite dans un lent déclin qui porterait la population à 7,8 millions de personnes en 2051» (Institut de la statistique du Québec, 2004 : 1).
  • Cette décroissance est également accompagnée du déclin de la population en âge de travailler. En effet, les experts affirment que, en 2011, le nombre de personnes qui quitteront le marché du travail dépassera le nombre de personnes qui y entreront.
  • La population vieillit à un rythme accéléré et soutenu. La proportion des personnes de 45 à 64 ans, qui représentait à peine le quart de la population dans les années 1980, compte aujourd’hui pour plus du tiers; elle devrait dépasser 40 % en 2008 (Grenier, 1999). L’espérance de vie a fait un bond important, passant de 60 ans en 1930 à 78,4 ans en 2003.
  • Le rapport de dépendance démographique (0-19 ans + 65 ans et plus / 20-64 ans 100) passera de 59 en 2001 à 77 en 2026 (Institut de la statistique du Québec, 2004). Ce rapport de dépendance illustre le fait que les bénéficiaires des soins de santé et des services d’éducation (personnes âgées et étudiants) devront s’en remettre en grande partie à une population active (qui paie plus de taxes et d’impôts que le reste de la population) qui diminuera. Les taxes sur l’effort du travail deviendront un sujet politique sensible. Certains parlent même d’un conflit intergénérationnel qui se dessine entre bénéficiaires et contribuables, dans un contexte où 40 % des Québécois ne paient aucun impôt et où seulement 15 % des Québécois ont payé plus de 70 % des 15,9 milliards de dollars d’impôt sur les revenus perçus par le gouvernement du Québec auprès des particuliers en 2001 (Froment, 2004). Les régimes de protection sociale et de protection du revenu par répartition subiront des pressions importantes pour se transformer en partie en régimes par capitalisation. Il faut envisager à court terme des transformations dans les sources de revenus de l’État et dans les politiques de fiscalité de manière à prévoir de tels changements. Bref, la solidarité en général et la solidarité intergénérationnelle en particulier seront soumises à un «test» important au cours de la prochaine décennie
  • Mince consolation, le Canada et le Québec ne sont pas seuls à affronter les menaces d’un bouleversement démographique. Le Japon, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, l’Italie et même les États-Unis, dans une certaine mesure, doivent apporter des corrections musclées à leurs politiques sociales et à leurs politiques de l’emploi.

Les effets sur le marché du travail

Le vieillissement de la main-d’œuvre

Le vieillissement de la population se répercute sur la structure du marché du travail. Aux États-Unis, des analystes prévoient que 30 millions de travailleurs américains parmi les plus expérimentés quitteront bientôt le marché du travail, emportant avec eux leur bagage de connaissances accumulées tout au long de leur vie active. Lockheed Martin, par exemple, sera témoin du départ de 66 % de ses 130 000 employés avant la fin de la présente décennie (Kaihla, 2004). Au Québec, les personnes âgées de 45 à 64 ans représentent aujourd’hui près de 37 % de la population en âge de travailler. Cette proportion atteindra 40 % en 2005 et près de 44 % en 2010. Une telle situation soulève le défi de la gestion des travailleurs vieillissants et du départ à la retraite. La «Liberté 55», le rêve martelé par la publicité des années 1990, est aujourd’hui un concept de vie en voie de disparition. Les gouvernements et les entreprises mettent en avant, ou envisagent de le faire, à la fois des pratiques coercitives (augmentation de l’âge de la retraite) et des pratiques incitatives (adaptation des régimes de retraite) visant à retarder et à échelonner les départs à la retraite. Même le gouverneur de la Banque du Canada, David Dodge, estime que l’économie canadienne bénéficierait du maintien au travail des baby-boomers qui souhaitent poursuivre leur carrière au-delà de l’âge de la retraite de 65 ans.

Y a-t-il pénurie en vue?

Un des effets boomerangs les plus visibles du vieillissement de la main- d’œuvre est, bien sûr, une pénurie de main-d’œuvre prévue. Bien qu’il n’y ait pas de consensus sur le sujet, il semblerait que, d’ici 2006 au Québec, il y aura 640 000 emplois à combler, dont 290 000 (45 %) nouveaux postes reliés à la croissance économique prévue et 350 000 (55 %) remplacements principalement attribuables aux départs à la retraite (Emploi-Québec, 2004). Dans l’optique de l’échéance de 2011, marquée par un solde négatif d’entrants sur le marché du travail, l’hypothèse la plus plausible indique que les prochaines années nous conduiront irrémédiablement vers une pénurie de main-d’œuvre dans plusieurs métiers et professions, dans plusieurs secteurs d’activité ainsi que dans plusieurs régions. Toujours selon les perspectives d’Emploi-Québec (Institut de la statistique du Québec, 2004), d’ici l’horizon 2006, 170 métiers et professions offriront des perspectives d’emploi favorables ou très favorables. Ce sont les professions ou les métiers demandant un niveau de compétences professionnelles ou techniques qui présenteront les meilleures possibilités d’embauche.

Par contre, dans un récent avis au gouvernement, le Conseil de la science et de la technologie du Québec avance qu’il ne faut pas craindre une pénurie généralisée de travailleurs hautement qualifiés1 à l’échelle du Québec. Reconnaissant les difficultés des employeurs en matière de recrutement des travailleurs hautement qualifiés, le Conseil préfère parler de déficiences des mécanismes d’ajustement du marché du travail (Conseil de la science et de la technologie, 2004). De plus, l’incertitude qui plane sur les prévisions de main-d’œuvre au cours de la prochaine décennie renvoie également à la difficulté qu’ont les experts à prévoir les effets combinés des pratiques d’augmentation de la productivité, des pratiques de modernisation des équipements et des infrastructures de même que des investissements en technologies de l’information. Par exemple, en 2002, l’État québécois envisageait de remplacer 21 000 employés de la fonction publique jusqu’en 2010 pour pallier les départs à la retraite (Secrétariat du Conseil du Trésor, 2001). C’était sans compter sur le fait que, à peine deux ans plus tard, en 2004, un plan de réingénierie de la même administration publique annonçait que 16 000 postes de fonctionnaires seraient éliminés par attrition, le gouvernement remplaçant seulement un fonctionnaire sur deux, ce qui entraînerait une diminution de 20 % du personnel d’ici 2013 et des économies récurrentes annuelles de 700 millions de dollars2. Un tel changement de cap remet en question les efforts de gestion de la relève déployés depuis les trois dernières années et appellent de nouvelles façons d’équilibrer l’offre et la demande de travail tout en tenant compte de niveaux similaires d’offre de services publics. Prenons un autre exemple : dans l’industrie des pâtes et papiers au Québec, le taux de remplacement des départs à la retraite (environ 35 % des 32 000 employés d’ici 10 ans) sera de l’ordre de 60 % à 80 %, selon les diverses catégories socioprofessionnelles (Conseil de l’industrie forestière du Québec, 2004). L’avenir ne se définit donc pas par le théorème économique «toutes choses égales d’ailleurs».

Sur le plan des régions, si l’on extrapole à partir des analyses de population en général sur la population active jusqu’en 2026, on pourrait observer des déficits démographiques et des problèmes importants de disponibilité de main-d’œuvre dans des régions comme le Bas-Saint-Laurent, le Saguenay–Lac-Saint-Jean, la Mauricie, l’Abitibi-Témiscamingue, la Côte-Nord, le Nord-du-Québec et la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine (Institut de la statistique du Québec, 2004).

L’ajustement du système d’éducation au monde professionnel

Les pénuries de main-d’œuvre ainsi que la volatilité du marché du travail ont poussé les diverses organisations professionnelles (ordres professionnels, associations et regroupements) à se responsabiliser davantage quant à la promotion de leur métier ou profession, à la formation professionnelle et continue, au partenariat avec le monde de l’éducation, etc. Ces groupes exercent de fortes pressions sur les établissements d’enseignement afin qu’ils mettent sur pied de nouveaux programmes, qu’ils adaptent les contenus, qu’ils accélèrent les cycles de révision des programmes et de diplomation et qu’ils innovent sur le plan de la pédagogie et des technologies de l’information (Béchard, 2004). Bref, ces pressions ont le mérite de susciter la créativité et l’innovation sous toutes leurs formes, et de rendre plus efficaces les processus d’affaires des établissements d’enseignement. Par contre, il existe un danger de pécher par excès. En plus de devoir former une main-d’œuvre juste-à-temps pour le marché du travail, les établissements d’enseignement ont la responsabilité de prendre une distance par rapport à la pratique professionnelle afin de porter un jugement critique et objectif, qui repose davantage sur des perspectives historiques et des projections à plus long terme. Les questions d’éthique doivent se retrouver au cœur de certains débats, et non seulement les questions économiques relatives aux pénuries de main-d’œuvre. Par exemple, le manque de relève en comptabilité et la formation juste-à-temps de ces professionnels ne doivent pas empêcher le monde universitaire de développer un curriculum différent portant entre autres sur les aspects éthiques et philosophiques du monde des affaires afin de tirer les leçons de certaines histoires d’horreur qui ont marqué la dernière décennie (Enron, World Com, Cinar, Nortel, etc.). Il en va de même pour les professions de la santé ou encore les métiers de la construction, par exemple. Bref, les enjeux actuels du marché du travail dans le contexte des problèmes de relève tentent de redéfinir la collaboration et l’autonomie des mondes professionnel et scolaire. Une telle situation favorisant la demande de travail ne doit pas faire en sorte que le système d’éducation devienne dépendant du système professionnel.

Le marché du travail : solidarité ou cannibalisation

Dans un contexte où les talents se font plus rares, force est de constater que les organisations prennent tous les moyens pour attirer, recruter et retenir la main-d’œuvre. Tous les coups sont alors permis. Les entreprises manufacturières s’arrachent les meilleurs ingénieurs et opérateurs, les hôpitaux s’arrachent les meilleurs médecins et infirmières, les garages s’arrachent les meilleurs mécaniciens «diesel» et les universités s’arrachent les meilleurs professeurs et chercheurs. Mais quel est l’effet net de telles pratiques? La logique veut que l’on renforce les meilleurs et les plus gros au détriment des plus petits, que les centres urbains se garnissent au détriment des régions, que l’entreprise privée se serve au détriment de l’administration publique. La question de la relève interroge le fonctionnement des institutions de la société dans son sens large. Elle sonde la capacité des organisations à acquérir des comportements sectoriels (Audet et al, 2002), des comportements de solidarité entre entreprises ainsi que des comportements de solidarité communautaire entre entreprises et milieux éducatifs.

Le défi des organisations : la gestion de la diversité en amont et en aval

La gestion de la diversité est un concept assez bien documenté dans la littérature (Chicha, 2002). Plusieurs travaux ont permis de développer un corps de connaissances relativement aux pratiques de gestion des ressources humaines associées plus spécifiquement aux femmes et aux immigrants (minorités visibles). Les programmes d’accès à l’égalité en emploi et d’équité salariale témoignent de la prise en considération des particularités de certains groupes sur le marché du travail. Cependant, les efforts doivent s’accentuer en ce sens3 et une attention particulière doit être apportée aux caractéristiques des catégories d’âge sur le marché du travail.

Gérer les personnes en fin de carrière

La mise à la retraite anticipée comme moyen d’équilibrer l’offre et la demande de main-d’œuvre, la culture de la retraite hâtive appuyée par les régimes privés de retraite ainsi que des conditions de travail difficiles pour les personnes plus âgées sont des facteurs qui ont incité à quitter le marché du travail tout un segment de la population active, soit les travailleurs de 55 ans et plus. Il est maintenant devenu évident qu’il faudra transformer nos façons de faire afin de maintenir en emploi le personnel vieillissant (Guérin et Saba, 2003) et même d’inciter les retraités actuels à faire un retour sur le marché du travail. Le travailleur moyen qui a inspiré l’architecture de l’organisation du travail et la gestion des ressources humaines n’a pas toujours été celui de 55 ans et plus. De nombreux préjugés liés à l’aggravation des problèmes d’absentéisme, de santé et sécurité du travail, d’analphabétisme technologique, de difficultés d’apprentissage et de mobilité ont souvent mené à l’exclusion hâtive des travailleurs vieillissants. Beaucoup d’organisations tentent aujourd’hui des expériences afin de stimuler l’extension de la vie professionnelle. Les pratiques recensées (Guérin et Saba, 2003; Volkoff et al, 2000) tournent autour de trois axes, soit l’aménagement de la fin de carrière (planification d’un projet de carrière, développement et formation adaptés au vieillissement, mouvements de main-d’œuvre adaptés, nouveaux rôles de mentor, etc.), l’aménagement des conditions d’exercice du travail (temps partiel, horaire flexible, télétravail, désengagement progressif, aménagement physique des postes de travail, etc.) et les stimulants financiers (refonte des échelles salariales, bonis, reconnaissance non pécuniaire, programmes de retraite bonifiés, etc.). L’ensemble de ces pratiques devraient contribuer à transformer les milieux de travail et à valoriser le travail des travailleurs expérimentés afin que le dernier droit de la trajectoire professionnelle s’avère une expérience personnelle et collective enrichissante à tous points de vue, ce qui est loin d’être le cas actuellement.

TABLEAU 1 – Critères recherchés chez un futur employeur de la part des jeunes finissants universitaires

  1. Des perspectives de carrière intéressantes
  2. Des défis à relever
  3. La reconnaissance des compétences individuelles
  4. Un juste équilibre entre le travail et la vie privée Une rémunération motivante
  5. Une entreprise qui encourage l’initiative et l’autonomie Une entreprise axée sur l’innovation et la créativité
  6. Une entreprise où le travail d’équipe est valorisé
  7. Un horaire de travail souple
  8. Une entreprise où la structure hiérarchique est souple
  9. Une entreprise qui offre l’accès aux nouvelles technologies
  10. La possibilité de bénéficier d’avantages sociaux

Source : Noël (2004 : 32).

Gérer la génération Y

Une nouvelle génération de travailleurs frappe à la porte du marché du travail. Cette génération est associée à la génération dite «Y», représentant près du quart de la population canadienne (Paré, 2002), génération qui semble se comporter de façon différente de la génération qui la précède, soit la génération X (dite génération des sacrifiés sur le marché du travail), ainsi que de la génération dominante, soit celle des baby-boomers.

De nombreuses recherches ont tenté de circonscrire les traits dominants de cette génération dont les membres sont nés entre 1977 et 19974. Voici quelques caractéristiques qui définissent la génération Y :

  • La génération Internet et techno. Les jeunes et Internet font bon ménage5 Ils utilisent les technologies pour jouer, pour communiquer, pour apprendre, pour bâtir des réseaux de relations, pour s’informer. Bref, Internet est devenu une deuxième nature pour eux.
  • La recherche de l’indépendance et de l’autonomie. Les jeunes veulent affirmer leur autonomie et être reconnus pour leur indépendance.
  • La liberté d’expression. Cette quête de l’autonomie se traduit également par l’affirmation de la liberté d’expression.
  • Une vision optimiste de l’avenir. Les jeunes ont une vision optimiste de l’avenir. Ils voient celui-ci de façon positive, que ce soit au point de vue de l’amitié, de l’amour ou du travail. Seule ombre au tableau, ils sont inquiets de l’avenir de la planète, c’est-à-dire de la protection de l’environnement et du développement durable. À ce sujet, ils semblent avoir beaucoup de reproches à adresser à leurs aînés.
  • La tolérance et l’acceptation sociale. Les jeunes ont une relation différente face à la mixité culturelle, à l’acceptation des différences. Leur seuil de tolérance devant tout ce qui n’est pas la « norme traditionnelle » est plus élevé.
  • La priorité à l’action collective. La génération Y s’intéresse peu à la politique. Il semblerait par contre qu’elle accorde beaucoup plus d’importance au pouvoir des groupes de pression et à la solidarité de la société civile pour changer le cours des choses au détriment des institutions traditionnelles associées à la politique. Pour les jeunes, les institutions d’aujourd’hui représentent les artéfacts des baby-boomers et des « papy-boomers ».
  • L’ubiquité. Le pouvoir de la technologie permet aux jeunes d’expérimenter l’univers de la complexité et de la simultanéité des activités. Il n’est pas rare d’observer des jeunes qui réalisent plusieurs activités en même temps (clavarder, jouer, téléphoner, faire leurs devoirs, etc.). Pour eux, le zapping des activités est une chose courante. L’excès d’un tel trait de personnalité peut avoir, par contre, des répercussions néfastes. En effet, les institutions qui font la promotion de la santé et de la sécurité du travail sont inquiètes car l’univers du virtuel encourage les jeunes à penser en fonction de « plusieurs vies », ce qui leur fait courir beaucoup plus de risques que leurs aînés dans leur milieu de travail.
  • L’immédiateté et le sentiment d’accomplissement. Les jeunes ont un rapport différent au temps. Ils ne veulent pas attendre, désirant plutôt bénéficier rapidement de leur expérience, et ils ne sont pas très patients. Ils ont donc acquis des comportements nomades, en ce sens que la non-réalisation de leurs aspirations les conduit rapidement à la mobilité soit sur le plan professionnel, soit sur le plan géographique.
  • La pertinence de la notion de carrière. Un sondage de Léger Marketing mené récemment auprès de 455 finissants universitaires met en évidence les critères qui guident les jeunes dans leur recherche d’un emploi et d’un employeur. Comme l’illustre le tableau 1, les jeunes accordent la priorité à des perspectives de carrière intéressantes et à des défis stimulants. La rémunération ne vient qu’au cinquième rang. Fait intéressant, l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle apparaît au haut de la liste, ce qui s’éloigne des valeurs qui ont marqué l’histoire des baby-boomers.
  • La volonté d’avoir des interactions sociales. La génération Y est une génération qui cherche à établir des réseaux sociaux. La dimension collective revêt une importance particulière. Faire équipe avec d’autres collègues, tisser des liens, vivre l’esprit de clan au travail et dans sa famille sont des traits de caractère de cette jeunesse. Certains avancent même que pour ces jeunes, les parents sont plus significatifs que pour les générations antérieures.
  • La quête de nouvelles idées. Comme toute jeunesse sans doute le revendique, le goût de la nouveauté et du changement vient rejoindre la génération Y. Transformer les choses avec des collègues, voilà un élément qui motive et mobilise les jeunes.
  • Une constante validation. Face à l’abondance d’informations de toute nature sur le Web, les jeunes développent de plus en plus des habitudes de vérification, de contrôle et de validation de l’information. On peut s’attendre à ce que ce comportement s’étende à leur dynamique relationnelle.
  • Le flow ou la dépendance à la sensation. Finalement, les jeunes d’aujourd’hui sont associés au développement des sports extrêmes (extrémistes). Cette coïncidence a encouragé des chercheurs à poursuivre des travaux sur le phénomène du flow ou de la dépendance à la sensation forte. Ils affirment entre autres que le fait d’éviter la routine et la recherche d’une image pour se démarquer constituent les principales motivations des jeunes qui flirtent avec le risque. Le flow est comme une drogue; les jeunes en redemandent.

Des pistes de solution pour mieux gérer le pont entre générations

De même que les organisations doivent apprendre à mieux gérer les travailleurs expérimentés et l’extension de leur vie professionnelle, de même elles doivent mettre en œuvre des pratiques qui s’adressent plus spécifiquement à la nouvelle génération qui envahit le marché du travail. Cependant, les organisations doivent aller beaucoup plus loin en adoptant des stratégies et des pratiques qui permettront la cohabitation et la synergie entre générations. Nous retiendrons ici trois pistes de solution à envisager, soit le partage des connaissances, la transformation des rôles des gestionnaires et des syndicats, et enfin l’adaptation des pratiques de gestion des ressources humaines.

Le partage des connaissances

Les organisations sont condamnées à se positionner comme employeurs de choix, afin d’attirer les meilleurs talents sur le marché, de retenir les individus pour lesquels un investissement dans le développement de compétences a été réalisé, de développer les personnes ayant un potentiel élevé et de retenir les travailleurs vieillissants. Quand on sait que ce sont principalement les connaissances tacites qui constituent le capital de compétences d’un travailleur expérimenté, il est évident que la gestion de la transition entre la vieille et la nouvelle garde sur le marché du travail devient un enjeu stratégique important pour la société et pour les organisations qui la composent.

Une démarche systématique de gestion des connaissances comporte les étapes suivantes (Réseau CEFRIO, 2004) :

  • Établir une cartographie des connaissances qui fait émerger les contours du métier de l’organisation et qui détermine les connaissances prioritairement stratégiques.
  • Cerner les réseaux sociaux à l’intérieur desquels les connaissances sont produites et circulent. Les connaissances ne correspondent pas à la somme des connaissances individuelles, ce sont les fruits des interactions sociales dans les collectifs de travail.  Il s’agit alors de documenter la dynamique de pouvoir qui sous-tend les réservoirs de connaissances.
  • Déterminer le caractère critique des connaissances afin de permettre à l’organisation de délimiter les zones risquées (degré de dépendance face à quelques travailleurs expérimentés, pénurie de recrues sur le marché du travail, etc.).
  • Mettre en place des actions correctives ou préventives incluant l’intensification de la veille stratégique, l’ajout de personnel, la capitalisation des connaissances par un transfert intensif entre générations. Ces actions, qui prennent diverses formes, peuvent être relativement traditionnelles (programmes de formation, mentorat, entrepôt de données) ou encore innovatrices (communautés de pratique professionnelle entre générations, modélisation numérique et banque d’expertise, apprentissage en ligne). La mise en place de ces actions nécessite souvent un travail en profondeur de transformation de la culture de l’organisation, de sa dynamique sociale et des rapports entre les groupes d’intérêts. Il s’agit donc d’avoir des ambitions à la hauteur de la volonté de transformer l’organisation, sinon les stratégies de partage des connaissances se convertiront en une aventure technologique pour jeunes recrues.
  • Renouveler de façon dynamique les connaissances afin d’éviter les périodes et les moments potentiels d’amnésie organisationnelle par des actions de développement intégrant les jeunes et les employés chevronnés, des ateliers de discussion sur les métiers et les professions, des pratiques d’organisation du travail favorisant davantage d’interactions, etc.

Le piège qui guette les organisations est celui du modèle traditionnel où les jeunes seront dominés par les employés expérimentés, ces derniers imposant la nature et la forme des connaissances à transférer. Il faut donc viser le partage des connaissances plutôt que le transfert de celles-ci, car les jeunes ont aussi beaucoup à apporter aux organisations. Leur goût de l’innovation et de la créativité, leur aversion pour les pertes de temps, leur désir de pouvoir bénéficier de leurs compétences de même que leur affinité avec l’univers du virtuel et du Web ne doit pas s’éteindre au contact d’une bureaucratie étouffante. Les dirigeants doivent faire preuve d’ouverture et d’audace pour que la jeunesse et l’expérience cohabitent, et que cette synergie devienne une occasion pour transformer les milieux de travail.


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La transformation des rôles des gestionnaires et des syndicats

Les gestionnaires jouent donc un rôle crucial dans la construction de la carrière d’un employé ainsi que dans les relations que les plus jeunes entretiennent avec les plus expérimentés. Une enquête récente révèle que « tous les employés rencontrés (même ceux ayant une expérience positive du travail) ont formulé des reproches à l’endroit des gestionnaires et des pratiques de gestion. En effet, les employés, jeunes comme âgés, associent aux pratiques de gestion une bonne partie des difficultés qu’ils éprouvent au travail. Ainsi, pour la majorité d’entre eux, ce ne serait pas tant une question d’âge, ou le fait de travailler avec des personnes d’âge différent, qui rendrait plus difficile leur expérience de travail, mais plutôt les pratiques de gestion et les orientations institutionnelles » (Secrétariat du Conseil du Trésor, 2003 : 29).

Bien que la transformation des milieux de travail et des relations du travail soit une responsabilité partagée entre spécialistes, consultants, syndicats et gestionnaires, il n’en demeure pas moins que le gestionnaire est un acteur clé qui doit reconnaître l’enjeu du choc des générations, créer des occasions de communication et de partage, mettre le développement des personnes en tête de liste des priorités, et, finalement, être facilitateur dans le transfert des connaissances. Bien souvent, le gestionnaire est perçu comme un représentant de la génération des baby-boomers, gardien de la tradition et des coutumes organisationnelles. Il est maintenant interpellé dans son rôle de leader face à la transformation de l’organisation du travail, à l’instauration d’une tradition de gestion des carrières et à la mise en place de mécanismes permettant la cohabitation entre générations.

Outre les gestionnaires, les syndicats sont des acteurs incontournables face au défi de l’intergénérationnel (Lamonde et al, 2002). Non seulement le choc des générations est vécu à l’intérieur même des rangs des syndicats, mais de plus les conditions nécessaires à la synergie entre employés expérimentés et employés recrues ne peuvent voir le jour sans une transformation des règles du marché du travail, objet de négociation sociale entre patrons et syndiqués. Une réflexion s’impose afin que l’institution du syndicat séduise la jeune génération en faisant état de l’histoire des luttes du passé de même qu’en proposant «une offre de services» qui corresponde aux aspirations de la génération Y et des travailleurs du savoir hautement qualifiés. Des négociations sur l’organisation du travail, sur la mobilité professionnelle, sur la dotation des postes, sur les incitations financières, sur la flexibilité des avantages sociaux et des conditions de travail ainsi que sur la formation sont au menu du monde des relations du travail au cours des prochaines années. En l’absence de dirigeants et de gestionnaires responsables et visionnaires, les syndicats peuvent provoquer des débats sur l’enjeu de l’intergénérationnel et pousser les employeurs à s’approprier ce défi.

L’adaptation des pratiques de gestion des ressources humaines

En contexte de pénurie, il semblerait que les gestionnaires favorisent davantage l’embauche et la formation des jeunes, au détriment des employés plus expérimentés. Ce n’est qu’une question de temps avant que le clivage s’installe, à moins qu’on ne modifie certaines pratiques comme l’organisation du travail, la gestion des carrières et la formation. L’organisation du travail nécessitera encore plus de flexibilité qu’auparavant. Mais contrairement aux dernières années, la flexibilité sera davantage dictée par les besoins des personnes, pas juste par les besoins des organisations. Des cycles, des horaires, des conditions et des charges de travail adaptés aux plus jeunes et aux plus âgés doivent permettre à chacun des groupes d’y trouver en partie son compte. Comme on l’a déjà mentionné, les jeunes veulent tirer profit sans tarder de l’expérience acquise, ce qui entraîne de la fluidité et de la rapidité dans les mouvements de main-d’œuvre et dans l’ouverture des milieux de travail face au changement et à l’innovation. Par contre, les travailleurs plus âgés s’attendent à être respectés, à être mis à contribution pour partager leurs connaissances du métier et du patrimoine organisationnel. Cette flexibilité de l’organisation du travail devra se réaliser tout en respectant les principes d’équité qui ont toujours balisé les pratiques de gestion des ressources humaines et de relations du travail. En d’autres mots, il faudra éviter de créer une organisation du travail à deux vitesses et de reproduire le syndrome des clauses « orphelin » et des clauses «grand-père». En matière de formation, des investissements plus importants que dans le passé et des actions ciblées doivent reposer sur une analyse fine des personnes touchées. Des efforts visant à développer des talents de pédagogues chez les employés plus expérimentés et le recours aux nouvelles technologies de l’apprentissage pour les recrues en sont quelques exemples.

Conclusion

Le défi de la gestion de la diversité des âges et de l’intergénérationnel est au centre du progrès futur de la société. De nouvelles pratiques pour gérer les travailleurs expérimentés et les recrues de la génération Y ainsi que pour bâtir le pont entre générations sont à l’ordre du jour des gestionnaires et des syndicats pour les prochaines années. Les politiques publiques du marché du travail sont aussi interpellées car les employeurs, isolés et livrés à eux- mêmes et aux lois du marché, ne seront sans doute pas en mesure de relever un tel défi s’il n’existe pas de mécanismes d’ajustement visant à assouplir le fonctionnement du marché du travail. Peut-être faudra-t-il innover avec la même intensité dans les officines des institutions de régulation du marché du travail que dans les directions des ressources humaines des entreprises et les instances syndicales. Quant aux professionnels des ressources humaines, ils ont une occasion en or de gravir les échelons de l’échelle de la légitimité et de la notoriété dans les organisations en assumant des responsabilités liées à la transformation de l’organisation, de ses réseaux et de son tissu social. Ils ont à faire mentir le premier facteur de succès de la gestion de l’intergénérationnel tel que cité dans le magazine Business 2.0 : « S’éloigner des ressources humaines » (Kaihla, 2004).

Cet article a été écrit avec la collaboration de Naomie Icart, étudiante de deuxième cycle au département des relations industrielles de l’Université Laval.


Notes

1 Les emplois de travailleurs hautement qualifiés exigent habituellement un diplôme technique du collégial ou un diplôme universitaire. Ces emplois ont connu une croissance exceptionnelle de 1990 à 2002 avec 60 % des 450 000 emplois créés au Québec.

2 Il faut souligner que, d’ici 2014, c’est plus de 145 000 employés de l’État (incluant les réseaux de la santé et de l’éducation) qui partiront à la retraite. Pour la seule fonction publique (72 000), 40 % du personnel et 60 % des cadres partiront d’ici 10 ans (Secrétariat du Conseil du Trésor, 2004).

3 Certains secteurs de l’activité économique souffrent encore aujourd’hui de l’hégémonie du modèle masculin de gestion des ressources humaines. Par exemple, dans l’industrie associée à l’exploitation de la forêt au Québec (aménagement forestier, pâtes et papiers et transformation du bois), qui compte plus de 150 000 emplois directs et indirects, on observe que plus de 90 % de la main-d’œuvre est composée d’hommes. Les emplois occupés par les femmes sont principalement des emplois de bureau (Conseil de l’industrie forestière du Québec, 2004). La situation s’inverse dans des secteurs liés à la santé (soins infirmiers) ou à l’éducation (enseignement primaire).

4 Voir Tapscott (1998), Paré (2002), Gauthier et Gravel (2003), Pronovost et Royer (2003).

Plus de 80 % des jeunes de 18 à 24 ans utilisent Internet sur une base régulière (CEFRIO, 2004). Pour en savoir plus sur certaines initiatives de gestion de l’intergénérationnel, voir le devis du projet de recherche du CEFRIO intitulé « Le transfert intergénérationnel des savoirs à l’ère d’Internet ».


Références

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