Article publié dans l'édition Été 2002 de Gestion

Selon Howe et Strauss (2000), une nouvelle génération naît approximativement tous les 20 ans. Alors que certains traits, valeurs, attitudes et comportements sont communs à plus d’une génération, il est reconnu que chaque génération possède un nombre important de caractéristiques qui lui sont propres.

Depuis quelques années, un petit groupe de chercheurs s’intéresse de façon particulière à la génération Internet (Net generation) : celle des enfants et des adolescents nés entre 1977 et 1997. L’intérêt pour cette génération est lié, entre autres, au fait qu’elle est la plus populeuse du siècle qui vient de se terminer. En effet, on compte environ 81 millions de jeunes de 4 à 24 ans aux États-Unis seulement, ce qui représente près du tiers de la population de ce pays (Solomon, 2000). Au Canada, on estimait à plus de 8 millions le nombre de jeunes de moins de 5 ans en 2001, ce qui représente plus du quart de la population totale du pays (Statistique Canada, 2000). Comme le montre le tableau 1, les jeunes de la génération Internet représenteront le plus important segment de la population au Canada en 2006.

L’objectif premier du présent article consiste à caractériser les valeurs, les attitudes, les aspirations et les comportements de ces jeunes qui sont venus au monde dans la société du savoir et qui ont grandi avec l’omniprésence du réseau Internet dans leur vie. Nous examinerons également les rapports entre la culture Internet (Net culture) et les caractéristiques organisationnelles recherchées par la force de travail de demain. Pour bien comprendre ce qui distingue les jeunes de la génération Internet, il est essentiel de faire un bref retour en arrière et d’examiner les générations qui les ont précédés au cours du dernier siècle. Il convient de mentionner ici que le découpage historique présenté s’inspire principalement des travaux de Tapscott (1998), Howe et Strauss (2000), Cartier (1999) et Foot (1996, 1999).


LIRE AUSSI : « Vu d'ailleurs... La gestion de la diversité »


Un découpage historique

La première génération, qui s’étend sur près de 45 ans, comprend en fait deux groupes d’individus : ceux qui sont nés entre 1901 et 1924 et ceux qui sont nés entre 1925 et 1946. Malgré certaines différences que nous examinerons plus loin, ces deux générations sont souvent groupées en une seule puisqu’elles sont caractérisées principalement par le respect des valeurs dites traditionnelles.

TABLEAU 1 – Population projetée pour les années 2001 et 2006 au Canada (milliers)

2001 2006
Génération du millénaire (individus nés après 1997) 1 715,9    5,5 % 3 430,6    10,6 %
Génération Internet (individus nés entre 1977 et 1997) 8 281,2    26,7 % 8 613,4    26,7 %
Génération X (individus nés entre 1965 et 1976) 5 673,6   18,4 % 6 312,2    19,6 %
Baby-boomers (individus nés entre 1947 et 1964) 8 479,5    27,4 % 7 992,2    24,8 %
Traditionalistes silencieux (individus nés entre 1925 et 1946) 5 066,8    16,4 % 4 689,6    14,6 %
Traditionalistes bâtisseurs (individus nés avant 1925) 1 785,3    5,8 % 1 190,6    3,7 %
Population canadienne totale 31 002,2    100 % 32 228,6    100 %

Source : Statistique Canada (estimations effectuées en 2000).

Le premier groupe est formé de traditionalistes bâtisseurs. Au retour de la Première Guerre mondiale, ils se sont mis à la tâche d’édifier une société nouvelle. Ils ont survécu à la Grande Dépression et ont entrepris de reconstruire la société. Puis, ils sont allés faire la Deuxième Guerre mondiale et, au retour, ont construit l’économie, les villes, les autoroutes, les chemins de fer et les lignes aériennes de ce pays. Non seulement ils ont accompli des choses tangibles, mais ils ont aussi mis en place notre système social nord- américain axé sur la famille. La force de caractère des membres de cette génération a été le moteur de son succès et de sa longévité. Discipline, oubli de soi, esprit d’équipe et volonté de contribuer au bien commun : voilà les valeurs fondamentales qui ont guidé cette génération. Le deuxième groupe est formé des traditionalistes silencieux. Aujourd’hui à l’orée de la retraite, ce groupe constitue le gros des grands-parents de la génération Internet. Voici une génération née trop tard pour se signaler durant la Deuxième Guerre mondiale mais trop tôt pour faire partie des esprits libres de la révolution des consciences (Howe et Strauss, 2000). Les traditionalistes silencieux ont été des enfants très protégés qui ont grandi en voyant leurs parents faire de lourds sacrifices pour eux. Ce groupe a regardé faire les bâtisseurs et s’est identifié à leurs valeurs.

Ensuite sont nés les baby-boomers entre 1947 et 1964. On associe cette période de l’après-crise (communément appelée American high) à une prospérité économique sans précédent, à l’optimisme et à de grands espoirs ayant incité les traditionalistes à avoir plusieurs enfants. Aujourd’hui, les baby-boomers forment un groupe de près de 8,5 millions de personnes au Canada (Statistique Canada, 2000). Contrairement à la génération précédente, un large fossé s’est creusé entre les valeurs, les attitudes et les actes des baby-boomers et ceux de leurs parents. Parmi les raisons ayant favorisé le développement de ce fossé, on trouve les nouvelles méthodes d’éducation, l’influence de la télévision et, surtout, la disparité de niveaux de scolarité (et de perspectives intellectuelles) entre les baby-boomers et leurs parents.

Faisant partie de la génération la plus scolarisée de l’histoire, les membres de cette cohorte entretiennent habituellement une assez haute opinion d’eux- mêmes. À les entendre, on pourrait croire qu’il s’agit de la génération la plus innovatrice et la plus créative que l’Occident ait connue. Selon Foot (1996), cela est absurde. À 20 ans, les baby-boomers n’étaient guère différents des jeunes de 20 ans qui les avaient précédés. Et maintenant que la plupart d’entre eux approchent de la retraite, ils se comportent exactement comme les gens d’âge moyen se sont toujours comportés. Ce qu’ils ont d’exceptionnel, toutefois, c’est leur nombre. En 2001, les baby-boomers constituent la cohorte d’individus la plus importante du Canada et, pour cette raison, quand ils toussent, c’est tout le Canada qui s’enrhume (Foot, 1996). Ce n’est pas que les idées ou les produits pour lesquels ils s’enthousiasment soient si importants, c’est juste qu’on a l’impression que tout le monde en parle. En vieillissant, la génération des baby-boomers est restée fidèle à certains de ses principes fondamentaux : satisfaction des besoins personnels, certitude d’être une génération à part et résistance manifeste aux règles imposées par les générations précédentes.

La génération X, formée des per- sonnes qui sont nées entre 1965 et 1976, est la génération qui a succédé aux baby-boomers. Il s’agit d’une génération charnière qui a subi le passage de l’économie industrielle à la société du savoir, sans disposer du poids démographique des baby-boomers, et donc sans avoir autant de pouvoir (Cartier, 1999). À cet égard, elle vit les problèmes causés par la génération précédente : endettement individuel et national (obligation d’atteindre le déficit zéro, par exemple), détérioration de l’environnement urbain, rationalisation (downsizing) des entreprises, précarité des emplois, etc. L’expérience a appris aux membres de la génération X à se méfier des grandes institutions, que ce soit dans le secteur public ou dans le secteur privé (Foot, 1999). Ils n’ont pas mis longtemps à comprendre que, dans un monde surpeuplé, ils n’avaient d’autre choix que de « penser d’abord à soi ». Ainsi, la principale difficulté pour les membres de la génération X tient à la façon dont ils sont perçus par l’employeur. Recherchant avant toute chose la réalisation d’un équilibre entre le travail et la vie privée, ils sont moins dévoués à leur employeur et moins portés à consacrer de longues heures au travail que les générations précédentes. L’idée de commencer au bas de l’échelle et de gravir les échelons un à un ne leur sourit guère, car ils s’attendent à changer d’orientation professionnelle plus d’une fois dans leur vie. Ils ont de l’ambition, mais pour leur vie personnelle (la famille, les amis, l’engagement social) plutôt que pour leur vie professionnelle.

Enfin, contrairement aux adultes de la génération X, les jeunes de la génération Internet, dont les parents sont en majorité issus de la génération des baby-boomers, n’ont pas vécu le passage à la société du savoir; ils sont nés avec elle. Au même titre que la télévision a profondément marqué l’éducation des baby-boomers, Internet constitue un outil essentiel du développement tant cognitif que social des jeunes de la génération montante.

Plusieurs études rapportent en effet que les enfants et les adolescents ont aujourd’hui recours à l’informatique dans une grande variété d’activités. Par exemple, ils utilisent des ordinateurs, de nombreux logiciels et surtout Internet pour étudier et faire leurs devoirs, pour se divertir en jouant à des jeux, en participant à des discussions en ligne et/ou en téléchargeant de la musique sur le Web, pour s’informer ou faire de la recherche en ligne sur des sujets qui les passionnent, pour conseiller leurs parents lorsqu’ils font des achats en ligne et pour gérer leurs finances personnelles, pour ne nom- mer que ces activités-là.

En raison de la mondialisation des technologies de l’information, et en particulier d’Internet, on constate que les enfants et les adolescents du monde se ressemblent de plus en plus. Leur culture est homogène : ils aiment les sensations fortes, les nouvelles expériences et les voyages. Ils veulent profiter de tout immédiatement. Leur accès à la connaissance est marqué par la globalité et l’instantanéité de même que par le manque de méthode de travail. Leur sensibilité et leur imagination sont ouvertes à la création. Ils vivent dans un environnement beau- coup plus multiculturel et plurilingue, acceptant le fait qu’il puisse exister plusieurs façons de vivre (Cartier, 1999).

Ce que la plupart des adultes entendent dire des jeunes de la nouvelle génération semble plutôt négatif, car certains comportements de ces jeunes ont de quoi inquiéter les générations plus âgées qui les observent : musique forte, tatouage, perçage, mode de vie particulier. À première vue, ces jeunes semblent manquer totalement de leadership : ils seraient dépourvus d’initiative, de motivation, de la volonté de mener un projet à bien. Et puis il y a la question du suicide qui semble exercer sur eux une véritable fascination. Les jeunes de la génération Internet ne semblent toutefois pas se définir en fonction de ce que les autres disent d’eux. Oui, il y a effectivement une révolution à l’œuvre chez les jeunes d’aujourd’hui – une bonne révolution. Comme nous le verrons plus loin, leur rébellion consistera à se comporter non pas de façon pire, mais de façon meilleure que leurs prédécesseurs. Leur mission dans la vie ne sera pas de raser les vieilles institutions qui ne marchent plus, mais d’en construire de nouvelles qui marchent (Tapscott, 1998; Howe et Strauss, 2000).

La culture internet

Une nouvelle culture de la jeunesse est en voie de formation, une culture qui se caractérise par beaucoup plus que l’intérêt pour la musique techno, la planche à neige et la mode.

Cette nouvelle culture est ancrée dans l’expérience de la jeunesse, et le senti- ment d’être la génération la plus nombreuse de l’histoire. Mais surtout, elle découle de l’utilisation des médias numériques et interactifs. Nous devons tous ouvrir l’œil, rappelle Tapscott (1998), car la culture qui naît de l’expérience du cyberespace est annonciatrice de la culture que créeront ces jeunes demain, lorsqu’ils seront devenus les leaders de notre société et de nos organisations.

Depuis l’avènement de la Toile, des millions de jeunes du monde entier ont pris l’habitude de bavarder en ligne sur des sujets d’intérêt commun, comme les sports et la musique, mais aussi souvent sans autre intention que de converser avec d’autres jeunes du même âge. Au lieu de flâner au terrain de jeu ou au casse-croûte du coin, ou de rester devant l’écran de télévision, les jeunes sont de plus en plus nombreux à se brancher sur leur ordinateur pour discuter avec les copains, dont certains sont des voisins et d’autres vivent à l’autre bout du monde. Selon une étude menée par le groupe Environics Research, 79 % des Canadiens de 9 à 17 ans ont déjà utilisé Internet depuis la maison. De ce nombre, 71 % disent se brancher pour aller chercher des nouvelles et de l’information, tandis que 57 % aiment télécharger de la musique et 56 % utilisent le courrier électronique1. Une nouvelle étude complète, réalisée par le Pew Internet & American Life Project, a révélé que 73 % des adolescents américains de 12 à 17 ans, soit 17 millions de personnes, utilisent Internet. Les trois quarts des jeunes internautes disent qu’ils trouveraient difficile d’avoir à se passer d’Internet et près de la moitié considèrent qu’Internet a amélioré leurs rapports aux autres. Près du tiers disent qu’Internet leur a permis de se faire de nouveaux amis. Quant aux parents, 55 % de ceux qui ont des adolescents branchés estiment que la connaissance d’Internet est essentielle au succès futur de leurs enfants et 40 % trouvent qu’il s’agit d’un élément important2. Enfin, au Québec, les 18-24 ans représentent le groupe d’âge comptant la plus forte proportion d’internautes (73,2 %), suivis des 25-34 ans (65,4 %), puis des 35-44 ans (60 %) (CEFRIO, 2001).

À bien des égards, les jeunes de la génération Internet créent des collectivités de toutes sortes sur la Toile.

Certains membres de ces collectivités sont des jeunes que l’on a rencontrés à l’école et que l’on fréquente en chair et en os, mais on constate que de plus en plus ces collectivités font place à d’autres membres. Ces communautés virtuelles aident les enfants à acquérir de la maturité car elles les obligent à se forger des valeurs, à faire preuve de jugement, à analyser, à évaluer, à critiquer et même à venir en aide à un autre. Cette interaction encourage la confiance en soi, bien que souvent on fasse appel au cybergroupe pour trouver du soutien émotionnel (Tapscott, 1998). Les communications numériques peuvent se faire en temps réel (clavardage) et en différé (courriel, boîte vocale, téléconférence, babillard électronique, site Web). Les jeunes de la génération Internet ont tout le savoir du monde au bout des doigts, mais encore faut-il pouvoir y accéder. Il ne suffit pas de cliquer sur un lien, il faut savoir choisir le bon lien dans un menu comprenant souvent des milliers de possibilités. Jamais il n’a été aussi nécessaire pour les enfants de savoir lire, écrire et juger. Il ne suffit pas de pointer et cliquer. Il faut pointer, lire, penser et cliquer.

Mais qui sont-ils au juste?

Mentionnons d’abord que notre propos n’est pas de présenter un portrait complet des 88 millions de jeunes Américains et Canadiens issus de cette génération, mais plutôt de nous attarder à l’influence que l’usage répandu des médias numériques et interactifs, et plus particulièrement Internet et ses dérivés, exerce sur leurs valeurs, leurs attitudes, leurs aspirations et leurs comportements. Répétons que toute personne peut se démarquer de la cohorte générationnelle à laquelle elle appartient par sa naissance. Ce que nous essayons d’établir ici, c’est que chaque cohorte se caractérise par une tendance centrale qui la définit, mais ne définit pas nécessairement les individus qui en font partie. Nous résumons ci-dessous un profil des caractéristiques des jeunes de la génération montante telles que présentées par Tapscott (1998).

Un premier trait distinctif des jeunes de la génération Internet est qu’ils sont très indépendants et autonomes. Ce trait de caractère leur vient du fait d’être des chercheurs actifs d’informations au lieu d’être des capteurs passifs. Leur accès sans précédent à l’information leur donne aussi la capacité d’acquérir le savoir nécessaire pour vérifier les informations qui pourraient leur sembler erronées.

L’occasion qui leur est donnée de se construire une identité et de s’attribuer des rôles dans une collectivité virtuelle les aide également à s’affirmer lorsqu’ils se trouvent dans d’autres contextes sociaux.

La technologie fait évoluer les jeunes de la génération Internet non pas vers l’exclusion, mais vers une plus grande inclusion sociale. Leur art et la population internationale de leurs collectivités virtuelles témoignent de l’orientation mondiale de leur recherche d’information, de leurs activités et de leurs communications. Internet invite les jeunes à passer de la sphère locale à la sphère mondiale.

Bien des jeunes de cette génération pensent que leur ouverture sur le monde donnera lieu à des attitudes plus tolérantes.

En raison d’Internet, les jeunes sont exposés à une vaste quantité d’idées, d’opinions et de prises de positions. Comme on pourrait s’y attendre, ils trouvent que cette diversité est à leur avantage et constitue l’une des grandes qualités qui rendent Internet attrayant et utile. L’accès à l’information publique ainsi que la libre expression des idées et des opinions représentent pour eux des droits fondamentaux. En relation étroite avec cela, les jeunes de la génération Internet n’apprécient pas que leurs idées et leurs activités soient jugées suspectes du seul fait qu’ils sont des enfants.

C’est l’une des raisons qui leur font préférer Internet aux autres médias. En revanche, les adultes sont disposés à reconnaître que les jeunes qui utilisent les ordinateurs ont plus de maturité que les autres. Leur respect de la « netiquette » est le contrat social qui gère leurs collectivités virtuelles et montre bien que ces jeunes ne se considèrent pas comme des enfants.

Au début de l’ère de l’informatique, la plupart des ordinateurs traitaient l’information par lots : la saisie de données se faisait sur des cartes, des rubans ou des terminaux et l’information traitée était acheminée vers une imprimante ou un écran cathodique. L’écart entre les opérations d’entrée et de sortie pouvait être de plusieurs heures – parfois toute une nuit. La notion de « temps réel » sert à décrire les ordinateurs qui passent de l’entrée à la sortie de manière quasi instantanée. À mesure que les temps de traitement s’abrègent et que l’information circule à la vitesse de la lumière, le métabolisme de la culture des jeunes s’accélère à son tour. Plus de choses peuvent donc se produire dans une minute de la vie d’un jeune de la génération Internet. Ainsi, les enfants de l’ère numérique s’attendent à ce que les choses aillent vite parce que dans leur monde les choses vont vite. En ce sens, l’adulte typique résiste au changement et essaie le plus possible de s’y soustraire. Les jeunes de la génération Internet, par contre, sont nés dans un monde qui se réinvente radicalement tous les 10 ans. Ils sont à peine sensibles au changement; son absence leur paraîtrait anormale. Ils aiment l’imprévu et la transformation constante du paysage. Ils cherchent sans cesse de nouvelles façons de faire les choses et ont une forte propension à l’innovation et à la créativité.

Enfin, en raison de l’anonymat, de l’accessibilité, de la diversité et de l’ubiquité d’Internet, les jeunes doivent sans cesse valider ce qu’ils voient et entendent sur la Toile. Bien des sites donnent des renseignements faux, imprécis ou trompeurs. Les participants anonymes d’un groupe de discussion peuvent faire des affirmations fausses tout en pensant pouvoir s’en tirer facilement. La confiance est indispensable au sein d’une collectivité virtuelle. Elle se crée lorsque l’enfant possède une identité ferme dans ses communications en ligne et participe à des interactions régulières. L’enfant qui valide et utilise un service ou une source d’information pendant un certain temps apprend à avoir confiance en ceux-ci. Le système de courriel est jugé digne de confiance parce qu’il fonctionne bien et rend de bons services. Un engin de recherche devient digne de confiance parce qu’il est validé par l’expérience personnelle et le bouche à oreille entre les jeunes.

La culture internet et son influence sur le visage des organisations

Quand la génération montante fera son entrée sur le marché du travail, la conduite des affaires et le visage des organisations risquent d’être modifiés encore davantage. Comme nous l’avons déjà dit, les jeunes de ce groupe ont une assez forte notion de leur identité. Ils ont confiance en leurs capacités et, en ce qui concerne la connaissance des ordinateurs, ils se sentent souvent mieux outillés que la génération qui les précède. En plus, ils ont l’avantage du nombre et ont des idées passablement arrêtées sur la façon dont le travail doit se faire. Il faut dire qu’en réalité nous ne savons pas vraiment comment ces jeunes se comporteront au travail car, pour le moment, ils font leur entrée sur ce marché.

Cependant, tout porte à croire que les jeunes de la génération Internet seront, à bien des égards, assez semblables aux traditionalistes bâtisseurs : ils croient à l’action collective, ont une vision optimiste de l’avenir, font confiance à l’autorité centralisée, veulent accomplir des choses et savent affronter les vicissitudes de la vie d’une façon proprement héroïque (Zemke et al., 2000). Les économistes prédisent une montée en flèche de la productivité lorsque ces jeunes feront leur entrée sur le marché du travail. Il semble en effet que cette génération n’ait pas peur du travail, soit consciencieuse et disposée à renoncer à des plaisirs personnels au profit du bien collectif. La capacité de ces jeunes de travailler en équipe est invincible.

L’esprit d’inclusion est l’une de leurs plus grandes qualités, ce qui veut dire qu’ils préfèrent créer des réseaux et se mettre en quête de nouveaux travailleurs et de nouvelles idées pouvant contribuer à la réalisation du travail (Tapscott, 1998). Qui plus est, la génération Internet sera la génération la plus instruite de l’histoire, et elle poursuivra sans doute son travail d’apprentissage pendant la plus grande partie de la vie adulte. Et comme elle saura utiliser la technologie de façon originale, on peut penser qu’elle formera la main-d’œuvre dont plusieurs rêvent depuis longtemps.

À mesure que les différents thèmes de la culture Internet que nous avons décrits ci-haut commenceront à s’appliquer au secteur de la création de la richesse, nous verrons de nouvelles orientations se créer au sein de l’entreprise. Les rapports entre la culture de la génération Internet et les caractéristiques organisationnelles recherchées par les jeunes de la génération montante se trouvent résumés au tableau 2.

TABLEAU 2 – Rapport entre la culture Internet et les caractéristiques
organisationnelles recherchées

Culture internet

Caractéristiques organisationnelles
recherchées

Indépendance et autonomie
Tolérance et acceptation sociale
Liberté d’expression
Innovation et changement
Maturité et respect
Immédiateté
Authentification

Structure moléculaire et flexible
Partage d’idées et collaboration
Entreprise apprenante
Innovation constante
Reconnaissance en fonction de la contribution
Temps de réaction zéro
Nouveau sens du terme «confiance»

Source :Adapté de Tapscott (1998 : 211).

Une structure moléculaire et flexible

Les jeunes de la génération Internet ont beaucoup d’autonomie car ils ont déjà de l’expérience dans l’établissement actif de communications et la recherche d’informations (Hyatt, 2001). On peut donc s’attendre à ce que le travailleur de cette génération soit bien disposé à travailler comme une « molécule ». Dans l’économie du savoir, Tapscott (1996) soutient que tout ce qui était « masse » devient « molécule ». La structure moléculaire des organisations est basée sur l’individu (human molecule). Chaque molécule est embauchée afin de réaliser un projet temporaire, faisant partie d’une équipe réunie en vue de résoudre un problème ponctuel, ou afin de s’intégrer à une « organisation virtuelle » qui rassemble plusieurs spécialistes travaillant sous les ordres d’un coordinateur qui fait appel à des membres précis de l’organisation chaque fois que l’on a besoin d’eux (Foot, 1999). Sur le plan fonctionnel, la production à la chaîne se transforme et donne lieu à la production d’objets exclusifs, comme dans le cas du configurateur de la firme Dell Computers. Pour sa part, le marketing de masse devient lui aussi moléculaire, chaque client étant traité comme un marché distinct.

Ainsi, l’ancienne structure de gestion d’entreprise cède sa place à des structures moléculaires plus fluides et flexibles dans lesquelles de jeunes travailleurs du savoir collaborent le plus naturellement du monde au sein de grappes sans cesse changeantes d’équipes et de réseaux. Il faut beau- coup d’autonomie, de motivation personnelle et d’entrepreneurship pour fonctionner ainsi en tant qu’unité individuelle, ce qui explique peut-être la lenteur qu’on observe actuellement dans la mise en œuvre de ces idées.

Dans une entreprise flexible, les employés ont des tâches multiples, apprennent sans cesse de nouvelles compétences et acceptent volontiers de changer de tâche ou d’affectation.

Ils sont parfois responsabilisés au point qu’on leur demande de créer et de définir eux-mêmes leur propre emploi à travers le développement de nouveaux projets. L’organisation moléculaire elle-même poursuit plus d’un objectif et procède à de rapides transitions. Une organisation souple baigne dans l’ambiguïté, élimine les descriptions de postes et crée des équipes ad hoc qui se font et se défont au gré des tâches à accomplir (Ashkenas et al., 1995).

Le partage d’idées et la collaboration

La culture de la génération Internet est inclusive. Elle cherche à réseauter les personnes et les idées. Il se peut qu’elle soit la génération la moins sensible à la couleur de la peau, au sexe ou aux autres distinctions sociales qu’ont établies toutes les générations qui l’ont précédée. Les jeunes de la génération Internet s’intéressent aux idées. Ils jugent les gens en fonction de leur contribution. Il faut donc s’attendre à des changements dans la notion d’autorité.

Encore aujourd’hui, l’autorité découle du niveau occupé dans la hiérarchie, décrit par un titre de poste, et s’inspire de la structure de l’autorité familiale. Mais en raison du chevauchement des générations, les enfants et les adolescents font aujourd’hui autorité, pour la première fois, sur un sujet d’importance. Dans les familles et dans la culture Internet, les gens se respectent pour leur compétence dans divers domaines. Ce genre d’attitude favorise les rapports d’égalité plutôt que la hiérarchie. En somme, pour les jeunes de la génération montante, la hiérarchie constitue une entrave sérieuse à la créativité, à la motivation, à l’engagement ainsi qu’à la réalisation personnelle par le travail (Tapscott, 1998).

L’entreprise apprenante

Les progrès technologiques ont fait en sorte que de nombreux emplois qui ne nécessitaient auparavant que des compétences manuelles exigent aujourd’hui de savoir lire, écrire et compter. Dans un contexte où les marchés sont changeants, où la technologie évolue sans cesse, où les concurrents se multiplient et où les produits deviennent désuets à une vitesse effarante, les entreprises qui réussissent sont celles qui parviennent à créer sans cesse du nouveau savoir, à le diffuser rapidement à tous les échelons de l’organisation et à le transformer rapidement en de nouvelles technologies et en de nouveaux produits. En ce sens, la culture Internet est fondée sur le réseautage du savoir et le partage d’idées.

Selon Nonaka (1998), dans une société axée sur le savoir, nul service ou groupe de spécialistes n’a la responsabilité exclusive de créer le savoir. Les cadres supérieurs, les cadres intermédiaires et les employés de première ligne participent tous au processus. La valeur de la contribution de chacun est déterminée non pas par son niveau dans la hiérarchie, mais par l’importance de l’information qu’il a apportée au processus de création du savoir. Les employés stimulés par de nouveaux défis et de nouvelles occasions d’apprendre sont plus productifs que ceux qui se sentent prisonniers de la routine et qui n’ont aucune perspective de changement ou de promotion (Foot, 1996). De même, les gens qui passent latéralement d’un service à l’autre emportent rarement avec eux leurs vieilles habitudes de travail. Tout à coup, de nouvelles idées se font jour.

Mentionnons enfin que les équipes ad hoc jouent un rôle primordial dans ce genre d’entreprise parce qu’elles constituent un milieu de partage où chacun peut entrer en rapport avec les autres et se livrer à un dialogue propice à une réflexion utile.

L’innovation constante

L’innovation est la principale caractéristique de la culture Internet. C’est l’innovation, plutôt que les facteurs traditionnels tels les économies d’échelle, l’accès aux matières premières, la productivité et le coût de la main-d’œuvre, qui détermine le succès dans la nouvelle économie. Les entreprises du XXIe siècle réussiront grâce au renouvellement constant de leurs produits, de leurs systèmes, de leurs procédés, de leurs usines, de leurs techniques de mise en marché et de leur main-d’œuvre. La génération Internet donnera sans doute une signification nouvelle à la notion d’innovation. Car sa façon de penser est complètement libérée par comparaison à celle des baby-boomers. Cette génération a su maîtriser de nouveaux outils de collaboration. Et elle n’a pas peur de dire : « Pourquoi pas? ».

Les organisations qui réussissent dans un monde en pleine mutation trouvent l’innovation essentielle. Faire le travail d’aujourd’hui à la mode d’aujourd’hui est un excellent moyen de devenir démodé. Les organisations sans frontières sont sans cesse à la recherche de l’inhabituel, du différent, de l’impensable. Elles créent des pro- cédés et des environnements nouveaux qui encouragent et récompensent la créativité, tandis que les entreprises qui misent sur le contrôle ont plutôt tendance à étouffer la créativité, et leurs employés qui veulent innover se mesurent à une lourde bureaucratie, car l’innovation met en péril les façons de faire traditionnelles (Ashkenas et al., 1995).


LIRE AUSSI : « L'avenir de l'innovation Jugaad : juste équilibre entre excellent et satisfaisant »


La reconnaissance en fonction de la contribution

En raison de leur expérience par rapport à Internet, les jeunes accordent plus d’importance à la contribution intellectuelle qu’à n’importe quel autre critère. Ils s’attendent donc à ce que la reconnaissance de l’entreprise soit fonction de la contribution et de l’expertise de chacun, plutôt que de l’ancienneté (Solomon, 2000). Cette génération sait que le savoir des employés constitue le capital le plus important de toute entreprise moderne et, comme nous l’avons vu précédemment, ils ne demandent pas mieux que de participer activement à la création de la richesse de l’entreprise (Tapscott, 1998).

Les stratégies de recrutement et de fidélisation traditionnelles, principalement axées sur des critères financiers – salaire compétitif, actionnariat, primes au rendement –, se révéleront sans effet si elles sont appliquées seules (Alch, 2000). Selon Solomon (2000), en plus de ces critères, les jeunes de la génération Internet s’attendent à travailler dans un environnement offrant une grande souplesse non seulement au point de vue de l’organisation, mais aussi au point de vue de la définition même du travail. Ils voudront également pouvoir compter sur des collègues qui leur feront pleinement confiance et en qui ils pourront avoir confiance à leur tour. Par ailleurs, ils se sentiront en pleine possession de leurs moyens lorsque l’information circulera librement parmi l’ensemble des employés. Enfin, ils désireront évoluer dans un environnement permettant d’enrichir continuellement leurs connaissances, afin de pouvoir relever de nouveaux défis (Lovern, 2001). Toutes ces stratégies représentent des formes distinctes de reconnaissance qui seront recherchées par les jeunes de la génération Internet auprès des entreprises et des employeurs.

Le temps de réaction zéro

Un autre thème caractéristique de l’univers de la génération Internet est celui de l’immédiateté, qui convient parfaitement à l’entreprise de demain, qui sera une entreprise en temps réel, c’est-à-dire occupée à s’adapter constamment à l’évolution des demandes des clients, aux capacités des fournisseurs et aux conditions du monde des affaires. L’univers de la culture Internet avec ses nombreuses fenêtres ouvertes en même temps, ses nombreuses activités en temps réel, sa main-d’œuvre très diversifiée, ses sources d’information multiples et ses nombreuses applications fonctionnant de manière simultanée, est un univers en temps réel.

Il va sans dire qu’un tel environnement exige de la part des entreprises un haut niveau de flexibilité (Hyatt, 2001). C’est ce qu’a compris la firme danoise Oticon, qui se spécialise dans la fabrication et la vente d’appareils auditifs. En effet, dans le cadre de la transformation qu’elle a accomplie à la fin des années 1980, Oticon a décidé de diminuer son temps de réaction non seulement en ayant recours aux technologies de l’information comme principal moyen de diffusion de l’information et de la connaissance, mais également en augmentant la flexibilité au sein de la compagnie par le biais de l’élargissement du réservoir de compétences et d’expertises de ses employés (De Basquiat et Rivard, 1998). Ainsi, la compagnie exige de la part de chacun de ses employés qu’il maîtrise un minimum de trois habiletés distinctes l’amenant à occuper plusieurs fonctions au sein de l’organisation. La mise en place d’équipes ad hoc visant à résoudre des problèmes ponctuels (comme un besoin particulier d’un client) est conséquemment accélérée. Une telle pratique supporte adéquatement la structure par projets privilégiée par Oticon. Les jeunes de la génération Internet, qui, comme nous l’avons vu plus tôt, sont tenus d’être compétents dans plusieurs domaines, privilégieront un tel type d’environnement de travail.

Le nouveau sens du terme « confiance »

Tout comme la confiance est indispensable au sein des collectivités virtuelles, elle est le fondement de l’entreprise en réseau (Dubé et Paré, 1999). Pour que l’entreprise puisse asseoir son pouvoir de gestion, Stratford Sherman dit que « les conditions du succès dans les rapports commerciaux sont les mêmes que dans les rapports personnels : promesses tenues, partage, équité, sagesse », le tout conduisant à une relation de confiance. Dans l’entreprise, le rapport le plus fondamental est celui qui s’établit entre l’employeur et l’employé. La tendance à la molécularisation, dont nous avons parlé précédemment, en est la manifestation. De toute évidence, l’employé moléculaire a beaucoup de mobilité et peut profiter de nombreuses offres, tant dans l’entreprise qu’ailleurs. La loyauté traditionnelle, c’est-à-dire la gratitude exprimée à l’employeur qui vous offre un emploi à vie, est une affaire du passé, que les restructurations et les compressions d’effectifs du début des années 1990 ont fait disparaître à jamais. Les jeunes de la génération Internet peuvent s’attendre à réorienter leur carrière de cinq à huit fois (Alch, 2000), et à modifier la totalité de leur savoir plusieurs fois pendant leur vie. Il va sans dire qu’ils vont aussi changer d’employeur plusieurs fois dans leur vie professionnelle. Leurs rapports de travail ne seront pas tant ceux qui s’établissent entre un patron et un employé que ceux qui s’établissent entre un client et un entre- preneur, entre les membres d’une équipe, entre le maître et l’apprenti.

Ces jeunes n’agiront pas simplement pour obéir à un ordre, pour satisfaire un supérieur, par crainte de la punition ou en vue d’obtenir un avantage ou une récompense. Leurs facteurs de motivation seront les objectifs à atteindre, l’innovation, la volonté de prendre part à la création de quelque chose d’important ou de beau. Et dans tous ces contextes, il faudra avant tout créer des rapports de confiance (Hyatt, 2001).

CONCLUSION

Nous avons soulevé dans cet article un certain nombre d’implications liées à l’arrivée imminente des jeunes de la génération Internet dans les organisations. Nous nous sommes en fait limité à préciser quelques-uns des constituants qui définissent le type d’environnement de travail privilégié par les jeunes de la génération mon- tante. Ces constituants concernent à la fois les structures (moléculaires, flexibles, sans frontières, etc.), les valeurs (confiance, respect, liberté d’expression, etc.), les pratiques de gestion (transparence, gestion de carrières, reconnaissance, etc.) et les facteurs de succès (innovation, flexibilité, etc.) des organisations qui seront recherchées par cette future cohorte d’employés. La manière dont les dirigeants doivent intégrer et gérer adéquatement ces jeunes demeure toutefois une question sans réponse définitive, du moins pour l’instant. À notre avis, les efforts de recherche futurs devront pointer dans cette direction afin de fournir des prescriptions éclairées et pertinentes aux gestionnaires et aux dirigeants.

L’auteur tient à remercier le CIRANO pour son appui financier aux recherches ayant alimenté les réflexions développées dans cet article.


Notes

1 Source

2 Source


Références

Alch, M.L., «Get ready for a new type of worker in the workplace: The net generation», Supervision, vol. 61, no 4, 2000, p. 3-7.

Ashkenas, R., Ulrich, D., Todd, J., Kerr, S. (dir.), «A new world order: Rising to the challenge of new success factors», dans The Boundaryless Organization, Breaking the Chains of Organizational Structure,Jossey-Bass, 1995, p. 1-30.

Cartier, M., «2005 : la nouvelle société du savoir et son économie», 1999, consulté le 11 juillet 2001 sur le site.

CEFRIO, «Sondage NETendances 2001 CEFRIO – Léger Marketing», 2001, consulté le 18 avril 2002 sur le site.

De Basquiat, S., Rivard, S., OTICON A, Centrale de cas, HEC Montréal, 1998.

Dubé, L., Paré, G., «Les technologies de l’information et l’organisation à l’ère du virtuel», Gestion, vol. 24, no 2, 1999, p. 14-22.

Foot, D.K., Entre le boom et l’écho : comment mettre à profit la réalité démographique,Boréal, 1996.

Foot, D.K., Entre le boom et l’écho 2000 : comment mettre à profit la réalité démographique à l’aube du prochain millénaire,Boréal, 1999.

Howe, N., Strauss, W., Millennials Rising: The Next Great Generation,Vintage Books, 2000.

Hyatt, L., «Understanding the generation gap», The Canadian Journal of Workplace Issues, Plans and Strategies,août 2001, p. 24-26, 38.

Lovern, E., «New kids on the block», Modern Healthcare, vol. 31, no 5, 2001, p. 28-32.

Nonaka, I., «The knowledge creating company», Harvard Business Review on Knowledge Management, Harvard Business School Press, 1998, p. 21-45.

Solomon, C.M., «Ready or not, here come the net kids», Workforce, vol. 79, no 2, 2000, p. 62-68.

Tapscott, D., The Digital Economy,McGraw-Hill, 1996. Tapscott, D., Growing Up Digital: The Rise of the Net Generation,McGraw-Hill, 1998.

Zemke, R., Raines, C., Filipczak, B., Generations at Work: Managing the Clash of Veterans, Boomers, Xers, and Nexters in Your Workplace,AMACOM, 2000.