Dans un monde marqué par l’incertitude et la complexité, on assiste à l’émergence de leaders plus discrets qui se démarquent notamment par leur bienveillance et leur sens de l’écoute. Aperçu d’une ascension qui ne passe pas inaperçue. 

Le leader à la personnalité charismatique, influent et tout puissant, est une image encore très présente dans les esprits comme sur le terrain. Mais aujourd’hui, on assiste à l’émergence d’un autre modus operandi.

Moins ancré dans la personnalité d’un individu, le leadership se veut davantage une façon de poser des actes et des gestes dans le but d’engendrer des transformations au sein de l’équipe. Pour mettre en place les conditions nécessaires à cette nouvelle dynamique, le sens de l’observation et de l’écoute, la sensibilité aux autres et même l’humilité constituent les qualités cardinales de ces leaders qui savent se montrer discrets.

Écoute, respect et observation

Josée Lortie, professeure invitée à HEC Montréal et associée au Centre Pierre Péladeau – Leadership et Management, confirme que ce mode de gestion est désormais plus fréquent. Elle a d’ailleurs pu observer cette tendance à l’œuvre lorsque, au doctorat, elle étudiait le milieu de la restauration. «J’ai constaté que quand le chef cuisinier se montrait engagé et faisait preuve d’un leadership organique, le personnel avait tendance à rester à leur emploi. Il ne s’agit pas nécessairement de chefs flamboyants, mais plutôt de personnes qui sont à l’écoute. Elles sont observatrices, elles sont sensibles aux changements, elles font preuve de respect et savent créer des conditions favorables au travail d’équipe», illustre-t-elle. Dans le cadre de son travail de recherche, elle a d’ailleurs constaté que le chef d’un restaurant montréalais bien connu et très apprécié de ses employés – dont elle doit taire le nom pour préserver son anonymat – n’hésite pas à donner un coup de main au plongeur lorsque la vaisselle sale s’accumule.

Or ce n’est pas tout, car la capacité à déléguer et à donner aux autres la possibilité de poser des questions et de prendre des initiatives s’avère également essentielle. Au bout du compte, les équipes développent leur autonomie et se montrent davantage engagées auprès de l’entreprise.

Pour sa part, le conseiller en ressources humaines agréé (CRHA) et coach certifié Jorj Helou souligne qu’en responsabilisant son équipe, le leader aide cette dernière à travailler plus efficacement. «Il doit aussi garantir les conditions optimales et fournir les ressources pour que ses employés puissent performer. En ce sens, il se montre effectivement discret, car c’est une tâche qui s’effectue en coulisse et non sur le devant de la scène», fait-il valoir. Selon lui, la confiance – faire confiance et l’inspirer – est un élément clé, tout comme adopter la posture d’un leader coach qui se met au service de son équipe l’est. Là encore, cela nécessite de rester à l’écoute, de poser des questions et d’engager des conversations, au lieu de tenir des monologues.

«Autrefois, le gestionnaire dictait ce qu’il attendait de ses employés, les laissait se débrouiller et [rejetait la faute sur eux] s’il n’obtenait pas ce qu’il avait demandé. Aujourd’hui, on se situe davantage dans une dynamique de leader bienveillant : celui-ci indique le résultat souhaité et donne les outils pour l’atteindre», explique Jorj Helou. «Pour les équipes, chaque nouveau projet devient donc une occasion de croître, de grandir et d’améliorer leurs compétences, ce qui constitue une approche très différente», poursuit-il.

Un changement éloquent

Josée Lortie estime que ce changement de paradigme en dit long sur notre société. «Les gens sont en quête de sens et se posent beaucoup de questions sur leur rapport au travail ainsi que sur la valeur qu’on accorde à celui-ci», fait-elle remarquer.

Il reste que, pour réussir la transition, les leaders doivent jouer le rôle d’observateur et apprendre à réduire le niveau de contrôle qu’ils exercent. «Le leader charismatique fait habituellement montre d’autorité et veut tout gouverner. Un leader véritablement voué à son équipe, au contraire, sera capable de déléguer et de confier des responsabilités», affirme la professeure. Cela nécessite toutefois une certaine forme de courage de la part du gestionnaire, comme le fait remarquer Jorj Helou. «Il faut oser faire confiance et apprendre à lâcher prise. Ce n’est pas facile, mais cela fait grandir en tant que leader», insiste-t-il.

Il n’empêche que le leader devra assumer son autorité et ne pas rester les bras croisés s’il observe des incohérences, par exemple si les valeurs qu’il prône et met de l’avant dans ses actions ne sont pas respectées. «Le danger, c’est de ne rien faire. Il faut agir et trancher, si besoin est. Pour cela, il lui faudra être très sensible à ce qui se passe autour de lui et apporter rapidement les rectificatifs qui s’imposent», mentionne Josée Lortie.

Néanmoins, le jeu en vaut la chandelle, car au bout du compte, c’est une véritable communauté qui se créera autour de lui, unie autour de valeurs et d’objectifs communs.