L’analyse des services publics se divise en deux étapes. La première isole la production des biens intermédiaires, tels le programme de baccalauréat en science économique ou même le cours Économique 101. La seconde consiste à établir la relation entre, d’une part, les biens intermédiaires et l’environnement, comme la formation antérieure de l’étudiant et ses différentes caractéristiques, et d’autre part le bien final, soit la formation acquise en science économique.

Cette distinction entre bien intermédiaire et bien final est fondamentale. La production des biens intermédiaires dans les services publics ne se distingue pas essentiellement de la production des produits en général. Il devient possible d’appliquer les différentes techniques employées couramment dans le secteur privé. L’utilisation de l’ordinateur pour établir les horaires de cours ou pour simuler l’impact de l’accroissement d’un nombre déterminé d’étudiants en témoigne. En fait, toutes les mesures de dépenses par unité de service (coût par étudiant, coût d’hospitalisation par patient-jour ou traitement) se limitent aux biens intermédiaires. C’est à l’étape des relations entre les biens intermédiaires et bien final que les sciences sociales prennent toute leur importance. Quelle est la relation entre le nombre et le type de crédits qu’impliquent un programme et sa qualité? La prolifération des cours à option contribue-t-elle de façon appréciable à l’amélioration de la formation, qui conserve d’ailleurs différentes dimensions? Quelle est la relation entre le nombre de patrouille-kilomètres et le degré de sécurité d’un territoire?


LIRE AUSSI: « L'économie sera sociale ou ne sera plus! »


Une distinction souvent oubliée

La distinction entre bien intermédiaire et bien final est généralement oubliée, comme en témoigne le recours aux nombre de diplômés pour mesurer la dimension enseignement de l’université. Est-ce une bonne mesure? Deux sociologues ont étudié, sur une période de quatre ans, 2 322 étudiants dans vingt-quatre institutions américaines décernant des baccalauréats. Voici quelques-uns de leurs résultats :

  • Si le test utilisé, le Collegiate Learning Assessment, est mis sur une échelle traditionnelle de 0 à 100 points, 45 % des étudiants n’auraient pas montré des gains, pas même un point au cours des deux premières années de collège, et 36 % des étudiants n’auraient pas montré de tels gains (un point) sur les quatre années de collège.
  • Les 36 % des étudiants qui déclarèrent avoir passé cinq heures ou moins par semaine en étude individuelle avaient 3,16 comme moyenne des dossiers de leurs notes. » [soit entre B et B+)]
  • Pour un semestre typique, 32 % des étudiants ne prennent pas un seul cours avec plus de 40 pages de lecture par semaine, et 50 % des étudiants n’ont pas pris de cours exigeant plus de 20 pages d’écriture au cours du semestre.  (ARUM et ROKSA, 2011 : WK10)

Le danger d’oublier cette distinction

Quand une situation est difficile à objectiver, elle est soumise à une multitude d’interprétations plus ou moins valides. Ainsi, des professeurs soutiennent que la qualité d’un cours décroît rapidement quand le nombre d’étudiants dépasse un quelconque point critique ou que la qualité du programme demande la multiplication de cours spécialisés au lieu d’une maîtrise des questions de base. De telles propositions deviennent l’expression du souci du corps professoral d’obtenir de meilleures conditions de travail et de projeter ses intérêts et son cheminement sur l’ensemble des étudiants qui ne poursuivront pas une carrière académique. Et pourtant, ce sont des revendications qui ont un impact sur le niveau des dépenses et un résultat indéterminé sur la qualité de la formation.

Pourquoi le peu d’intérêt consacré au bien final ?

Un fait demeure : l’output ou le bien final des services publics ne suscite pas beaucoup d’intérêt. Les évènements du printemps 2012 au Québec sur les augmentations des frais de scolarité en fournissent une illustration : le débat ressemblait à une remise en question du prix du bœuf sans se demander si la référence était pour le filet mignon ou le jarret. La présente qualité de la formation universitaire est peu présente dans les interventions même pour les organisations représentant les professeurs d’université. N’est-il pas étonnant de voir qu’une revue comme Protégez-Vous évalue les différentes marques de produits domestiques sans s’intéresser aux secteurs de l’éducation et de la santé qui représentent une part appréciable et comment plus importante de l’économie? En plus des difficultés de connaître la valeur de l’output final, une importante explication du peu d’intérêt porté au bien final du secteur public provient de l’approche romancée qui demeure pour une grande partie de la population envers les institutions publiques. Malgré les multiples 'scandales', la romance voudrait que ces institutions soient à la recherche du bien commun. Pourtant, elles sont des créatures bien humaines.