Riche en théorie, ce pays sud-américain est aux prises avec de sérieux et de graves problèmes économiques.

Canada-VenezuelaL'Amérique du Sud défraie la manchette ces dernières semaines, et pas pour les bonnes raisons. Après le Brésil, aux prises avec un mélodrame politique et une économie en plein recul, le tout à quelques semaines de l'ouverture des jeux olympiques de Rio de Janeiro, c'est le Venezuela qui fait maintenant parler de lui.


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Une spirale plongeante

La situation économique et politique de ce pays sud-américain est critique, et ces quelques données sauront vous convaincre de la chose. Selon des statistiques du Fonds monétaire international (FMI), rapportées par CNN (lire l'article de Patrick Gillespie intitulé « Venezuela: the land of 500% inflation »), le taux de chômage pourrait grimper à 21 % l'an prochain. L'inflation flirte avec la barre des 500 % et le pays connaît une flambée sans précédent des prix des aliments de base. Cette hausse des prix frappe évidemment de plein fouet les quelque 29 millions d'habitants du pays, mais aussi certaines entreprises qui, faute d'ingrédients essentiels, ont dû fermer leur portes et mettre à pied des milliers de travailleuses et de travailleurs. Ce fut entre autres le cas de Coca-Cola qui, ne pouvant compter sur un approvisionnement suffisant en sucre, a tout simplement arrêté la production de ses boissons gazeuses (lire l'article de Patrick Gillespie et Rafael Romo, « Coke stops production in Venezuela amid sugar crisis »). Quant aux Vénézueliens, ces derniers doivent faire face à des prix hors de contrôle et une disponibilité très aléatoire pour des produits, outre le sucre, tels que le lait, la farine, le savon et même le papier hygiénique. Il en va tout autant pour les fournitures médicales, qui font grandement défaut. Et c'est sans parler de la plongée du bolívar, la monnaie locale, qui a perdu 100 % de sa valeur par rapport au dollar américain, et ce en quatre années et demie. Et comme si ça ne suffisait pas, les perspectives d'avenir à court terme ne sont guère reluisantes : selon le FMI, le pays possède à l'heure actuelle le pire taux de croissance du PIB, le neuvième pire taux de chômage et le second taux d'homicide de la planète.  

Le paradoxe vénézuélien

Difficile à croire, lorsque l'on sait que le pays est assis sur les plus grosses réserves pétrolières de la planète! Et c'est pourtant probablement là que le bât blesse, car l'or noir constitue sans contredit l'une des causes de la descente aux enfers du Venezuela. De fait, 95 % des revenus d'exportation du pays sont attachés à la vente de pétrole à l'étranger. Mais la chute brutale des cours du baril aura évidemment provoqué un assèchement de ces mêmes revenus et un catastrophique manque à gagner pour l'État qui, à l'instar de certains autres pays pétroliers (dont l'Arabie saoudite, dont nous avons parlé dans notre article « La faillite de l'État wahhabite? »), ont eu la mauvaise idée de mettre tous leurs œufs dans le même panier, pétrolier s'entend.

Autre problème majeur, le contrôle des prix. Instauré par le défunt président Hugo Chávez afin de venir en aide aux plus démunis, ce contrôle sur certaines denrées alimentaires jugées de base aura toutefois, en pratique, forcé les producteurs de ces mêmes denrées à produire à perte, certains abandonnant même carrément leurs exploitations agricoles. Ceci expliquant cela, les pénuries et les files d'attente causées par la rareté des produits sont aujourd'hui devenues courantes dans les rues de la capitale Caracas et dans celles d'autres localités du pays.

Évidemment, cette crise économique d'ampleur se déploie sur un fond de tensions sociales et politiques, alors que le successeur de Hugo Chávez, le président Nicolas Maduro, est actuellement engagé dans un bras de fer avec la rue et l'opposition : près de deux millions de Vénézuéliennes et de Vénézuéliens ont récemment signé une pétition demandant sa destitution. Inaction, mauvaise planification, vision à courte vue et corruption : « The Venezuelan government is doing a good job of leading itself into chaos », notait récemment avec ironie un analyste, cité par le le New York Times (lire l'article « How Venezuela Fell Into Crisis, and What Could Happen Next », par Rick Gladstone).

Quoi qu'il en soit, les observateurs ne sont pas particulièrement optimistes quant aux chances du pays de mettre la tête hors de l'eau rapidement. L'un de ces derniers, toujours cité par le New York Times dans l'article évoqué ci-haut, prédit que l'inflation pourrait même surpasser les 1 600 % l'an prochain. Rien pour stabiliser économiquement le continent sud-américain qui voit ses économies fortes vaciller...