La croissance sera fonction de l'évolution de la productivité des services
2016-07-04
French
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2023-10-02
La croissance sera fonction de l'évolution de la productivité des services
Selon les prévisions de l’Institut de la statistique du Québec, la démographie ne sera pas une source de croissance économique : « L’effectif des 2064 ans plafonnera en 2017 autour de 5,13 millions, pour ensuite diminuer faiblement jusqu’en 2030 (baisse de 3,6 %) […] la part de ce groupe dans la population totale est appelée à diminuer fortement, passant de 63 % en 2011 à 51 % en 2061. » Qu’en est-il de la répartition sectorielle de l’emploi? Le secteur de la transformation a suivi le même cheminement qu’a pris plus tôt l’agriculture : une baisse de l’emploi par sa bonne performance de la croissance de la productivité. Depuis au moins un siècle et un tiers, la part relative de l’emploi dans les services est croissante. Au Canada, le secteur des services représentait 20 % des emplois en 1881 contre 78 % en 2015. La croissance économique devient tributaire de l’augmentation de la productivité dans les services.Comme pour les secteurs reliés aux ressources et à la transformation, cette croissance de la productivité exige un plus grand recours à la machinerie et à l’équipement par rapport à la main-d’œuvre.
Pourquoi l’explosion de l’emploi dans les services?
Différents facteurs expliquent l’expansion de l’emploi dans les services. À mesure que les revenus augmentent, les services prennent une part croissante des dépenses avec la conjonction de deux forces. Premièrement, la quantité demandée des services augmente en général relativement plus vite que le revenu réel. C’est bien le cas pour les importants secteurs de la santé, de l’éducation et des loisirs. Toutefois, un autre élément diminue la quantité demandée tout en ne décourageant pas l’importance relative des services dans le budget et l’emploi : la croissance relative moins rapide de la productivité des services ou de la production par heure travaillée provoque une augmentation de leurs prix. Jusqu’ici, différentes caractéristiques des services défavorisent un recours plus étendu au capital. Ils sont en effet intangibles, non stockables, non standardisés et à caractère humain. Ces propriétés compliquent la vie du statisticien qui doit mesurer l’évolution des prix des services avec une qualité constante : comment déterminer les variations de la qualité des services de santé entre 1960 et aujourd’hui?
À la suite d’un important rapport sur la mesure du produit et de la productivité des services publics, l’Office for National Statistics britannique a mis sur pied un programme pour tenir compte des variations de qualité dans l’output gouvernemental. Malgré des ajustements, les estimations de la croissance de la productivité des services demeurent très faibles : « Le taux de croissance annuel moyen de la productivité de l’ensemble des services du secteur public entre 1997 et 2013 a été de 0,1 % par an, contre 0,0 % entre 1997 et 2012. »1. Si l’augmentation plus faible de la productivité entraîne des coûts relatifs croissants pour les services, il en résulte une intensification de la pression pour en modifier leurs façons de produire.
Avec des services personnels ou humains de plus en plus coûteux, l’incitation devient de plus en plus forte pour les standardiser jusqu’à les déshumaniser. Trois marques de commerce bien connues illustrent la direction des changements. La mcdonalisation correspond à la standardisation de la production et du produit. Elle permet d’économiser la main-d’œuvre, de recourir davantage à de l’équipement et à implanter une forme de chaîne de montage. Dans le commerce de détail, les techniques de l’information ont permis des changements dans l’organisation des approvisionnements et dans le fonctionnement des magasins (la walmartisation) et l’explosion2 du commerce en ligne (l’amazonisation). Malgré les embûches inhérentes aux prédictions, on risque peu de se tromper en avançant que la production des services connaîtra une forme de tsunami dans les prochaines décennies avec une intégration accélérée des nouvelles technologies. La déshumanisation des services est-elle inévitable?
La plus grande utilisation du capital et de la technologie peut être perçue comme une forme de décadence entraînant la perte des aspects humains des services personnels. Heureusement, cela est loin d’être inéluctable. Le coût relativement croissant de l’humain, soit le rapport entre la rémunération globale et le prix de la machinerie et de l’équipement, exerce une pression dans tous les secteurs pour économiser sur le travail. Le progrès technologique peut toutefois devenir libérateur. Prenons des exemples simples liés au monde des personnes à mobilité réduite. Les appels vidéo via Internet diminuent leur isolement. De même, l’utilisation de robots pour les repas apparaît comme un progrès par rapport à la rapidité qui est souvent exigée au moment des repas. En résumé, une augmentation importante de la productivité dans les services permettra un accroissement des revenus et ainsi des possibilités de choix.
Notes
1. Office for National Statistics (2016). Public service productivity estimates: total public service, 2013, p. 1
2. Lire l'article de Laura Heller, « Amazon Wins Christmas With 3 Million New Prime Members », sur le site Internet de la revue Forbes.