Mon but par cette rubrique mensuelle régulière est de décortiquer pour vous les tactiques de négociation utilisées lors de négociations distributives (gagnant/perdant). Donner aux professionnels ou à toutes autres personnes intéressées par la négociation quelques clefs utiles pour reconnaître et contrer les tactiques de négociation est toujours un véritable plaisir. Pour certains, ce ne seront peut-être que des rappels, pour d’autres des découvertes.

L'ouverture choc

Cette technique est utilisée par les négociateurs qui souhaitent obtenir le plus bas prix possible. Le but va être de proposer un prix très bas au vendeur de manière à ce que ce dernier révise le prix qu’il s’était fixé au préalable et revoie ses objectifs à la baisse. Cet exemple peut aussi s’appliquer à la négociation de frais d’entrée, par exemple sur des placements financiers. C’est l’objet du dialogue proposé ici.


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Steeve Randy joue ici le rôle du négociateur usant de la tactique de l’ouverture choc et Didier Desvilles le négociateur qui va subir la tactique.

Didier Desvilles : Alors Monsieur Randy, nous sommes donc d’accord pour dire que ce placement semble vous convenir sous tout rapport.

Steeve Randy : Oui, absolument, c’est tout à fait le produit que je recherchais.

Didier Desvilles : C’est vrai que son taux d’intérêt est attrayant et que la disponibilité des fonds est intéressante.

Steeve Randy : Oui, exactement, vous avez raison, c’est d’ailleurs ce qui m’a immédiatement attiré.

Didier Desvilles : Donc, nous sommes d’accord. Je vous propose donc de remplir les documents habituels. Vous m’aviez bien dit que vous verseriez la somme de 150 000 dollars sur ce support de placement?

Steeve Randy : Oui, absolument, avec des frais d’entrée de 1 %.

Didier Desvilles : Monsieur Randy, pour ce type de placement, nos frais d’entrée sont de 4,5 % ; nous avions évoqué ce point lors de notre dernière rencontre et vous étiez d’accord.

Steeve Randy : Oui, j’étais d’accord pour placer 150 000 dollars sur ce support, Monsieur Desvilles. Je suis toujours d’accord, d’ailleurs, mais avec 1 % de frais d’entrée.

Que s’est-il passé ici? Steeve Randy a utilisé la méthode de l’ouverture choc! Cette tactique consiste à proposer un prix très bas (appelé « opening point » en anglais) qui surprend l’autre partie. C’est pourquoi cette tactique est appelée l’ouverture choc.

Didier Desvilles, le vendeur, ne s’attendait pas à cela et pensait déjà avoir conclu l’affaire. Pour l’issue de cette négociation, tout va en fait dépendre de « l’enjeu ». L’enjeu est ici le placement d’argent sur un support qui compte 4,5 % de frais d’entrée et il lie le vendeur et l’acheteur. La question va donc être de savoir qui de l’un ou de l’autre a le plus intérêt à vendre ou à acheter le produit, le vendeur ou l’acheteur.

En tant que vendeur, il se peut que Didier Desvilles se soit déjà engagé auprès de sa hiérarchie en évoquant la réalisation de l’affaire « Randy » et en ayant intégré cette transaction dans ses objectifs de vente. Il lui sera donc peut-être difficile de refuser la proposition que lui fait Steeve Randy, l’acheteur.

Pour ce dernier, peut-être n’a-t-il que faire de Didier Desvilles et de l’institution au sein de laquelle travaille ce dernier et cherche-t-il tout simplement les frais d’entrée les plus bas possible.


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Comment contrer cette tactique : Pour contrer cette tactique, le négociateur devra avant tout l’avoir anticipée :

  • Il devra se demander s’il souhaite vraiment placer l’argent de l’acheteur avec des frais d’entrée extrêmement bas. Si ce n’est pas le cas et si le négociateur n’a pas forcément besoin de ce client et de son argent, il pourra rester ferme sur ses positions et maintenir son offre de frais d’entrée à 4,5 %;
  • Si ce n’est pas le cas et que le vendeur souhaite capter le client, il devra accepter une baisse, mais peut-être pas aussi importante que celle désirée par l’autre partie. Pour cela, le vendeur devra avoir réalisé au préalable une fine analyse de ce que peut offrir la concurrence en termes de réduction sur les taux d’entrée ainsi que sur la rémunération des placements, bien entendu. Cela lui permettra de proposer les taux d’entrée les plus justes, calculés de manière factuelle;
  • N’oublions pas que si l’acheteur réussit à négocier des frais d’entrée à 1 % cette fois-ci, il y a fort à parier que la prochaine fois il demandera encore la même diminution concernant des frais d’entrée, voire davantage. C’est un risque que tout bon vendeur ne peut se permettre de prendre, sa commission pouvant alors fondre comme neige au soleil.