L’insatisfaction est l’ennemie du travailleur et de l’entreprise. Si elle devient chronique, elle peut mener à une baisse d’engagement et de productivité, à des problèmes de santé mentale et, éventuellement, à une démission. 

Pour contrer l’insatisfaction au travail, encore faut-il comprendre ce qui la provoque. L’agence de placement de personnel Randstad Canada se penche régulièrement sur cette question, notamment en réalisant des enquêtes auprès de milliers de travailleurs. Résultat : l’aspect auquel les employeurs doivent répondre afin de ne pas voir leurs équipes se dégarnir reste… le salaire.

«Dans de récents sondages1, 60 pour cent des employés de bureau et 65 pour cent des travailleurs industriels identifiaient un salaire insatisfaisant comme une raison de changer d’emploi et ces niveaux se maintiennent d’année en année», confie Marie-Noëlle Morency, directrice principale du marketing et des communications à Randstad Canada.

L’avancement et la formation comptent aussi parmi les cinq principales raisons de quitter un emploi, autant pour les cols bleus que pour les cols blancs. «Avec la transformation numérique et l’évolution rapide des tâches, les travailleurs se sentent poussés à changer vite et veulent qu’on appuie l’acquisition de compétences», précise Marie-Noëlle Morency. Par ailleurs, quatre travailleurs sur dix tenaient à une requalification pour des postes appelés à être automatisés.

Le manque de flexibilité en représente une autre. Non seulement les employés se sont attachés au télétravail, mais ils souhaitent en outre gérer leurs horaires et même organiser leur charge de travail. Ils accordent de plus en plus d’importance à leur santé mentale et physique et ne veulent pas se retrouver surchargés.

De son côté, le conseiller en orientation Francis Grégoire note que les travailleurs qui viennent le consulter déplorent souvent des insatisfactions liées aux aspects relationnels de leur travail. «La tâche reste plus prévisible, alors que des changements sur le plan relationnel comme un nouveau gestionnaire, une nouvelle culture d’entreprise ou une modification du style de gestion ont des impacts plus délétères», indique-t-il.

Communiquer clairement

On le voit, prévenir l’insatisfaction exige d’agir sur plusieurs facteurs en même temps et de trouver le moyen de concilier des attentes qui entrent parfois en conflit avec les besoins de l’entreprise. «Les gestionnaires doivent établir un plan de rétention pour leurs employés», estime Michael O’Leary, directeur régional principal de la firme de conseil en ressources humaines Robert Half.

Pour lui, ce plan commence dès le processus d’embauche et l’intégration et se poursuit tout au long du séjour de l’employé dans l’entreprise. On doit y retrouver à la fois une stratégie de communication globale et une approche de communication individuelle. Ces dernières servent à transmettre la mission, les buts et les attentes de l’employeur et à expliquer des politiques plus controversées, comme l’exigence de présence au bureau.

«L’incompréhension représente un net risque d’insatisfaction, affirme Michael O’Leary. Celui-ci diminue grandement lorsque les employés saisissent les raisons derrière les décisions et qu’ils sont mobilisés autour des objectifs de l’entreprise.»

Par ailleurs, la communication ne doit pas demeurer unidirectionnelle. Chaque travailleur peut ressentir de l’insatisfaction pour des motifs bien différents. «Nous utilisons nous-mêmes plusieurs outils numériques pour sonder nos employés en temps réel sur une multitude de sujets, souligne Marie-Noëlle Morency. Ces données nous permettent d’identifier les vrais problèmes et de proposer des solutions.» Elle ajoute que ces solutions elles-mêmes doivent être testées et ajustées en fonction des réactions des employés.

Le rôle de l’individu

Par ailleurs, le travailleur a lui aussi une responsabilité pour identifier et gérer ses insatisfactions. «Il doit comprendre d’où elles viennent et ce n’est pas toujours aussi clair qu’on pense», prévient Francis Grégoire. Il reçoit souvent des employés qui veulent changer de domaine et qui réalisent au fil des discussions qu’ils aiment encore leur travail. Leur insatisfaction est plutôt liée à leur milieu et à des problèmes relationnels.

«Si on n’identifie pas bien la source de son insatisfaction, on risque de la traîner avec soi d’un emploi à l’autre, signale Francis Grégoire. L’employé doit tenter de départager ce qui émane de lui — par exemple trop mettre l’accent sur des aspects négatifs au détriment du reste — de ce qui vient des tâches ou de l’entreprise.»

Lorsqu’on prend le temps d’y réfléchir, l’insatisfaction peut constituer un puissant moteur de progression. Elle peut amener le travailleur à changer d’emploi, à aller chercher des compétences pour avancer ou encore à se lancer dans un nouveau domaine. Elle peut surtout apporter une perspective éclairante quant à son propre rôle dans le cheminement de sa carrière et de son bonheur au travail.


Notes

1. Randstad Canada. Démystifier l’énigme talent : le plan de rémunération global parfait pour les employés de bureau https://docs.google.com/presentation/d/16AKLhh_mRJK_GWXQjeUEjfDf5ftRQHPDSsk0eVkVVPw/edit#slide=id.g107a1ac2237_2_847