Article publié originellement le 16 mai 2017

Et si vous étiez à la source de l'immobilisme de votre organisation?

C'est Isaac Newton qui l'a dit, dans le plus célèbre de ses ouvrages, Principia Mathematica, publié en 1687 : « Tout corps persévère dans état de repos ou de mouvement uniforme en ligne droite dans lequel il se trouve, à  moins que quelque force n'agisse sur lui, et ne le contraigne à changer d'état.» Voilà énoncé, de la plume du grand scientifique anglais, le principe physique de l'inertie.

L'universalité de l'inertie

Est-ce à dire que l'inertie ne trouve son champ d'application que dans le domaine de la physique? Vous et moi savons, sans grande surprise, qu'on peut constater au sein de nos organisations la présence de l'inertie, un état de fait dont les gestionnaires, tous niveaux hiérarchiques confondus, sont les principaux vecteurs. Car ce sont ces derniers qui, in fine, donneront (ou pas!) l'impulsion nécessaire afin de faire bouger l'organisation.

Pourtant, les gestionnaires ne sont-ils pas constamment en mouvement, tant au propre qu'au figuré, et ce pour le plus grand bien de leurs gens et de leur organisation? « Non! », affirment avec aplomb Linda A. Hill et Kent Lineback, dans leur article « Are You A Good Boss — Or a Great One? », publié dans les pages de l'édition janvier-février 2011 de la Harvard Business Review. Et leur constat est, à cet égard, assez dur : « La plupart des gestionnaires atteignent un certain niveau de compétence et s'arrêtent là — à court de ce qu'ils devraient et pourraient être »¹, indiquent-ils. Paresse? Emprise de la routine? Il faut plutôt rechercher la clé du phénomène, expliquent les professeurs Hill et Lineback, dans l'incompréhension des gestionnaires quant à la nature de leur travail. « La gestion, nous rappellent-ils, est définie par les responsabilités, mais mise en œoeuvre par l'exercice de l'influence. » Et cette influence n'a d'autre point de départ que... le gestionnaire lui-même!


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Trois chantiers personnels

Afin, donc, de poursuivre son parcours sur le long chemin de la difficile maîtrise du métier de gestionnaire et d'éviter les pièges de l'inertie managériale, trois aspects cruciaux de l'activité managériale doivent être constamment raffinés et polis. Ce sont...

  • La gestion de soi-même. Sachez-le, vous êtes l'objet d'une minutieuse observation de la part de vos employés, et ce à tous les jours ouvrables de votre carrière professionnelle! Que cherchent-ils? À vous prendre en défaut? Non! Ils cherchent à constater à quel point ils peuvent vous faire confiance, tant sur le plan des compétences que sur celui de la personnalité. Ne ratez donc aucune occasion qui vous est offerte, dans vos paroles et dans vos actes, d'accroître cette confiance. Dans le contexte de votre organisation, vous savez comment y parvenir!
  • La gestion de son réseau. Il serait grandement naïf de croire que l'on peut faire avancer les choses tout seul dans son organisation. Nul ne fait avancer ses dossiers ou sa carrière sans l'appui minimal d'une personne ou d'un groupe de personne. Et une telle chose demande le développement incessant des habiletés politiques, que l'on aime ou pas. Et si ces habiletés politiques ne sont pas innées chez vous, observez vos collègues gestionnaires en action, ou parcourez quelques textes² à ce propos. Cet effort sera à long terme récompensé;
  • La gestion de son équipe. Dans le feu de l'action, le gestionnaire a trop souvent tendance à privilégier les interactions individuelles. Mais l'action collective, qui vise à renforcer la cohésion de groupe, peut s'avérer tout aussi, voire plus efficace, afin d'aligner les efforts de tous et chacun dans la bonne direction. À cet égard, maîtrisez-vous pleinement l'intention stratégique (mission, vision, valeurs et objectifs) de votre organisation, de manière à la transmettre de manière convaincante à votre équipe? Êtes-vous bien au fait de la culture de votre organisation? Les principaux paramètres de cette dernière (valeurs, symboles, etc.) peuvent constituer de précieux leviers afin de dynamiser vos employés.

Il est facile de jeter le blâme sur quelque chose d'aussi intangible et large que « l'organisation » lorsqu'il est question d'inertie. Mais chacun doit saisir que la vigueur de l'organisation dépend essentiellement des gestionnaires qui y œuvrent et qui dynamisent l'ensemble par leurs actions, leurs réflexions et leurs remises en question. Êtes-vous prêts à bouger en ce sens?


Notes

1. Notre traduction, tout comme les autres citations du texte.

2. Lire les deux excellents articles signés par notre collègue Pierre Lainey, publiés antérieurement dans Gestion : « Les neufs piliers du pouvoir et de l'influence » et « Comment accroître son pouvoir organisationnel »