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L'audacieux pari des « fantasy sports »
2016-07-20

French
https://www.revuegestion.ca/l-audacieux-pari-des-fantasy-sports
2018-07-11
L'audacieux pari des « fantasy sports »
Industrie légale ou activité illicite? Des sommes colossales sont en jeu...
Chez nos voisins américains, les « fantasy sports » sont en voie de devenir un phénomène économique et social en soi. Mais le tout ne va pas sans générer son lot d'immenses controverses, et les gouvernements en place s'interrogent à la fois sur la nature et sur les impacts d'une telle industrie.
Les « fantasy sports », que l'on pourrait traduire par « sports virtuels », ne sont pas nouveaux en soi (voir l'encadré). De fait, cette activité, reliée aux activités des grandes ligues de sport professionnel, existe depuis au moins trois décennies. Si, à travers les conversations de corridor au bureau, vous avez déjà entendu le terme « pool» et constaté de vos yeux et de vos oreilles les taquineries lancées d'un collègue à l'autre sur la performance de « son » équipe, vous êtes immanquablement en présence du phénomène!
Un problème quotidien?
Et à ce niveau, les sports virtuels demeurent bien inoffensifs, parce qu'essentiellement ludiques. L'activité se déroule sur des mois, au fil d'une saison professionnelle, et les vainqueurs sont généralement connus au terme de celle-ci. Là où le bât blesse, comme le fait voir l'excellent reportage « The Fantasy Sports Gamble » de l'émission d'affaires publiques Frontline (accessible en tête darticle), c'est que certaines entreprises ont vu dans cette activité une occasion d'affaires en or, et ont donné au concept une dimension qui est loin de plaire aux instances gouvernementales, notamment.
Prenez par exemple les sites Internet FanDuel et DraftKings, qui proposent chacun une plateforme de sports virtuels. Pour ces deux entreprises, pas question d'attendre une saison complète! Ces sites ont développé le concept de « daily fantasy sports », un concept qui reprend l'essence des « fantasy sports », mais ramené à l'échelle d'une journée, ou d'une semaine. Ainsi, le fana de sports virtuels quotidiens se bâtit, par exemple, une équipe de basket-ball en choisissant quelques joueurs, mais en vue seulement des affrontements de la soirée ou du weekend. Et c'est une activité qu'il peut reconduire dès le lendemain, et le surlendemain, et ainsi de suite...
Controverses et bannissement
Le format est devenu, au fil des ans, un succès commercial d'importance. Les paris des amateurs se seraient élevés, pour l'an dernier, à 3,1 milliards de dollars, et on s'attend à ce qu'ils dépassent les 14 milliards de dollars en 2020. FanDuel et DraftKings, qui contrôlent 95 % du marché des « daily fantasy sports », engrangent donc les revenus par centaines de millions de dollars, aidées en cela par les lucratifs contrats qu'elles ont signés avec les ligues de sport professionnel. Un autre exemple de la puissance financière de ces deux organisations? En septembre 2015, septembre étant le mois inaugural de la saison de football américain, FanDuel et DraftKings ont collectivement dépensé 107 millions de dollars en publicité télévisée¹...
Mais il y a une odeur de brûlé qui flotte au-dessus du domaine d'affaires. Certains états américains ne voient pas cette activité d'un très bon œil, et ce pour de multiples raisons. D'une part, ils sont nombreux à penser que les sports virtuels quotidiens tombent dans le domaine du jeu et même le Nevada, à l'instar de 11 autres états américains ont banni cette activité de leur territoire, tandis que 16 autres en considèrent actuellement le bannissement. D'autre part, la pratique est fortement dénoncée par les organismes luttant contre les problèmes de jeu et par bien des états également, dans la mesure où la gratification quasi instantanée qu'elle peut procurer peut rapidement mener à de sérieux dérapages chez des personnes qui ont des problèmes de dépendance (voir la vidéo ci-bas). Et la chose est d'autant pernicieuse que cette activité est accessible au bout des doigts, par l'entremise d'applications téléchargées sur un téléphone intelligent.
Ce à quoi les deux principaux intéressés, à savoir FanDuel et DraftKings, répondent que les sports virtuels quotidiens ne sont pas un jeu de hasard, au sens légal du terme, mais davantage un jeu d'habiletés (game of skill) qui fait appel à la connaissance du sport et de ses joueurs².
Un fair-play douteux...
Autre sujet d'inquiétude pour les gouvernements : la répartition des gains. Alors que dans un casino, un joueur employant un quelconque stratagème (calcul mental, assistance technologique, etc.) serait vite repéré et exclu de l'établissement, aucune disposition n'empêche un joueur de sports virtuels quotidiens d'employer un algorithme de calcul afin de se bâtir la meilleure équipe possible pour une soirée donnée. Avec le résultat qu'une infime minorité d'experts empochent une immense majorité des profits, ce que confirment Ed Miller et Daniel Singer dans une étude menée par (lire leur article « For daily fantasy-sports operators, the curse of too much skill »). Les journalistes ont en effet révélé que pour la première moitié de la saison 2015 de baseball, 1,3 % des joueurs s'étaient accaparés de 91 % des profits générés par les « daily fantasy sports »...
Et ce n'est que quelques-uns des aspects de cette activité qui font sourciller. Les instances gouvernementales seront-elles en mesure de contrôler ce domaine d'affaires empreint de controverse, compte tenu notamment de sa popularité croissante? Les paris sont ouverts!
¹ Anthony Crupi, « Fantasy Sports Sites DraftKings, FanDuel September Spend Tops $100 Million ».
² Lire l'entrevue accordée par Matt King, le directeur financier de FanDuel, à Frontline.