Si le sujet n'est en soi pas nouveau, il est toujours bon de le revoir à la lumière des bouleversements que vivent à l'heure actuelle tant le monde des affaires que le domaine artistique.

Et nul endroit n'était sans doute plus propice à la chose qu'à la huitième reprise du Festival Chromatic, qui se déroule actuellement en marge de l'événement C2 Montréal. Intitulé « Art et entreprise. Pourquoi les entreprises misent-elles sur l'art et la culture? », les invités du panel de discussion mis sur pied à cet effet, et animé par notre collaboratrice Nathalie Courville, a pu faire part à l'auditoire des expériences heureuses vécues entre les entreprises et les organisations qu'ils représentent, et les artistes.Et oui, ces unions peuvent être durables et profitables !


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Des organisations et des entreprises qui soutiennent l'art sans ménagement !

Simon Robert, directeur de la responsabilité sociétale à Loto-Québec, est bien au fait du mariage qui existe entre la société d'État et le monde artistique, une union qui dure maintenant depuis 38 ans maintenant. De fait, la Collection Loto-Québec est aujourd'hui riche de 5 000 œuvres d’art issues du talent de 1 200 artistes. Et comme toutes les unions, celle qui lie Loto-Québec et l'art a grandement évolué. « On est passé de l'acquisition des œuvres au mécénat. Par la suite, nous nous sommes associés avec les institutions muséales partout au Québec, question de montrer aux Québécoises et aux Québécois une partie de notre patrimoine. Puis, il y a deux ans, nous avons revu notre modèle. Nous avons une énorme visibilité, soit 8 600 points de vente et trois casinos, dont celui de Montréal qui reçoit 20 000 personnes quotidiennement. Nous avons décidé de bâtir des parcours culturels à l'intérieur de nos établissements, et des commissaires invités, afin de créer une expérience artistique avec certaines thématiques », précise le dirigeant. « On veut être présent sur le territoire, et la culture devient un prétexte d'engagement avec le milieu », ajoute Simon Robert. Voilà de belles occasions à saisir pour les artistes !

Pour Stéphanie Lepage, directrice des relations médias, du positionnement corporatif et des partenariats à Aéroports de Montréal (ADM), l'art se double d'une fonction utilitaire. Par l'entremise de son programme L'Aérogalerie, ADM a cherché à donner une signature propre à l'aéroport Montréal-Trudeau, comme bien des aérogares dans le monde le font. Il était donc important, souligne Stéphanie Lepage, de mettre un accent particulier sur les arts médiatiques : « Montréal foisonne d'artistes numériques et pour nous, il était important d'aller chercher des œuvres qui permettraient de donner de la visibilité à plusieurs artistes. » La dirigeante ajoute qu'il existe une tendance à l'heure actuelle d'amalgamer l'architecture à l'art afin de fluidifier le mouvement et de créer une ambiance, une tendance qu'ADM a adoptée de belle manière dans ses installations aéroportuaires.


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Une perspective plus mercantile a été présentée par Élizabeth Lepage qui, en sa qualité de directrice du marketing chez Roots Canada, a mis l'accent sur la nécessité, pour la marque qu'elle représente, de développer un « capital de perception » auprès de ses clients et de la population en général. À cet égard, l'entreprise torontoise a lancé il y quatre ans #sweatstyles, un programme qui vise à offrir à des artistes canadiens émergents, dont la chanteuse québécoise Sophie Pelletier par exemple (voir la vidéo en tête d'article), une vitrine d'exception qui permettra de découvrir un peu plus ces derniers. À titre d'exemple, ces musiciens sont appelés à se produire dans divers établissements de la marque, le tout étant rediffusé sur Facebook Live.

Petit guide de séduction à l'intention des artistes

De plus en plus, les entreprises cherchent à encourager les arts et à s'y associer, et les trois organisations ci-haut évoquées le font de belle manière. Mais ces unions entre le capital et l'art demeurent souvent fragiles, surtout en période de ralentissement économique ou de restrictions budgétaires. D'où la nécessité de bien ancrer la chose : « On doit justifier constamment nos investissements, ajoute Simon Robert. On doit tisser des liens et créer une pertinence pour l'organisation. » Et cette recherche de pertinence ne doit pas être à sens unique. Certes, le gestionnaire au sein de l'organisation y travaille constamment.

Mais comme toute union durable est faite de compromis, l'artiste qui souhaite approcher une organisation doit aussi mettre un peu d'eau dans le vin de l'indépendance créative, mentionne M. Robert : « Il y a des artistes qui vont dire "Ça me permet de "hacker" son image et sa perception pour y intégrer une valeur artistique qui est plus grande." C'est avec ce type d'artiste-là qu'on veut travailler. » Avis aux artistes, faites vos devoirs à l'égard de la belle à séduire, suggère Simon Robert : « Prenez le temps d'aller lire le site web [mission, valeurs, responsabilité sociale, etc.] de chacun d'entre nous. On tente de passer des messages. Si vous nous approchez, tentez de rendre le tout pertinent pour nous! » Antinomiques en théorie, les relations entre l'art et les affaires sont, si l'on doit retenir une idée principale du panel présenté au Festival Chromatic, tout à fait possibles, voire même souhaitables, pour autant que les logiques de compromis soient à l'oeuvre de part et d'autre.