Avec la méthode LEGO® SERIOUS PLAY®, on propose aux membres d’une équipe d’utiliser les fameux blocs à assembler pour construire des modèles en 3D. Résultat? À l’aide de ce nouveau langage, les participants peuvent réfléchir, échanger, créer et innover plus efficacement et plus rapidement pour résoudre des problèmes organisationnels.

«Jouer sérieusement» peut sembler une expression paradoxale, mais n’est-ce pas ce type de paradoxe qui nous aide à pousser nos réflexions plus loin, à repenser nos actions, à trouver des solutions, à dépasser les limites[1]? C’est justement sur le jeu sérieux que repose la méthode LEGO® SERIOUS PLAY® (LSP)[2].

En quoi consiste cette méthode?

Centrée sur l’être humain, la méthode LSP est une technique de réflexion, de communication et de résolution de problèmes en temps réel qui aborde des situations précises. Elle s’appuie notamment sur les résultats de recherches portant sur le jeu, les neurosciences et la créativité dans les domaines de la gestion, de la psychologie et de l’apprentissage.

La méthode LSP repose sur un processus qui prévoit des moments réservés à la réflexion individuelle, pour permettre aux participants d’organiser leurs idées et leurs pensées. Par contre, l’essentiel du temps est consacré aux échanges en groupe afin de questionner, échanger, rebondir et cocréer.

Cette méthode met aussi de l’avant une autre forme de langage, plus universelle, car chaque personne, indépendamment de son expérience, de sa situation, de son éducation ou de sa culture, utilise le même matériau de base : les blocs LEGO®. Ces briques servent à stimuler, à échafauder, à concrétiser et à véhiculer des connaissances et des idées, par la construction de modèles en 3D.

Jouer avec des blocs remet les participants dans une posture de création. Dans cet environnement «sécuritaire», ils ne peuvent pas vraiment se tromper ni faire d’erreurs. «Les blocs LEGO® font que cette activité est toujours ludique, souligne Marie-Ève Chaumont, responsable des comptes corporatifs et expérience client à la Factry, qui offre des formations axées sur la créativité. Ce jeu te place dans une situation à la fois de vulnérabilité et d’émerveillement. Tout le monde est au même niveau. Cela crée un climat d’ouverture, de partage, d’écoute et de bienveillance.»

Les cinq postulats sur lesquels repose la méthode LSP

  1. Les leaders n’ont pas toutes les réponses.
  2. Le succès dépend de la capacité à «entendre» toutes les voix dans une pièce.
  3. Tous les individus veulent contribuer et faire partie de quelque chose de plus grand.
  4. Trop souvent, le travail en groupe est sous-optimal et des connaissances ou des idées demeurent inexploitées.
  5. Offrir à chaque individu la possibilité de contribuer et de s’exprimer permet à l’organisation d’être plus durable.

Jouer au travail

Jouer et s’amuser au travail sont deux comportements interreliés qui suscitent un intérêt grandissant chez les gestionnaires et les employés. Il a été démontré que le fait de jouer dans son organisation peut engendrer une variété de bienfaits[3] (voir l’encadré plus bas).

Pour les adultes, jouer est une activité interactive qui doit être abordée avec une attitude enthousiaste, dans le moment présent et dans le but d’avoir du plaisir. Contrairement au jeu et à la ludification (gaming), qui a recours à des mécanismes pour encourager la productivité ou le changement de comportement par la compétition et par des structures de récompenses (points, défis, etc.), le fait de jouer (playing) et le serious play font appel à l’imagination. Cette méthode de stimulation de la créativité intègre les dimensions cognitives, sociales et émotionnelles de l’expérience, afin de créer un contexte où les individus peuvent s’exprimer sur des défis organisationnels sans risquer de se tromper, sans compétition, sans jugement.

Comme le souligne Yannick Hémond, un professeur qui utilise la méthode LSP dans son programme de DESS en Résilience, risques et catastrophes à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) : «Jouer avec des blocs LEGO® permet aux participants de lâcher prise, de ne pas se comparer aux autres, de laisser de côté les résultats, d’oublier la performance. On apprend en jouant, on s’ouvre en s’amusant. Ça nous permet d’être dans le moment présent, de créer des liens avec les autres et d’être tous authentiques.»

Jouer au travail : dix bienfaits à souligner

  1. Stimule la motivation et la productivité.
  2. Augmente la satisfaction au travail.
  3. Favorise l’apprentissage actif et l’innovation.
  4. Accroît l’engagement.
  5. Favorise une compréhension individuelle et mutuelle.
  6. Permet d’être dans un état mental propice à la concentration.
  7. Facilite l’expression d’idées créatives.
  8. Permet de créer des relations et des liens sociaux plus riches.
  9. Favorise des solutions inclusives.
  10. Fait naître un climat créatif, optimiste, où la confiance règne.

Pourquoi choisir cette méthode?

La méthode LSP vise principalement à améliorer la performance des individus, des groupes et des organisations, et offre les avantages suivants :

  • clarifier certains défis et leur donner du sens;
  • partager des perspectives nouvelles et analyser différemment la réalité;
  • faciliter la communication et la résolution de problèmes;
  • stimuler l’imagination, la créativité et la génération d’idées;
  • améliorer la qualité et la rapidité des prises de décision;
  • favoriser la réflexion et la rétention d’idées et d’informations;
  • obtenir l’engagement total des participants;
  • donner confiance aux personnes timides ou réservées;
  • encourager l’harmonie et la cohésion au sein d’un groupe;
  • créer des moments agréables et générer des résultats mémorables.

La méthode LSP s’adapte à une grande variété de contextes, de temporalités (rétrospective, actuelle ou prospective) et de problématiques organisationnelles. «C’est une méthode qui peut être utilisée à la fois pour une réflexion stratégique individuelle ou collective, ou bien dans le cadre du développement de plans d’affaires, lorsqu’on souhaite établir une vision commune, pour créer de nouveaux produits, de nouveaux services ou de nouvelles expériences», explique Grégoire Luthier, responsable, Campus & mobilité interne, chez BNP Paribas, une banque française établie au Canada.

La méthode LSP met l’accent sur l’individu au cœur d’un groupe. La structure des ateliers exige que chacun s’investisse dans le processus de prise de décision et d’élaboration de solutions. Ce type d’exercice génère généralement plus d’idées et de résultats concrets, parce que chacun dispose du même temps pour préparer ses réponses et organiser ses idées, avant même que ne débutent la conversation et la mise en commun des éléments. «Le processus permet aux participants et au facilitateur d’interagir de manière spécifique aux propos des autres et de façon bienveillante, afin que de nouvelles idées et même des révélations émergent, souligne Grégoire Luthier. On peut ainsi avoir une vision plus claire de ce qu’on pourrait faire.»

Le mode opératoire des ateliers LSP comporte quatre étapes : défi, construction, récit et réflexion. Tout d’abord, un facilitateur pose un défi sous la forme d’une question ouverte liée au problème et à son contexte. Par la suite, chaque participant répond au défi en construisant un modèle en blocs LEGO® qui intègre ses idées et ses connaissances. Ensuite, tous les membres du groupe, à tour de rôle, racontent l’histoire de leur modèle. Finalement, les participants entament une réflexion de groupe en étudiant chacun des modèles et en exprimant divers points de vue susceptibles de mener à la résolution du problème et à une prise de décision.

Des éléments magiques

L’efficacité de la méthode LSP repose sur la combinaison de différents éléments. Tout d’abord, les modèles construits par les participants avec les blocs LEGO® sont généralement «métaphorique». Les métaphores permettent d’exprimer des idées abstraites, aident à réfléchir et à mieux comprendre une réalité complexe, transforment l’intangible en tangible et facilitent l’échange de perspectives. «En utilisant les blocs, nous allons plus loin que si nous avions utilisé des post-it pour présenter nos idées, par exemple. Les participants donnent à leurs concepts une forme d’où émergeront une discussion et des échanges. Les modèles en blocs LEGO® favorisent l’expression de l’état émotif des individus», explique Yannick Hémond.

La méthode LSP favorise une communication ouverte et une écoute attentive entre les participants. En utilisant les modèles en blocs LEGO® pour transmettre des idées, on se concentre sur le message et non sur le messager. «Les échanges sont ainsi plus authentiques, car on discute des idées et des réponses proposées à l’aide des modèles construits, sans exprimer de jugement sur les personnes qui ont pris la parole», précise-t-il.

Autre élément clé : cette méthode met de l’avant, de manière structurée et prévisible, les 4 C de l’apprentissage : communication, collaboration, créativité et pensée critique. «Avec les blocs LEGO®, cet exercice est très inclusif. Comme participant, chacun a sa vision. Mais en tant que groupe, on doit s’entendre sur un concept. Il y a donc une partie des idées de chacun dans les modèles communs», explique Marie-Ève Chaumont.

L’imagination, c’est-à-dire la capacité de voir ce qui n’existe pas encore, est au cœur de cette méthode. Il existe trois types d’imagination[4]:

1- descriptive, qui consiste à avancer dans le monde tel qu’il est;

2- créative, par laquelle on tente de proposer quelque chose qui n’existe pas encore;

3- provocatrice, qui consiste à redéfinir complètement ou à révolutionner les systèmes existants. La méthode LSP est particulièrement bien adaptée pour solliciter et mettre en œuvre les imaginations créative et provocatrice, qui peuvent être très bénéfiques pour les organisations.

Finalement, la méthode LSP repose sur la mise en récit ou le storytelling, voire le storymaking, puisque chaque individu présente ses idées et ses connaissances en créant et en racontant l’histoire de son modèle. Ainsi, de manière interactive, il transmet ses idées à l’aide de blocs LEGO® et de métaphores. Les histoires suscitent l’intérêt, ce qui contribue à mieux comprendre le contenu présenté et à stimuler l’imagination de tous les participants. «Parfois, le sens émerge au fur et à mesure que les participants racontent leur histoire. Ainsi, ils peuvent pousser leurs idées encore plus loin et approfondir leurs échanges», conclut Marie-Ève Chaumont.

Article publié dans l'édition Été 2022 de Gestion


Références

[1] Lire notamment : Schad, J., Lewis, M. W., Raisch, S., et Smith, W. K., «Paradox research in management science: Looking back to move forward», The Academy of Management Annals, vol. 10, n° 1, janvier 2016, p. 5-64 ; Statler, M., Heracleous, L., et Jacobs, C. D., «Serious play as a practice of paradox», Journal of Applied Behavioral Science, vol. 47, n° 2, mai 2011, p. 236-256.

[2] Kristiansen, P., et Rasmussen, R., Building a Better Business Using the Lego Serious Play Method, Hoboken (New Jersey), John Wiley & Sons, 2014, 240 pages.

[3] Petelczyc, C. A., Capezio, A., Wang, L., Restubog, S. L. D., et Aquino, K., «Play at work: An integrative review and agenda for future research», Journal of Management, vol. 44, n° 1, janvier 2018, p. 161-190.

[4] Roos, J., et Victor, B., «Towards a new model of strategy-making as serious play», European Management Journal, vol. 17, n° 4, août 1999, p. 348-355.